Accident industriel, mention honorable

Que dire si ce n'est que ce film incarne l'accident industriel narratif de la fin de la saga Star Wars. JJ Abrams a sans doute fait ce qu'il a pu en tentant de rebooter pendant l'ultime volet toute la trilogie qu'il aurait peut-être espéré faire quand il s'est attaqué au 7. Mais la compartimentation, l'absence de continuité, la pression du passé, la volonté de s'en détacher, dans le ton, la forme, les thèmes, aboutissent à un gruau indigeste, qui s'est perdu en cours de route.
Le film est beau, captivant par son rythme mais ses ressorts puent la détresse et le compromis. Ce final Scoobidoo n'est que name dropping et vaudeville qui évacuent la cohérence interne de l'épopée et ses éventuelles connexions avec l'univers étendu, pour ceux que ça intéresse.
C'est un épisode désespéré où le spectateur est gâté, gavé, parfois enchanté, pour faire passer la vilaine pilule de l'absence totale de projet homogène et donc de conclusion satisfaisante.
Des scénaristes mis dos à dos, des angles d'attaque dissonants, des égos qui supplantent le travail d'équipe et finissent par ignorer la galaxie très lointaine pour ne produire que... des films.
L'épisode 7 m'avait happé par ses promesses, même convenues. L'épisode 8 m'avait irrité par ses intentions louables mais misérablement exprimées. Il m'avait surtout inquiété pour la suite. Comment lutter contre l'entropie, recréer le soufflé cramé par deux histoires qui se reniaient plutôt qu'elles se renforçaient .
Abrams et ses scénaristes ont essayé, avec une excitation et une énergie qui font plaisir à voir, mais tirant sur les ficelles les plus grossières pour éluder le problème majeur du film : réparer ce qui était déjà brisé.
Au bilan, on remarquera la grande légèreté dans l'approche du projet, dans sa conception. Il fallait trois films avec trois regards, on obtient malheureusement une tentative très maladroite de reprendre un flambeau et de l'éteindre dans un feu d'artifice de brouillons de brainstorm. La faute ne peut pas seulement en incomber qu'aux scénaristes et au réalisateurs, la production n'a pas hésité à virer plusieurs têtes connues. Comment a-t-elle pu orchestrer cette incohérence qui, fatalement, conduisait l'histoire dans le mur. Ce n'est pas qu'un problème créatif, de respect de je ne sais quel esprit SW détenu par une horde d'ayatollahs sur leur canapé à imprimé sith, c'est une faute de management.
Tant pis. Le film gagne avec moi des étoiles qui n'en sont pas, des allusions à mes lectures, mes jeux, des images fortes, mais sincèrement, il ne le mérite pas tant que ça. En effet, même s'il a relevé le niveau individuel du 7 et du 8, je n'ai pas pu regarder AdS sans le mettre en perspective des deux films précédents, puis des sept. Et quand on commence à voir les défauts et les errances de fabrication derrière le spectacle, le charme est finalement rompu.