C'est quand qu'il arrête de pleuvoir ?

C’est long, c’est lent, il pleut, les gens sont gris, ils portent tous des chaussures à fermeture éclair, il y a de la boue partout et on ne comprend rien !
Voilà en quelques mots, le premier retour que l’on pourrait faire sur le Stalker de Tarkovski.


C’est vrai que ce film à tout pour rebuter.
Vieux, russe, s’étirant sur près de 3h, un synopsis in-résumable, des variations esthétiques alternant tonalités sépia et colorisations appuyées, peu de personnages, peu de dialogues et un rythme pour le moins… particulier.


Oui, mais.
Oui mais, c’est bien !
C’est bien parce que c’est beau, c’est léché, c’est exigeant, c’est envoutant, c’est travaillé, c’est ambitieux, c’est surprenant, c’est calibré, ça fait plaisir.
Oui, c’est bien !


C’est-à-dire que sans avoir l’air d’y toucher, le père Tarkovski signe là une partition tout en tension.
Il y a dans ce film une douce sensation de mystère qui enrobe l’ensemble de la narration, devenant au fur et à mesure de l’évolution du récit, un sujet à part entière. Un sujet qui sera amené à prend de plus en plus d’importance, au point de phagocyter nos « héros » et leurs capacités de décision.
On attend et on sent dès les premières minutes une catastrophe qui finira (au bout du compte) par arriver. Mais évidemment pas sous la forme attendue.
La catastrophe ici c’est le rien. C’est qu’il ne se passe rien. C’est que par peur d’eux-mêmes ou peur des autres, ou par lâcheté, ou par nature, ou par tout ça à la fois, les hommes s’avèrent incapables. Incapable de décider, de choisir, d’avancer.
Même si la promesse est belle, potentiellement la plus belle qui soit, ils ne pourront pas bouger, ils ne pourront pas faire le pas nécessaire vers une concrétisation assurée. Et qu’importe le chemin parcouru et les dangers évités. Cela ne changera rien in fine.


Alors, oui j’ai regardé ma montre.
Mais après 2h20 de film et sans jamais avoir la sensation d’avoir déjà passé autant de temps devant les aventures du Stalker et ses deux compagnons d’infortune.
La faute à quelques scènes cultes et absolument folles pendant lesquelles on parle philo allongés dans la boue avant de faire un petit roupillon, ou pendant lesquelles on traverse un tunnel long boueux bien glauque et qui n’en finit pas de tourner, de tourner, de tourner. Ou encore pendant lesquelles on traverse une salle à colonnades ensevelie sous des amoncellements de sable. A chaque fois c’est beau !


Notons que, passé l’aspect brut et un peu sec de la réalisation, on a rapidement la sensation qu’une matière folle grouille sous le capot !
On sent, qu’on pourrait passer des heures à analyser en détail tel ou tel plan particulier. Telle ou telle proposition artistique. Trouver des parallèles, des allégories, des métaphores, des citations plus ou moins directes.
On sent aussi une grammaire cinématographie bien costaude. Science du cadrage, du mouvement de caméra, de la construction du plan, de la mise en scène quoi ! D’ailleurs on sent ça dès les 5 premières minutes !


En résumé, une fable métaphysique (avec quelques relents post-apocalyptique) bien bien vénèr, fort en gueule et qui peut mettre la pâtée.


PS : Peut-être que la solution viendra des femmes et/ou des enfants…

evguénie
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le 16 sept. 2018

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