Qui aurait imaginé un jour qu’un film d’Harmony Korine allait bénéficier d’autant de publicité ? Affiches racoleuses pour certains, imagerie pop pour d'autres, sujet provocateur (Spring break est la semaine de vacance pour les étudiants américains, célèbre pour ses excès en tout genre) bref tout est là pour séduire un public à priori formaté par la banalisation de l’imagerie pornographique, l’ultra-violence.
Le réalisateur à la réputation sulfureuse, aux films atypiques comme Gummo (1997) est surtout connu comme le scénariste de Kids et Ken Park de Larry Clark. Des films mettant en scène une jeunesse qui en a fini avec le rêve américain, livré à elle-même et donc en quête constante d’un nouvel eldorado, d’expériences qualifiées d’extrêmes mais pourtant lié à l’imaginaire de notre époque et qui répondrait à la (même) question : qui sommes nous aujourd’hui ? En se retirant de son Tennessee natal ou il a grandit, ou il filmait généralement des quartiers sales, une Amérique décadente voire dégénérée, Harmony Korine gagne en amplitude en allant filmer son « Spring Breakers » en Floride. Ici c’est « sea, sex and sun » version transe avec overdose de couleurs fluo, de bikinis, de dollars et d’armes à feu, mais qui tranche avec une mélancolie poignante.

Le film est donc l’histoire de quatre jeunes filles qui rêvent de se rendre à Spring Break comme d’autres rêvent de partir en Inde pour vivre une expérience spirituelle dans le but se révéler à elles-mêmes. Afin de récolter suffisamment d’argent, elle décident de braquer un fast food avec un marteau et… un pistolet à eau. Et les voilà en route pour la Floride, et puisque « tout est bon quand il est excessif » comme le disais Sade, ce sera forcemment différent. Pour le meilleur et pour le pire, l'un pouvant annuler l'autre dans ce contexte.
Porté dès les premières minutes par le titre « Scary Monsters and Nice Sprites » de Skrillex, le décor est planté. Filmé comme un documentaire clipé au ralenti, une centaine de jeunes étudiants se livrent face camera à des provocations en tout genre, simulations sexuelles, alcool à flot. Selon le rythme de la musique, c’est beau, ultra photogénique, hypnotisant avant de devenir la seconde d’après tout aussi bête et vulgaire.

Le film avance en maintenant (péniblement à la longue) cet équilibre fragile, jusqu’à s’épuiser même à force de recycler et répéter l’exaltation des filles dans ce paradis balnéaire. On espère donc qu’à un moment le dispositif mis en place par Korine déraille.
Et voilà que suite à l’arrestation des filles après une soirée trop arrosée, le dérèglement survient incarné telle une monstruosité venu d’une autre planète, voici Alien ! Gangster débiles aux dents d'argent et aux deux parfums de chez Calvin Klein interprété de manière halluciné par James Franco.
« Ca ne devait pas se passer comme ça…on a pourtant rien fait de mal…» s’interrogeait Faith interprété par Selena Gomez, qui devinera la promesse d'une odyssée meurtière et quittera l'aventure pour retourner chez elle.

Qu’y a-t-il donc de mal à vouloir prendre du plaisir, à s’amuser ? la réponse du gangsta est radicale et sans appel : pour s’éclater, il a choisit le Mal ! Sur une musique des plus sirupeuse de Britney Spears, « cet ange venu d’une autre planète », un espèce de commando à cagoule rose se forme alors, relégant cette terreur locale d'Alien en sex toy misérable à la merci de nos sirènes ultra phalique dans leur quête (auto) destructrice.

« Spring Breaker » fait alors echo aux errances meurtrières d' "Elephant », sa candeur autant que son horreur, à « Cosmopolis » dans son discour du capitalisme et de la société de consommation qui, en pleine agonie résiste encore, n'ayant rien d'autre à proposer sinon l'avènement de nouveaux monstres dont l'inconscience n'à d'égal aujourd'hui que sa sauvagerie.
Le film marquera très certainement notre époque comme en son temps « Pierrot le fou » de Godard, « Apocalypse Now » de Coppolla. Voici notre film miroir.
Boris_Doussy
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le 6 déc. 2014

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