Il y a quelque chose qui me laisse très perplexe dans tout l'univers Star Wars, et qui, bizarrement, n'est que très peu évoqué. Je n'apprendrais rien à personne en disant que tout est très manichéen ici : on oppose constamment les bons et les méchants, les Jedis et les Siths, le côté obscur et le côté lumineux de la Force ; il y a là-dessous un sens de la justice assez simpliste, évidemment, mais on l'accepte sans trop de souci, car il est rassurant ; peut-être même qu'il nous aide inconsciemment à garder des repères dans un monde qui n'en a plus, allez savoir. Et on passe un très bon moment avec les X-wings, les chasseurs et les combats au sabre laser. C'est indéniable.


Pourtant, dès qu'il s'agit d'assurer une fin toute mignonne qui plaira aux enfants et aux âmes sensibles, Star Wars est prêt à s'asseoir totalement sur la notion de justice, même si pour cela il faudra pardonner des crimes qui ne le sont pas. Dans le Retour du Jedi, déjà, la rédemption de Vador est un non-sens absolu. Sous prétexte qu'il est le père du héros, et qu'il demande pardon avant de mourir, tous ses crimes les plus abominables lui sont instantanément pardonnés, et il peut faire la fête avec tous les vainqueurs, sans que personne ne sourcille. Mais où est donc le respect pour les morts, pour tous ceux qui sont tombés à cause de l'homme en noir, pour les planètes qu'il a littéralement fait exploser ? Mais non, on oublie tout ça, il faut absolument arracher quelques larmes au spectateur. C'était prophétique, Lucas était déjà chez Disney.


Trente plus tard, on pouvait espérer que ce genre d'errance éthique serait corrigée ; que nenni ! La phrase la plus choquante du film est pour moi cette réplique de Leïa à Solo : "ramène-nous notre fils, il y a toujours du bon en lui." C'est juste atterrant ; elle, général de la Résistance, fille et mère des plus grands bourreaux de l'Histoire devant lesquels Hitler ferait figure de simple voyou, elle ose cette remarque, devant des résistants qui sont en train d'embarquer volontairement vers une mort certaine sous les tirs de ce renégat ? Elle suggère qu'en cas de repentir, un simple pardon suffirait sans qu'on lui demande de répondre de ses crimes, sans le moindre procès ? Et personne ne réagit, ne proteste, ne l'apostrophe vertement ? Mais là, encore, où est le respect pour les morts ? Pour ceux qui luttent ? C'est De Gaulle qui pardonne à Hitler, sous prétexte qu'il est son fils ! C'est comme s'il y avait une sorte de passe-droit pour les Skywalker, les pires abominations leur sont permises, de toute façon l'absolution au bout du chemin est possible. Pas pour les milliards d'autres qui les suivent, bien sûr, eux ce sont de vrais vilains nazis irréformables, les images impressionnantes des armées de l'Empire ou du Premier Ordre sont là pour le prouver... Et brandir l'argument de la fibre maternelle ou paternelle pour justifier ces aberrations ne tient guère : on ne parle pas de simples criminels, là, mais de commandants en chef qui rasent des systèmes planétaires en un clic. De crimes contre l'Humanité au sens le plus large qui soit.


Evidemment, le but de Star Wars n'est pas de fournir une réflexion sur la justice, mais de divertir et d'émouvoir. Mais l'absence totale de réflexion sur cette question est une sérieuse lacune. Tout cela sent terriblement le manque d'intelligence dans la construction des personnages, la superficialité dans l'intrigue, le plus important étant de faire pleurer le spectateur au détriment de toute crédibilité. Grossière erreur : il aurait sans doute été beaucoup plus saisissant et dramatique que Vador s'entête, et meurt en s'accrochant rageusement au côté obscur. Ou qu'il supplie pour une grâce qui ne lui serait évidemment pas accordée. Il reste à prier pour que son petit-fils ne vienne pas pleurer dans les jupes de sa mère dans les épisodes 8 ou 9...


Allez, pour conclure, un petit quiz ; indiquez dans lequel des 6 premiers épisodes se déroulent les scènes suivantes :


1) un message secret est caché dans un robot qui atterrit sur une planète désertique


2) un jeune inconnu séparé de sa famille se révèle mystérieusement très sensible à la Force


3) une grosse boule est détruite par des X-wings de la résistance qui la survolent en rase motte


4) un Skywalker passe du côté obscur en tuant des apprentis jedi


5) un vilain bonhomme en noir est laissé à demi mort à la fin du film (mais n'est pas achevé pour préserver le suspense dans l'épisode suivant)


6) un héros emblématique est tué par le méchant homme en noir


7) on délivre un personnage-clé de la Résistance sur un vaisseau ennemi, tout en parlant de vide ordure


Réponses (attention, spoilers) :


1) 4 ; 2) 1 et 4 ; 3) 4 ; 4) 3 ; 5) 3 ; 6) 4 ; 7) 4.
La réponse "7" est également acceptée pour chaque question....

nm-reader
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le 20 déc. 2015

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