Ça me laisse complètement songeur, cette idée d’essayer d’appréhender la déflagration de merveilleux qu’a du produire le film à son époque, de s’imaginer en 1977, époque encore vierge de tout Star Wars, entrain de se faire emporter par cette fabuleuse Guerre des Étoiles. Ça peut paraître ridicule, mais à moi ça me donne des vertiges.


Rien qu’aujourd’hui, avec près de 40 ans à son actif et la barre des 100 visionnages (largement) dépassée depuis longtemps (le cinglé !), je peux encore dérouler sans mal l’énumération interminable de ce qui me fait toujours jubiler chaque fois que je me le remets, de la première à la dernière seconde.


Ces caractères bleus et simples qui nous introduisent au conte comme une promesse, suivi par ce résumé d’un épisode imaginaire qui fleure bon le vieux serial d’antan, s’étirant tout de lettres d’or dans les étoiles sur la génialissime fanfare d’un John Williams qui semble avoir trouvé là comme la traduction parfaite de l’idée d’héroïsme et d’aventure dans le langage symphonique. Ce vaisseau immense qui n’en finit plus de redéfinir la profondeur de champ, et l’apparition de Dark Vador, immédiatement fascinant.


L’errance poétique des deux androïdes dans l’aridité à la fois si familière et si étrange de Tatooïne, la féérie légèrement inquiétante des regards lumineux d’une tribu de Jawas qui percent l’obscurité des alcôves d’un canyon accidenté.


La mélancolie du jeune Marcheur du Ciel, orphelin dont les rêves d’envol sont enchainés à ses terres humbles, des terres désolées sur lesquelles pourtant se couche un crépuscule double qui les inonde de poésie. La bienveillance quintessentielle que dégage Alec Guinness en Obi-Wan, de son regard tour à tour plein de compassion et de sagesse ou pétillant de malice, l’élégance tranchante d’un Peter Cushing qui apporte à son personnage cette odeur méphitique mais si délicieuse de méchant de série B. L’attrayante faune bigarrée de Mos Eisley, ville portuaire au carrefour euphorique de tous les possibles de la galaxie, spatioport où l’on croisera Han Solo et Chewbacca, roublards, grognons et grands-cœurs. Irrésistibles donc.


Passage en vitesse lumière, « Non, ce n’est pas une Lune », échanges jubilatoires de tirs laser et péripéties pleines de charme à la Errol Flynn, échanges tout aussi jouissifs de répliques cinglantes entre une princesse savoureusement piquante et ses deux chevaliers servants, ultime duel de vieux sorciers croisant le laser comme le fer et dernier sourire d’Obi-Wan, dernière minute d’une bataille spatiale éminemment épique – véritable leçon de montage, de rythme et de montée en tension – qui n’en finira jamais de me filer la chair de poule, candeur désarmante et totalement assumée d’un épilogue portée par la majesté ininterrompue du maestro Williams, et générique de fin qui nous fait quitter le film sur ses mélodies virevoltantes appelant notre imaginaire à vagabonder, de l’exaltation plein le cœur.


Et c'est sans compter la manière dont Lucas gère son petit groupe de héros, avec une exemplarité et un dynamisme qui font que je ne peux m'empêcher d'en retrouver l'influence dans nombres de films de divertissement qui ont suivis, y compris certains très récents, comme Là-haut ou Avengers.


Et puis parce que cette somme de pépites, cette énumération de trésors, accouche d’un ensemble prodigieux de cohérence, à la fois épure narrative parfaite, synthèse brillante du monomythe campbellien, recueil fondateur de la grammaire utilisée sur toute la saga, recherche graphique et sonore rivalisant de jeunesse et d’inventivité autant que d'intemporalité (Ben Burtt et Ralph McQuarrie sont des dieux)…


Et Lucas n’avait fait là qu’entrouvrir un portail, tout le film n’était que la vision dans l’entrebâillement sur un imaginaire incommensurable, sur une œuvre monstrueuse - dans tous les sens du terme -, sur trente ans de travail à venir, trente ans de passion, d’admiration, de haine aussi, pour le meilleur et pour le pire.


Le meilleur restant alors encore à venir.


Pour le meilleur : L’Empire

Omael
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le 21 avr. 2014

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Omael

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