Star Wars : le réveil de l'avidité, le sommeil de la qualité

TL;DR : de forts jolis plans, et des scènes d'action intense et joliment soulignées par des effets spéciaux maîtrisés ne peuvent suffire à sauver un film plat, creux, aux personnages complètement caricaturaux et à la narration ultra-prévisible quand elle n'est pas carrément ridicule d'incongruité.

Un bon "divertissement de série B" pris pour lui-même. En tant que "film Star Wars", un échec artistique monumental (ce qui hélas ne l'empêchera pas d'être un succ$s commercial).



Disclaimer : je ne suis pas un fan hardcore, ni même un fan tout court. Mis à part le coffret DVD d'il y a 10 ans parce que ça fait toujours plaisir de revoir les anciens films (enfin, surtout la toute première trilogie, la récente étant nettement moins marquante), l'univers ne m'intéresse pas plus que ça (la connaissance que j'en ai provient essentiellement des films et un ou deux bouquins d'univers étendu lus dans mon enfance).


Ceci étant posé...
Que dire de ce film ?


Etrangement, bien que rédigeant la critique de nombreux mois après l'avoir vu, j'en garde encore un certain nombre de souvenirs nets. Bon signe ? Généralement oui, dans le cas présent, non.


Ce film est non seulement une énorme déception, mais également un véritable scandale quand on le jauge à l'aune des moyens consacrés à sa réalisation, et la richesse de l'univers dans lequel il s'inscrit.


JJ Abrams avait une immensité à explorer, mais s'est sans doute laissé dominer par les pontes financiers de Disney. On peut donc, avec un peu d'effort, porter un oeil relativement tolérant au premier des nombreux problèmes du film, à savoir une intrigue complètement repompée sur le IV, à la limite du malaise pour le spectateur.


Si encore, cependant, à défaut de porter une intrigue originale, celle-ci avait été narrée correctement, le spectateur pourrait passer outre ! Mais même pas !
Le film ne se résume finalement qu'à un patchwork de scènes d'action, liées les unes autres autres par des transitions transpirant l'incompétence narrative, de par l'impressionnant niveau d'incohérence ou d'absurdité qui transparaît : Abrams n'a pas su dominer son héritage de blockbusters d'action hollywoodiens, films dans lequels de toute façon personne n'est là pour le scénario, et ça se sent. Lors de certaines de ces scènes de transition, on entendrait presque, en arrière-plan, le difficile effort créatif du réalisateur :
"Bon, chef, vous venez de décrire l'enjeu majeur de l'histoire, mais là ça a l'air complètement indestructible votre truc, les héros ils peuvent pas gagner !"
"Heu, bon, on a qu'à dire que machin là, il a passé du temps là-bas, pour faire le ménage, du coup il connaît tous les accès et les centres névralgiques".
"Un balayeur, avoir les infos secrètes pour neutraliser une arme massive ? C'est pas un peu gros chef ?"
"T'inquiète, plus c'est gros, plus ça passe, en tout cas en cinéma".


Ou encore...
"heu, chef, comment on fait pour lancer la transition vers l'épilogue ?" "Bah je sais pas moi, c'est important ? Tiens, on n'a qu'à utiliser la machine là, dont on a dit 1h plus tôt qu'elle était irrémédiablement en panne depuis des années". "Mais chef, pourquoi elle se réactiverait maintenant du coup ?" "J't'en pose, des questions intelligentes moi ?"


Le pire est que, en vérité, le spectateur pourra, lui-même, trouver une justification crédible, soit par extrapolation des éléments fournis dans le film, soit par un léger effort d'imagination. Pour autant, que les transitions puissent ou non être expliquées de manière crédible, elles sont toujours tellement mal amenées qu'elles cassent systématiquement l'immersion.


Pareil pour les personnages : mettons de côté le principe même d'une héroïne aux allures de Mary Sue, et admettons que c'est bel et bien comme cela qu'on veut la présenter : même ainsi, les scènes dans lesquelles elle fait étalage de sa Force innée sont tournées de telle manière que le spectateur ne peut qu'être cisaillé entre l'amusement provoqué par le ridicule absolu de la scène, et une rage intense de voir à ce point foulés aux pieds tous les codes mythologiques de l'univers.
Quant à ressentir de l'excitation, de l'empathie pour l'héroine, circulez y'a rien à voir.


Idem pour le "méchant officiel", Kylo Ren : le personnage en lui-même est très intéressant, car présenté comme encore en quête de soi, ouvrant ainsi de nombreuses pistes de développement pour le prochain opus. Mais même le jeu d'acteur, de qualité pour le coup, ne pourra sauver le spectateur de l'inévitable lassitude à venir de par les mises en scène d'une affreuse niaiserie, même pour un Disney.


Puisqu'on en parle d'ailleurs, on ressent très nettement, tristement, la bonne grosse moustache de Mickey derrière tous les personnages et tous les plans, venant emprunter des codes fantasy qui n'ont rien à voir ici (avec le sabre laser façon baguette de Harry Potter), du fan service inutile et brisant totalement l'immersion par sa stupidité là*, et l'inévitable petit truc mignon pour vendre des jouets par palette au Noël suivant.


Bref, ce film est un gâchis total. Les seuls éléments positifs étant finalement la réalisation au sens premier du terme : certains plans sont extrêmement marquants (en particulier le tout premier avec le Destroyer échoué), les scènes d'action rythmées et intenses, du JJ Abrams quoi.


En tant que film pris pour lui-même, sans considération de l'univers ou du budget, il aurait mérité un bon 6 : le film qui se laisse voir pour se divertir chez soi un dimanche soir, en posant son cerveau à côté, comme pour tout bon nanard à grand budget hollywoodien.
Considérant les moyens financiers (ils avaient LARGEMENT de quoi embaucher des scénaristes compétents) et l'irrespect de l'univers, je ne peux lui octroyer plus de 2.


Et craindre le pire pour le Star Wars VIII (alors que, paradoxalement, Rogue One a été bien plus intéressant : sans doute l'équipe du film avait elle été plus libres de ses mouvements puisqu'il s'agissait d'un "simple" spin-off, avec peu de ramifications potentielles en termes de personnages qui plus est).



  • Mention spéciale à la scène ou Han Solo semble découvrir à quel point l'arme fétiche de son pote de toujours, l'arbalète laser de Chewbacca, est une bonne arme. Mec, ça fait genre PLUS DE 30 ANS QUE VOUS TRAÎNEZ ENSEMBLE, et c'est MAINTENANT que tu t'intéresses à son arme ? Crédibilité totale...

laurent_lacote
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le 21 oct. 2017

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laurent_lacote

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