Assez mitigé par la découverte de ce petit travail qui propose, par sa descente aux enfers moderne, de donner le regard d'un étranger provenant d'Europe de l'est et qui veut faire un documentaire sur le "rêve européen", en commençant par la France. Les ambitions sont là, voyons maintenant comment le film s'en tire.


La comparaison entre Prakov et C'est arrivé près de chez vous écrase totalement cet effort moderne, on se contentera donc de dire que le mélange se voulait aussi frais avec cette sensation de vécu, mais que niveau résultat et ambiance, on est plus proche d'un Last horror movie. En mieux toutefois, car à aucun moment, le film n'essaye de donner un message ironique ou de prendre un quelconque parti, il se contente de suivre son personnage et ses réactions. Ce qui était sa force au début et qui finit par devenir sa faiblesse. Pendant la première partie, Prakov capte toute la vacuité de la vie lambda d'un touriste dans la capitale, entre les fêtes, les murges, les visites légères et le climat social un peu chaud de la capitale (on était alors en 2013, le plan vigipirate a depuis déployé considérablement plus de troupes et de policiers). Mais ses financements sautent, et à force de se balader avec du matériel à 800 euros pièce, il se fait attaquer et perd son portefeuille. Il devient donc progressivement un SDF avec une ou deux personnes qui l'aident pour ralentir sa chute, et sombre dans la misère doublée d'une incompréhension culturelle et verbale, qu'il filme avec ses caméras toujours valides. Une déchéance qui aboutit à la violence glauque d'un Maniac. Seulement, cette démarche n'a pas beaucoup d'intérêt car l'évolution est assez prévisible et qu'elle n'est pas très divertissante, pas très drôle, et que ce qu'elle reflète est finalement assez vague. Ce mélange d'incompréhension culturelle et de sentiment d'abandon (Prakov coupe les ponts avec son pays natal et sa famille) n'est clairement pas le seul responsable du basculement du personnage. Une certaine propension à l'irresponsabilité est également présente dès le début de son documentaire, et lors de la séquence de basculement (son premier meurtre), rien ne vient logiquement faire pencher la balance du côté d'un engrenage compréhensible. Prakov pète un câble et se met à faire n'importe quoi en France, sans que cela ait un aspect politique ou social. Si la déchéance vers le vagabondage est plutôt réaliste (en cela, une exploration des bas fonds était louable), le virage vers le film extrême dessert les ambitions initiales et finalement transforme le film en petit objet inoffensif, vaguement choquant dans ses dernières minutes (quelques agressions sauvages) mais bien peu subversif ou proposant un message. Une occasion manquée.

Voracinéphile
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le 11 mai 2016

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