Abby, Ricky et leurs deux enfants sont les locataires forcés d’un petit pavillon dans la banlieue de Newcastle. Malheureusement, victime collatérale de la crise financière de 2008, cette famille soudée a dû faire des sacrifices pour survivre. Abby, aide à domicile pour des personnes impotentes se voit contrainte de vendre sa voiture pour que Ricky - qui enchaîne les jobs mal payés depuis des années - puisse acheter un fourgon. En effet, il vient d’être embauché comme chauffeur à son compte dans une société privée de livraison express. Sous pression constante de part les horaires, les courses, le timing à respecter, et plus encore - de véritable opportunité (sur le papier du moins) - ce nouveau job va s’avérer être un éprouvant parcours du combattant autant physique que psychologique pour Ricky, avec de désastreuses conséquences familiales.
Chaque personne ayant déjà commandé sur Internet, s’est forcément posé ces deux questions au moins une fois : “Pourquoi le livreur est-il si pressé, et surtout pourquoi est-il si irascible ? Après avoir visionné “Sorry we missed you”, le nouveau film de Ken Loach, les choses deviennent plus clairs. Le récit écrit à quatre mains par Ken Loach et son scénariste de toujours Paul Laverty est d’une telle puissance dénonciatrice, qu’un sentiment de culpabilité nous saisit rien qu’à l’idée de faire partie à notre modeste niveau, de l'implacable mécanisme d’avilissement programmé de la société du travail. Un libéralisme monstrueusement inégal, déshumanisant petit à petit notre quotidien. Comment aller contre les dérives du toujours plus ? Comment résister aux sirènes du marché 2.0 ? À ces questions, Ken Loach n’a évidemment pas la solution. Une nouvelle fois, le cinéaste britannique - avec la finesse qu’on lui connaît - pose un regard critique sur les dérives de la révolution numérique. L’uberisation du marché du travail comme on peut aussi l’appeler nous est présentée à travers le parcours d’Abby,Ricky et leurs enfants. Cette famille - comme ils en existent tant d’autres - se débat de toutes ses forces pour ne pas sombrer dans cet océan de changement. Ken Loach laisse une nouvelle fois la part belle à ses comédiens dont les prestations sont magistrales. Avec “Sorry we missed you”, le réalisateur de “La part des anges” ou encore “My name is Joe” fait montre de son engagement politico-social en signant un drame sobre et poignant aux relents de fable humaniste dans laquelle, les véritables héros du quotidien sont de simples citoyens ordinaires. À méditer surtout en ce moment !!