Le film suit une série de couples qui se font et se défont, composés par Michael Fassbender, Rooney Mara, Ryan Gosling, Natalie Portman, Cate Blanchett, Berenice Marlohe… dans le style fragmentaire propre à Malick. Celui-ci ne construit pas de scènes à proprement parler mais cherche à rendre compte de sensations, à capter des instants fugaces dont le contexte restera toujours en partie flou. Le personnage de Rooney Mara qui est celui avec le moins de répliques (mais le plus de voix-off), et dont le statut demeurera le plus indéterminé (chanteuse que l’on voit jamais chanter, musicienne qui ne joue jamais d’aucun instrument) constitue la porte d’entrée subjective dans ce monde et dans la plupart des scénettes.


J’apprécie le style visuel du film (qui est le même depuis Tree of Life) où les cadres sont proches des personnages, en dessous des visages, en contre plongée et en grand angle ce qui donne une impression de grandeur à tout ce qu’il y a dans le plan, comme si le film se faisait du point de vue d’une petite bestiole virevoltante ; le tout baignant dans la toujours magnifique lumière estivale d’Emmanuel Lubeski. L’intégration d’éléments urbains contemporains (ponts, routes, immeubles…) renouvelle un peu l’imaginaire de son auteur (j’ai pas vu Knights of Cup).


SPOILERS :


On pourrait aussi interpréter la façon de cadre très basse comme l’effet de la pesanteur contre lequel s’oppose les personnages principaux. Les voix off mettent l’accent sur le désir de s’envoler, de se libérer (l’un des titres de travail était Weightless – en apesanteur). On trouve la récurrence du motif de l’envol par des plans sur les oiseaux et sur des mobiles accrochés au plafond. Aussi, cette manière de filmer permet d’avoir constamment le ciel ou le plafond dans le champ pour composer une ligne de fuite. C’est ainsi qu’à la fin, la réconciliation amoureuse résonne avec la réconciliation avec la terre représentée par des plongées où on ne voit plus que le sol et par l’apparition d’éléments telluriques.


FIN DES SPOILERS


Je considère Malick meilleur pour filmer les moments de grâce où les partenaires amoureux jouent, dansent que pour évoquer le délitement amoureux, la sensation de s’engluer dans la déprime. Ces moments-là ne sont pas du tout incarnés et comme le film oscille à 95 % entre ces deux pôles, les spectateurs qui resteront insensibles aux premiers moments trouveront le film vain et s’ennuieront ferme.


J’ai été un peu déçu par l’absence de toute dimension documentaire sur la scène musicale d’Austin ou sur les coulisses du festival, et on pourra toujours avoir des réserves quand la sensibilité chrétienne de Malick se fait jour, notamment avec le personnage de Fassbender présenté comme un personnage Méphistophélique auprès duquel les autres personnages viennent se brûler.
Conclusion : le film ne vaut peut-être pas la peine de se précipiter en salle mais reste une expérience originale.

Cactus121
7
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le 30 nov. 2017

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Cactus121

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