Film impérial d'un Hal Ashby qui nous présente ici une communauté de jeunes gens insouciants vivant sous le soleil de Beverly Hills dans une période charnière de l'histoire des Etats-Unis : la fin des années 60.


L'action se passe même précisément le 4 Novembre 1968. A la veille de l'élection de Richard Nixon comme 37ème président de la plus grande démocratie du monde.
Cet événement politique (majeur) constitue ici une trame de fond à l'intrigue générale. On voit ici et là des téléviseurs retransmettant les débats, analyses politiques, discours des candidats, sans que jamais cela n'impact en quoi que ce soit la vie de Warren Beatty et sa bande.
Ceux-ci tiennent savamment ces enjeux politiques loin de leurs considérations quotidiennes quelque peu triviales. Qui couche avec qui ? Qui deal avec qui ? Qui vit avec qui ? Qui coiffe qui ?


Il s'agit en réalité d'une satire assez féroce des mœurs sociales et sexuelles d'une jeunesse perdue, délurée, qui avance sans véritable but uniquement braquée sur son petit "moi" personnel.
Hal Ashby semble nous dire, que la contre-culture était bel et bien un rêve impossible. Un rêve impossible car menée par une jeunesse trop vite devenue gâtée pourrie et incapable d'inscrire un grand récit émancipateur, incapable de faire sienne une grande utopie collective.


On sent chez Hal Ashby une forme de bienveillance mélancolique à l’égard de cette génération dorée (sa génération) qui n’aura pas su quoi faire de l’évolution sociétale dans laquelle elle fût embarquée, peut-être malgré elle.
Cela donne d’ailleurs lieu à quelques scènes délicieuses. Notamment ce repas, à mi-film, où la confrontation entre de vieux américains établis et cette génération en mal de repère, met en lumière un différentiel abyssal. Ils se parlent mais sont bien incapables de se comprendre. Quand ils trouvent, par hasard, un sujet de conversation commun, ils sont même incapables de comprendre qu’ils parlent de la même chose. Géniale partie vaudevillesque !


C’est-à-dire qu’on imagine mal l’ampleur des phénomènes contre-culturels aux Etats-Unis. Nichés au cœur d’une décennie maudite (meurtre de JFK, guerre du Viet-Nâm), la société paternaliste américaine s’est trouvée totalement ébranlée par ce court moment de l'histoire où une jeunesse activiste aura été jusqu’à remettre en cause les principes d’appartenance, de propriété et de conquête chers à l’Oncle Sam.
L’année 1968 n’est pas une date prise au hasard. Cœur nucléaire de la dite contre-culture, cette révolution idéologie mort-née commence véritablement à l’été 67 et le fameux Summer of love durant lequel près de 100000 hippies se sont donnés rendez-vous dans le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco. Ils veulent changer le monde !
Elle s’achève dès 1969 avec le meurtre barbare de Sharon Tate orchestré par la famille Manson et dans la foulée le festival d’Altamont (pendant côté Ouest de Woodstock) que tous les témoins décriront comme une journée cauchemardesque pleine d’une tension vertigineuse et où quatre personnes perdront finalement la vie. La faute à des prises de drogues collectives qui auront achevées de faire passer les gentils hippies de 67 en drogués incontrôlables et meurtriers en 69.


Dès 1975 et la sortie de Shampoo, Hal Ashby tire le bilan de cette folle parenthèse historique, décrivant une jeunesse étourdie et bien incapable de mener collectivement une lutte idéologique.
Quel dommage mais quel bon film !

evguénie
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le 16 sept. 2018

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evguénie

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