I don't like sand.

Il m'aura fallu deux visionnages pour que je me décide à pondre une critique du Réveil de la Force.

La première fois, j'y suis allé à l'arrache, en me rendant compte tardivement que je n'échapperai pas au spoil. Je me suis donc retrouvé à la première séance, en 3D, sur le côté de la salle, sans avoir fait de marathon au préalable (période d'examens au passage, la séance était déjà un luxe dont je me serais bien passé - certaines révisions sont plus importantes que d'autres).

J'en suis ressorti relativement déçu, avec l'impression d'avoir vu un remake d'Un Nouvel Espoir sans personnalité, avec un casting labellisé "discrimination positive", un scénario bidon qui ne respectait pas ses aînés, etc etc.

J'avais un peu les boules, car j'ai grandi avec Star Wars (je sais, on lit ça partout mais osef) : j'étais de ces gamins qui avaient l'âge d'Annie dans La Menace Fantôme et qui à l'époque avaient vu plusieurs fois les VHS enregistrées des versions "originales". Mis à part les mièvreries de L'Attaque des Clones et le Palais de Jabba du Retour du Jedi (et ce putain de délire d'esclave de merde), j'étais un bon gros fan casual de longue date, sans haine pour les différentes versions et les différences entre Trilogie et Prélogie.

J'ai même regardé les commentaires de ces connards de Durendal et de Fossoyeur de Films, et le pire c'est que je trouvais le tout pertinent.

Qu'avais-je loupé ? Comment positiver, relativiser et atteindre la rédemption ? Je devais trouver une solution pour que la Force reste avec moi, quand bien même elle émanait de Mickey et du pognon. Je devais devenir un pigeon pour ne pas me perdre, car je tenais à garder mon affection pour Star Wars intacte.

Je me suis donc secoué les puces : j'ai fait ce marathon, je me suis renseigné au niveau du Nouvel Univers Étendu... Et je suis retourné voir le film en 2D, bien au milieu de la salle, avec tous les renseignements nécessaires à la compréhension de l'histoire (ce qui en soi est déjà un problème, on ne devrait pas avoir besoin de faire ça pour apprécier un film du moment qu'on a vu les opus précédents).

Mon ressenti s'en retrouve moins sévère, plus modéré, mais également dénué de la pureté de celui du spectateur non-préparé, c'est-à-dire du vrai spectateur. Voilà donc ce qui ressort de cette petite aventure geeko-commerciale :

Tout d'abord, il y a un réel problème de manque de contexte dans ce film.
Il aurait pourtant suffi de peu pour pallier à ce problème et nous expliquer comment la Galaxie a été divisée en deux après Le Retour du Jedi, les relations entre la Résistance et la Nouvelle République, l'organisation de cette dernière, celle du Premier Ordre également...
Oui, il aurait vraiment suffi de très peu, quelques dialogues sur Jakku, 30 secondes dans le Sénat, un meilleur texte au début du film...

Un autre souci vient du scénario en lui-même, de la structure du film : pour partie calqué sur Un Nouvel Espoir, il apporte aussi pas mal de nouveautés qui ne sont hélas pas assez marquantes, par manque de développement sans doute : le film est en effet dévoré par les scènes d'actions et ne se pose pratiquement jamais, ce qui se retrouve sur le fond comme la forme.

Quoiqu'il en soit la mentalité "Prélogie" passe aux oubliettes, ce qui personnellement ne me dérange pas, ce type d'approche convenant bien plus à l'histoire tragique aux multiples implications de la Prélogie.
Ça enlève de l'épiquerie et ajoute de l'amusement, du moment que c'est bien fait. Je trouve en effet la Prélogie épique, grave, passionnée, et la Trilogie fun, culte, enivrante et exaltante.
Les deux options me conviennent tout autant du moment que c'est honnête et maîtrisé.
Toutefois un petit pourcentage du sérieux et du politique de la Prélogie n'aurait pas été de refus.

La forme maintenant. La réalisation. Le travail de Jiji sur Star Trek (franchise dont je n'ai jamais été fan) m'avait vraiment plu, je ne pensais donc pas que ce serait un problème, et pourtant. Malgré quelques plans vraiment classes, le film ne se démarque pas des autres blockbusters : les plans sont trop rapprochés, les travellings sont trop rapides, tout s'enchaîne trop vite et sans grâce.

Alors certes, il a été reproché à Lucas que sa réalisation était trop vieillotte, et que la Prélogie ressemblait vraiment trop à un jeu vidéo (point sur lequel je suis d'accord) ; et Jiji annonçait un film résolument moderne et réaliste sur la forme.

Avec cette rupture visuelle annoncée, je ne m'attendais donc pas à voir des trucs comme ça ou ça (plans poétiques et épiques à l'ancienne), mais tout de même, Star Wars a un côté noble et posé, compatible avec les techniques de réalisation modernes, qui est zappé dans ce film à part à 3 moments dont un seul plan "fixe".

Ce n'est qu'un aspect de la chose, mais pour faire court la forme manque de personnalité au milieu de tant de blockbusters qui pour certains imposent vraiment leur patte à ce niveau, en-dehors des décors (Tron Legacy et certains Harry Potter par exemple, ou encore Oblivion, ou même les Star Trek, ironiquement).

Le film est d'ailleurs très fan-service et vieillot au niveau des décors et accessoires - mis-à-part BB-8, très réussi au passage, Jiji a repris les codes d'un univers rétro-futuriste à la mise-en-scène limitée par la technologie de son temps (Trilogie Originale) ; sans être dénuée de charme, cette démarche conforte cette impression d'un film qui cherche à plaire aux gens avant d'innover : plaire par ses références et ses décors aux vieux de la vieille, et plaire par sa modernité et son manque de background aux nouveaux venus.
Le Réveil de la Force n'assume donc pas son héritage tout en piochant dedans à mort.

Un autre point faible est la B.O. de John Williams qui elle aussi peine à se démarquer. Comprenons-nous bien, j'adore John Williams, mais comparée à ses œuvres passées, surtout sur cette saga, cette B.O. est très générique passé les reprises d'anciens thèmes. Avant et Après.
C'est bien sympa mais le verdict est sans appel.

Ce deuxième visionnage, celui du spectateur éclairé à grands coups de Wikia et de Youtube, m'a toutefois permis d'apprécier le jeu des acteurs, l'aura des personnages, et le sens de certaines situations, en particulier Kylo Ren, sa ressemblance physique bluffante avec ses parents et son aspect torturé (que je trouve toujours abusé pour l'instant, même si je vois où ils veulent en venir avec leurs histoires de miroirs scénaristiques).

J'ai constaté que malgré tout de nouvelles bases solides étaient posées dans cet univers, qu'elles soient expliquées dans ce film ou non, et que cela pourra donner lieu à de très bonnes suites si c'est bien fait.
Peut-être n'était-ce qu'une mauvaise pilule à avaler, et que nous tombons pour mieux nous relever, comme le dirait un certain Thomas.

Pour résumer : un film qui plante de jolies graines dans un terreau qui ne paie pas de mine.