Ricky et Abby se démènent pour boucler les fins de mois et assurer l'éducation de leurs enfants adolescents. Quand Ricky décide de se mettre à son compte en devenant livreur pour une entreprise de vente en ligne, il se lie au contraire à un système productiviste et déshumanisant.
Un à un, Ken Loach va dérouler les rouages implaccables de ce système capitaliste et le cercle vicieux qui va mener la famille anglaise à la désolation sociale et familiale. Il y a d'abord l'aliénation à un téléphone-scanner, traçant ses moindres faits et gestes. Puis l'humilation personnelle de pisser dans une bouteille en plastique pour ne pas perdre du temps. Enfin, l'exposition aux contingences de la vie - des embouteillages aux humeurs des clients - sans aucune garantie sociale ni empathique.
Abby, la femme de la famille, aide à la personne, est une fidèle représentante du secteur hyper féminin et populaire du care. Dévouée, ne comptant pas les heures de travail, elle mène de front vie de famille et vie professionnelle, sans tergiverser sur les devoirs à effectuer pour les enfants.
Tandis que l'aîné sèche les cours pour faire des graffitis avec sa bande, la cadette n'hésite pas à aider son père le temps d'une course... L'amour qui lie la famille est perceptible. Une scène magnifique et puissante est celle où la famille est réunie dans le camion, chantant ensemble. Ken Loach dépeint, en Zola cinéaste contemporain, la condamnation de la classe populaire, qui débouche sur le repli sur soi.
Malgré tout, l'amour suit cette logique, rattrapé par le poids du système, (re)producteur d'inégalités. Malgré tout, l'amour est condamné sur l'autel du productivisme, avec un couple trop fatigué pour s'aimer.
C'est une force lancinante du film que de montrer que solidarité, beauté et amour cohabitent avec leurs ombres les plus sombres, violence, laideur et haine. Bien que la famille soit condamnée, malgré les lois implacables de la condition dans laquelle elle se trouve empêtrée, on veut essayer de croire en une fin ouverte proposée par le film...