Le sentiment premier au sortir de la salle est une certaine déception. Plutôt satisfait par les épisodes 7 et 8, j'attendais la fin de l'arc narratif de Rey et Kylo, qui est plutôt réussi, mais sans être spécialement emballé par le retour de Palpatine promis dans les trailers, qui est sans doute le choix le plus discutable de cet épisode conclusif.


Après le clivage provoqué par l'épisode 8, ma crainte était de voir une suite voulant gommer les choix controversés pour brosser les fans dans le sens du poil, et c'est malheureusement le constat que l'on peut faire. Je dis malheureusement car si je devais choisir un camp, je serais de ceux qui défendent "Les Derniers Jedi", et j'aurais souhaité que cette suite se concentre sur le rapport entre Kylo et Rey tout en continuant de donner vie à la Force grâce à une présence en filigrane. Or ici il y a peu de place, ou si peu, pour une certaine subtilité.


La première partie du film est menée tambour battant avec des enjeux posés très rapidement, évacuant tout mystère sur la nature du mal qui menace nos héros. Héros qui sont, sauf Rey, très fonctionnels et peu approfondis, reflétant surtout les difficultés d'écriture (Rose sacrifiée, Finn relégué au second plan, seul Poe tire son épingle du jeu). Là où le 8 prenait son temps pour établir des liens entre Rey et les autres personnages, pour montrer la présence de la Force, ou encore pour jouir des atmosphères des différents lieux explorés, le 9 veut montrer beaucoup sans forcément raconter grand chose, toutes ces péripéties n'auront d'intérêt que lorsqu'elles ont un lien direct avec le destin de Rey. Un tempo élevé pour faire grimper l'adrénaline, mais J.J. Abrams oublie un peu que le moteur d'un Star Wars se trouve dans l'émotion et la dramaturgie, et quand il s'y attaque, c'est souvent servi par des dialogues vus et revus ou des surprises un peu téléphonées. Voire même avec des événements forts complètements désamorcés


(les fausses "morts" de Chewbacca et 6PO).


Mais le plus gros problème avec ce film, c'est le retour de Palpatine, et plus globalement la volonté d'apporter des réponses inutiles et d'aller à contre sens par rapport aux "Derniers Jedi".


Bien que les explications quant à sa résurrection soient un peu vite évacuées, ce qui n'est pas très dérangeant en soi, c'est surtout l'aspect abrupt et arbitraire de son retour qui trahit un besoin de se réconcilier avec les fans qui dérange. Rien dans les deux précédents opus ne préparaient le terrain en ce sens. Cette trilogie ne semblait pas écrite d'avance (aucune des trois en réalité, toutes ayant affiné leurs idées en fonction du feedback) et donc ne pas savoir où aller. Mais cet épisode fait tout pour réparer ce qui a pu déranger dans le 8 alors que justement il avait su prendre des risques même s'il n'est pas parfait.


Le petit tacle d'Abrams envers son prédécesseur avec la scène du sabre rattrapé par Luke est d'ailleurs symptomatique de la différence d'approche qui fragilise tout l'édifice de cette postlogie. Elle aurait dû se terminer sur l'affrontement / rapprochement de Rey et Kylo, mais l'ambition de mettre fin à la saga devait semble-t-il mener à taper plus haut. Rien de tel alors que de ramener Palpatine himself, et par là même, donner une dimension quasi mythique à la puissance et la noirceur des Sith avec ces mondes cachés et obscurs, sorte de Mordor de cette très lointaine galaxie. Incohérent narrativement mais pas totalement inintéressant d'un point de vue de l'univers Star Wars. Mais boucler la boucle en ramenant l'empereur paraît superficiel, inutile, voire même carrément malhonnête. Il suffisait de se concentrer sur les dilemmes moraux de nos deux héros et construire la dramaturgie autour d'eux. Lorsqu'il est révélé qu'elle est la petite fille de Palpatine, cela fait pchit. Il fallait donner une réponse sur les origines de Rey (et de Snoke, le temps d'un travelling furtif) pour satisfaire des fans frustrés mais cette révélation n'a aucun impact sur Rey ou le spectateur tant Palpatine sort de nulle part. Sérieusement, qui s'imagine Dark Sidious faire des enfants? Cela ne fonctionne pas une seconde. Sa descendance directe n'a aucune histoire, aucune existence. Ça ne fait qu'expliciter les sensations troubles de Rey et son ambiguïté avec le côté obscur.


Le seul intérêt résidera finalement dans la morale de cette histoire puisque les origines ne forgent pas le destin, mais plutôt les choix que l'on fait. Comme Luke l'avait fait avant elle, ce qui fait faire du surplace à la saga. Il aurait été intéressant, au vu de l'échec des Jedi dénoncé par Luke dans le 8, que l'aboutissement soit quelque plus nuancé en assumant la déconstruction du mythe Jedi entamée dans l'opus précédent et permettre à Rey de faire une sorte de synthèse des deux côtés de la Force. C'était tout l'intérêt de l'évacuation de ses origines, puisqu'elle n'avait pas de fardeau à porter, contrairement à Kylo, et pouvait alors faire évoluer la conception de Jedi sans trahir un héritage filial, un dilemme qui enferme Ben dans une radicalité dictée par ses émotions plus que par un véritable choix moral. Deux trajectoires opposées mais amenées à se croiser pour mieux dialoguer et créer cette zone de gris qu'à su mettre en place l'épisode 8.


Mais tout n'est pas à jeter.


En premier lieu il faut saluer l'exploit d'avoir su donner une présence touchante et même narrativement impactante à Leïa alors qu'ils ne disposaient que de quelques rushes. Ensuite les liens entre Rey et Kylo sont au cœur de la structure dramatique du film et proposent les meilleures scènes. Chacun devant parachever son cheminement éthique tout en gérant son héritage, ils font le sel de cette trilogie grâce à l'ambiguïté de leur rapport l'un avec l'autre, même si cela aurait pu être plus subtil. Les nombreux clins d’œils à la trilogie originelle font souvent mouche car ils nous donnent la sensation de voir des évènements qui s'inscrivent dans une histoire longue et mythique, en particulier le passage sur l'épave de l'étoile de la mort (et aussi qu'à force de s'auto-citer et faire du fan-service il est temps que cela s'arrête). Le troisième acte, bien qu'imparfait de par ses multiples rebondissements maladroits et une bataille finalement peu trépidante, arrive à donner une dimension épique et tragique grâce à la démesure de ses décors et de ses enjeux (qui rappellent évidemment "Le Retour du Jedi"). La conclusion ultime n'est donc pas à la hauteur des attentes, la faute à un scénario dense mais creux, à des facilités scénaristiques discutables, des personnages secondaires dispensables, et des rétropédalages regrettables par rapport à l'épisode 8. Il s'en sort in extremis grâce à ses deux personnages emblématiques, charismatiques et crédibles, avec à la clé quelques moments forts, et se laisse regarder pour peu que l'on accepte d'avaler de bonnes grosses couleuvres.


Mon avis sur Le Réveil de la Force


Mon avis sur Les Derniers Jedi

McReady
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de l'univers Star Wars et Les films les plus attendus de 2019

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le 18 déc. 2019

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