Pour comprendre pourquoi Spinal Tap, le premier film de Rob Reiner (Princess Bride, Quand Harry Rencontre Sally), fait encore aujourd’hui partie des comédies cultes aux Etats-Unis, il est nécessaire d’essayer de se replonger au début des années 80, période où le film a vu le jour. Le hard rock est en pleine effervescence avec des groupes tels que Black Sabbath, Kiss, ACDC, Judas Priest, Led Zeppelin, Mötorhead, Deep Purple, Saxon, Alice Cooper et autres Van Halen. Le public est friand de ce genre de musique et Rob Reiner se dit que cela pourrait être intéressant de se pencher sur le sujet. Mais comme il faut essayer de faire dans l’originalité, il va s’essayer au faux documentaire, genre jusque-là très peu répandu, mais qui serait à la fois un hommage et une parodie du genre heavy métal. Il va forcément se retrouver face à un mur lorsqu’il va falloir convaincre les distributeurs, mais l’un d’eux va lui donner 10000$US afin qu’il réalise une sorte de démo de ce qu’il a exactement envie de faire. Rob Reiner et les trois scénaristes Christopher Guest / Michael McKean / Harry Shearer, également acteurs et vrais musiciens, pondront une maquette de 20 minutes. Cette dernière convaincra et Spinal Tap sera immédiatement mis en chantier. Certaines scènes de cette maquette seront d’ailleurs intégrées au film final. Le film sort, et devient culte en un rien de temps.


Quand je dis « culte », c’est culte. Nombreux spécialistes américains le classent numéro 1 des 50 films les plus cultes de tous les temps. Il en est de même pour le célèbre magazine américain Entertainment Weekly. Même chez nous, le magazine Premiere le met en 2006 dans son top 50 des meilleures comédies. Mais ce n’est pas tout puisqu’on retrouve des références au film Spinal Tap dans bon nombre d’œuvres anglaises ou américaines. Les Simpsons, Doctor Who, Buffy contre les Vampires, NCIS, Stephen King dans son roman 22/11/63, J. K. Rowling dans sa célèbre saga Harry Potter, … Même IMDB, la célèbre base de données sur le cinéma y va de son petit clin d’œil, Spinal Tap étant le seul film du site ayant une notation sur 11 au lieu de 10, en référence à une scène du film où l’un des protagonistes explique qu’ils sont les seuls à avoir des amplis allant jusqu’à 11 au lieu de 10.
Le film lui-même est bourré de références en tout genre au monde du heavy metal. Le personnage de Nigel frotte un violon sur sa guitare en hommage au guitariste de Led Zeppelin qui avait pris l’habitude d’utiliser un archet de violon pour jouer de sa guitare. Le fait que les membres du groupe se perdent dans les coulisses alors qu’ils sont attendus sur scène est une vraie anecdote du groupe Kiss. Le dialogue improbable sur le fait que l’un des batteurs du groupe est mort étouffé dans du vomi est une référence à bon nombre de musiciens qui sont morts de la sorte, comme par exemple Jimi Hendrix, John Bonham (batteur de Led Zeppelin), Bon Scott (chanteur d’ACDC) ou encore Tommy Dorsey (célèbre trompettiste).


Si le film est aussi culte, c’est aussi parce que des personnalités du milieu du rock / heavy métal ont indiqué que le film était réellement très proche de ce qu’est le monde du heavy metal. Ozzy Osbourne (Black Sabbath) a déclaré que, lorsqu’il a vu le film la première fois, il n’a pas ri car il pensait que c’était un vrai documentaire. Même topo pour David Howell Evans, dit The Edge (guitariste de U2) : « je n’ai pas rigolé, j’ai pleuré, c’est tellement proche de la réalité ».
Mais le comble du culte arrive bien après la sortie du film. Nous sommes d’accord que, dans le film, le groupe Spinal Tap est un groupe fictif. Il a beau être composé par de vrais musiciens et les extraits musicaux ont beau être réels, le groupe a été inventé de toutes pièces. Néanmoins, devant l’ampleur du phénomène Spinal Tap, et aux demandes incessantes des fans, le groupe du film devient un véritable groupe, enregistrant un album en 1992 auquel participeront Cher, Jeff Beck, Joe Satriani, Steve Lukather (du groupe Toto) ou encore Slash des Guns N Roses. Le groupe enregistre des clips et donne même un concert au Royal Albert Hall la même année. Toujours la même année, ils sont apparus lors de la première partie du concert hommage à Freddie Mercury où ils interprétèrent The Majesty of Rock, une parodie de, et dédié à, Freddie Mercury. Malheureusement, le succès n’est pas au rendez-vous, le heavy metal n’ayant plus vraiment la côte au début des années 90. Le groupe continuera d’exister jusqu’en 2007 où ils apparaitront dans un ultime concert lors du Live Earth au stade de Wembley.


Le film Spinal Tap, c’est donc le reporter Marty DiBergi (Rob Reiner) qui va prendre une caméra et suivre le groupe durant une tournée aux States. Un groupe dont les heures de gloire sont derrière eux et qui est clairement sur la pente descendante. On va suivre leurs interviews, des soirées de gala, la promotion, les coulisses, leurs caprices de stars, les problèmes de censure, des extraits de concerts plus ou moins prestigieux, les problèmes en interne, surtout quand une fille va venir se mettre au milieu des deux leaders, le début de la décadence, les tentatives de renouvellement, de transformation, … En immersion totale dans la vie du groupe en quelques sortes.
Point fort du film, le casting. De vrais musiciens donc pour interpréter les membres du groupe, mais pour le coup d’excellents acteurs n’ayant pas peur de se ridiculiser en arborant des accoutrements ridicules (avec en plus parfois, du maquillage). C’est clairement un festival de coupes et tenues vestimentaires improbables. Les échanges entre les protagonistes sont bons et certains dialogues sont complètement out of this world (celui sur le pourquoi des concombres dans le pantalon par exemple). Avec Spinal Tap, on ne rit jamais aux éclats (ou alors je ne suis pas du tout rentré dans le délire), ça ne va d’ailleurs jamais réellement à fond dans le délire parodique car c’est en même temps un vibrant hommage. Non, le film est plus à voir comme une curiosité, à replacer dans son contexte donc sous peine de passer complètement à côté. Une curiosité qui sent étrangement le vécu. Une caricature pleine de tendresse.


Culte de chez culte chez nos amis ricains, Spinal Tap n’a clairement pas le même impact aujourd’hui que lors de sa sortie en 1984. Néanmoins, ce faux documentaire reste un sympathique divertissement qui s’apprécie d’autant plus si vous appréciez le genre de musique qu’il pastiche.


Critique originale : ICI

cherycok
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le 19 nov. 2018

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