Cette critique contient des spoilers, qui seront masqués comme il se doit. Néanmoins, elle contient globalement des éléments du scénario, donc, si vous ne voulez vraiment rien savoir, passez votre chemin.


Alors ça y est, Lucas a passé le flambeau, les fans en tremblent dans leur froc de Jedi Hasbro à l’idée que ce soit Disney qui ait repris et les trailers pourraient faire passer l’attentat de Sarajevo comme une maladresse diplomatique tant ils ont déchaîné foudres et passions. Alors J.J Abrahams (mec, j’aimerais pas être à ta place, t’as la pire communauté de fan massée autour de toi, tes nuits doivent être courtes.) a-t-il lavé l’affront de la prélogie ? A-t-il retrouvé le merveilleux de la première trilogie, son intensité, son usage des thèmes universels ?


On prend les mêmes et on recommence …


Le pitch de départ est on ne peut plus simple : Luke Skywalker a disparu, la nouvelle république a bien du mal à se tenir debout, l’empire - rebaptisé le nouvel ordre - s’est reconstruit et la rébellion existe toujours pour s’opposer à lui. En somme, rien ne s’est arrangé depuis la fin du retour du Jedi, au contraire. On pourrait résumer par “c’est pareil mais en pire”, puisque cette fois point de Jedi salvateur mais une nouvelle figure masquée, héritière de Dark Vador, en la personne de Kylo Ren qui souhaite ardemment retrouver Luke pour l’éliminer.


Ce qui frappe, tout d’abord au niveau de l’image c’est l’usage beaucoup plus mesuré du numérique, si on le compare à la prélogie “Menace fantôme”, où tout dégoulinait de pixels, au point de conférer aux films un côté paradoxalement plus carton pâte que les aliens caoutchouteux de 1977. Ici, les écrans verts sont plus discrets et le film mêle habilement numérique, latex et maquillages afin de ne pas tomber dans le même écueil : l’image est léchée sans l’être de trop et on retrouve l’imagerie crasseuse et vieillotte chère à la première trilogie (au passage, les nouvelles créatures et machines sont dans la continuité, une poignée d’originales et une “mise à jour” de celle qui pré-existaient). La première demi-heure s’ouvre d’ailleurs sur une planète de sable, écho à Tatooine et parsemée de cadavres de vaisseaux de la toute première trilogie, une façon comme une autre de nous rappeler - et c’est nécessaire vu les similitudes - que nous regardons une nouvelle génération de Star Wars. Néanmoins, les décors, à l’exception de celui-ci, m’ont assez rapidement posé problème. Si je préfère l’usage de décors naturels au numérique postiche de la prélogie, il semblerait que ceux du “Réveil de la Force” manquent singulièrement d’accessoires ou de cadrages appropriés car deux tiers des paysages m’ont partiellement sorti du film en me renvoyant directement aux lieux de tournage. Clairement, on sait qu’on est sur terre et pas dans une “très lointaine galaxie”, tout particulièrement la dernière séquence où j’ai directement reconnu l’Irlande - avant même de me laisser imprégner par l’intensité de la scène - sans y avoir jamais foutu les pieds. Faire sobre, c’est bien, mais dans space opera, il y a “space”. Ici, les décors sont balancés de manière brute et “déconnectent” beaucoup trop le spectateur en lui faisant reprendre conscience qu’il est est dans du faux, un comble pour une démarche qui visait à faire aussi naturel que possible. C’est pour moi le premier point noir du film et probablement le pire. Cependant, les scènes de combat - qu'elles soient spatiales ou au sol - sont fluides, efficaces, avec un très beau combat "climax", esthétique et fort en émotions.


Tout le scénario est calqué - côté action - sur “un nouvel espoir” et les rapports des personnages sur “l’Empire contre attaque”. Comme toujours, c’est le drame familial qui est au cœur de la narration et si on peut lui reprocher un peu trop de pathos (Vous avez trouvé que la mort de Vador contenait du pathos ? On est un cran au-dessus), qui est je suppose dans l’air du temps, reste que J.J Abrahams et Kasdan ont parfaitement compris comment en user. Si on pourrait également leur reprocher de n’avoir pas pris de risques - en nous racontant la même histoire avec une autre génération - on ne peut pas nier qu’ils manient plutôt bien ladite histoire et sa tension dramatique. Mais il ne faut s’attendre ni à quelque chose de complexe ni à quelque chose d’original, on pourrait même trouver le scénario par moment cousu de fil blanc... bien que les coutures restent propres. Mais puisque le film n’est qu’un tiers d’histoire, en définitive, il faudra le juger à l’échelle de la trilogie une fois celle-ci complète.


Pas tout à fait les mêmes...


Côté personnages, leur traitement est assez inégal. L’héroïne, Rey, ne tombe pas dans l’écueil d’être une Luke version 2.0 ou une pâle copie de Leia ou Amidala : partagée entre fragilité et indépendance, entre volonté et légitimes hésitations, elle incarne à la perfection une génération grandie trop vite mais portée par la soif de vivre et de trouver sa route. Si elle n’a pas la naïveté d’un Luke ou la virginale clarté d’une Leia, elle est plus actuelle dans ses aspirations et ses fêlures. Je suis un peu plus dubitatif concernant Finn, sorte de miroir de Han Solo qui, s’il bénéficie d’une évolution intéressante, du fuyard terrifié au héros malgré lui, n’échappe pas à l’écœurant cliché du “noir sidekick rigolo”. Cela ne suffit pas à flinguer le personnage mais reste une faute de goût franchement malvenue, surtout après la vague de racisme ayant suivi l’apparition de l’acteur dans les teaser (puisqu’on sait tous que Mace Windu et Lando Calrissian sont blancs…). BB8, sorte de version “windows 7 “ de R2-D2 est impeccable, l’équipe du film ayant réussi à le rendre encore plus expressif que ce dernier, un digne héritier du fidèle équipier de Luke, rien à redire de ce côté-là, même si derrière lui se profile l’ombre de la machine marketing.


Vient ensuite Kylo Ren, l’héritier spirituel de Dark Vador, qui avait la tâche plutôt difficile : celle de ne pas paraître pâle et insipide avec comme concurrent celui qui est encore considéré comme l’un des plus charismatiques méchants du cinéma. Le scénario, plus malin que de jouer sur la comparaison, en fait au contraire un héritier au sens littéral, qui marche dans les pas de Vador en le considérant comme un mentor, au niveau duquel il n’est pas encore parvenu à se hisser. L’humilité comme contrepoids d’un personnage inévitablement moins effrayant que Vador… mais qui parvient à faire pire que lui et à le surpasser par ses actes. Là où Dark Vador avait reculé, Kylo Ren boit les ténèbres jusqu’à la lie, dans une scène faisant écho à celle qui confrontât Anakin et son fils pour la première fois… en l’inversant.


Si on devine assez rapidement que Kylo Ren est le fils d’un des héros de la précédente trilogie - Luke aurait été trop facile, c’est donc Solo qui assumera le rôle de la paternité - il aurait été difficile de procéder autrement, pour rester dans le registre de la tragédie familiale.


Oser tuer Han Solo, personnage très haut dans le classement des fans, semble inévitable pour donner de l’épaisseur à Kylo Ren, une sorte de “vampirisation” indispensable pour que la nouvelle génération Star Wars puisse gagner en crédibilité en tuant la précédente. En creusant un peu l’envers du décor, on peut aussi apprendre que la mort de Solo est un très clair pied de nez à Lucas, qui refusa de le sacrifier dans le retour du Jedi malgré le scénario proposé par le réalisateur Richard Marquand, qui regrettera que le personnage soit resté en vie. Voilà qui est fait.


Pour finir, la madeleine attendue par les fans de la première heure, le retour des acteurs de la première trilogie. Si on ne peut pas dire que Chewie ait beaucoup vieilli - un wookie ne blanchit visiblement pas - Harrisson Ford, Carrie Fisher et Mark Hamill affichant trente années de plus à l’écran, était-ce indispensable à cette nouvelle trilogie ou un simple appât pour une communauté de fans qui auraient pilé le film sans ça ? Oui et non. Si Solo est un peu faiblard sur l’humour - ou qu’il s’adapte moins bien au nouveau siècle, sa présence n’est pas décorative et il faut avouer que la bonne tenue d’Harrisson Ford à l’écran est une belle performance. Leia, C3-PO et R2-D2 sont en revanche relayés au rang de vulgaires caméos et les quelques instants de tendresse entre Han et Leia sont largement dispensables, tant ils sont trop nombreux et manquent clairement de finesse (là où la complicité entre Rey et Finn est largement mieux gérée, elle). Et concernant Luke…


Luke est de loin le personnage le mieux utilisé et pour cause : il n’apparaît pas durant les deux heures de film, iconisé au maximum puisqu’il est l’objet même du scénario, celui que tous recherchent, le but ultime pour Rey, Leia, Kylo Ren… et pour le spectateur. Le film se clôt sur son apparition, celle d’un homme abîmé et très affecté par son vécu. Rey lui tend le sabre des Skywalker. Elle est émue. Et elle n’est pas la seule. S’il s’agit ici de jouer sur l’affect en construisant une présence par le mythe (C’est de cette façon que Rey en parle la première fois), donc l’idéalisation, reste que cela marche remarquablement bien… mais n’autorise aucun faux pas avec ce personnage dans les films à venir. Car ce procédé laisse en suspens d’énormes attentes.


Il y a également une volonté d’impliquer davantage les seconds rôles et d’améliorer l’empathie du spectateur pour eux : la première apparition de Finn en stormtrooper, traumatisé par la violence qu’on lui demande d’exercer, la destruction massive de planètes nous montrant les dernières secondes de vie de ses habitants… même si le film peut sembler un rien “gentil”, il n’oublie pas qu’il s’agit ici de narrer une guerre. Si en optant pour ce point de vue, "Le réveil de la force" parvient à retrouver le lien humain que la prélogie avait délaissé au profit des intrigues politiques, on peut en revanche reprocher au scénario d'en avoir oublié de poser son histoire : le rôle de la république, du nouvel ordre et de la rébellion ne sont jamais clairement expliqués ou remis dans le contexte, les enjeux s'appuyant exclusivement sur l'empathie, ce qui est assez limité. Bien doser empathie et analyse aurait été préférable.


Mais tu auras peur…


Donc “Le réveil de la Force” n’a finalement comme défaut que ses décors trop terriens et ses quelques caméos discutables ? Malheureusement non. Car si le film tend vers la vieille trilogie - que ce soit en qualité comme en références - il comporte de petits écueils qui l’empêchent d’être aussi bon qu’il pourrait.


La traduction française plus que moyenne, déjà, et son doublage à l’avenant (pas que les doubleurs manquent de conviction, l’écriture des dialogues en français est franchement lourde par moment, voire comporte des erreurs), mieux vaut préférer la VO.


Les ficelles un peu grosses du scénario par endroits, également, comme l’incroyable rapidité avec laquelle Rey maîtrise la Force, quand Luke galérait à parer un tir de blaster dans la même situation, la présence “comme par hasard” de certains objets et personnages au bon endroit au bon moment, le ridicule involontaire d’une poignée de scènes maladroitement gérées (Rey usant de la force sur un stormtrooper, qui se met à répéter chacune de ses phrases…) ou le réveil “miracle” d’un certain personnage à la toute fin du film, résolvant par un deus ex machina bien téléphoné la quête de Rey.


Niveau personnage, outre les apparitions inutiles, je n’ai personnellement pas été convaincu par le “grand méchant”, le maître de Kylo Ren, sorte de Voldemort de contrefaçon, représenté en hologramme géant dans une immense salle noire, kitschissime au possible. Même avec la voix de Feodor Atkine (Docteur House/Jafar), il peine à être convainquant.


Et par pitié, Han et Leia répétant “notre fils” dix fois dans la même scène… non, ça n’augmente pas l’intensité dramatique, ça saoule, c’est tout. Vador n’a pas eu besoin de le radoter pendant cinq minutes pour marquer des millions de spectateurs, lui.


Enfin, un autre regret sur la musique, relativement discrète, de qualité bien entendu mais si effacée par l’image et les personnages que j’ai à peine noté sa présence, si on omet le thème principal d’ouverture et le thème de Luke, qui datent tous les deux de 1977. Pour le reste, on est dans le fond sonore.


Il y en a un autre…


Ce qui est amusant, c’est qu’en définitive, plusieurs des choses que je reproche au “Réveil de la Force” pourraient l’être aussi à l’ancienne trilogie : décors un peu dépouillés, facilités de scénario, grand méchant outrageusement représenté, pathos à tous les étages… pourtant, sur les trois premiers films, la sauce prenait mieux. Sans doute parce que les défauts étaient plus minimes, déjà mais aussi parce que les vieux films parvenaient à masquer leurs ficelles sous le merveilleux et l’intensité, ce que “Le réveil de la force” semble avoir un peu plus de mal à faire. Mais peut-on vraiment reprocher à un film “de transition” de souffrir de maladresses ?


Car pour conclure c’est bien de ça qu’il s’agit : un film de passation, où Lucas donne le flambeau à un autre réalisateur, où Finn devient une sorte de nouveau Han Solo, où Rey se retrouve confrontée aux dilemmes de Luke, où R2-D2 fournit ses données à BB8… où la nouvelle génération “Star Wars” rencontre l’ancienne pour relancer la saga. Ce n’est certes pas sans mal ni sans faux pas - ce sont des mômes, Anakin Skywalker pourrait en parler des faux pas.. - mais avec beaucoup de bonnes intentions et de respect pour la première trilogie. Et la magie marche. Par petits cahots mais elle fonctionne. Comme un Faucon Millenium vieillissant mais toujours en état de fonctionner, dopée et mise à jour, la saga Star Wars repart, et plutôt sur de bonnes bases. Il faut maintenant transformer l’essai. Et qui sait, reproduire l’exploit de “L’Empire contre-attaque”. Que la Force soit avec eux.

SubaruKondo
7
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le 22 déc. 2015

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SubaruKondo

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