Depuis une dizaine d’années, le cinéma de divertissement prend une tournure inquiétante. Les adaptations de Comic books et les remakes des films cultes des années 80 et 90 s’adressent à une tranche de la population qui non seulement connait par cœur les matériaux d’origine, mais qui se les ait appropriés. De ce fait, les films qui sortent aujourd’hui au cinéma ne sont pas considérés comme des entités à part entière, comme pouvaient l’être les films au scénario original ou ceux basés sur des romans pas ou peu connus du grand public. Aujourd’hui, les studios hollywoodiens n’offrent plus au public des films à juger, ils lui soumettent des copies à corriger.
Un élève studieux sait ce que son professeur désire lire quand il corrige un examen. Il sait reconnaître les points importants, retenir les mots-clés, et les mettre en valeur afin de démontrer qu’il a compris la substantifique moelle de la leçon. Celui qui se risque à trop de spontanéité et d’indépendance s’expose aux foudres de ses pairs. Mais le cinéma n’est pas fait pour brosser le public dans le sens du poil. Il est, lui, doté d’une indépendance et c’est dans sa nature de surprendre et de choquer, au risque de décevoir.
La saga "Star Wars" n’est plus un ensemble de longs métrages. C’est un concept qui a échappé à son créateur et qui est aujourd’hui tombé dans le domaine public. Elle appartient à tout le monde. Ainsi, on ne regarde pas "Star Wars 7" comme on regarderait un autre film, parce qu’on est d’emblée dans le jugement et l’anticipation de ce que l’on va aimer et détester, avant même de l’avoir vu.
Pourtant, on essaye. On essaye de le voir pour ce qu’il est, le plus objectivement possible et le plus loin possible de son aspect quasi-religieux. Et si l’on y parvient, après le visionnage, un mot auquel on ne s'attendait vraiment pas saute aux yeux : mignon. Le fait que les droits aient été rachetés par Disney ne pouvait pas être sans conséquence. C’était inéluctable. Malgré toute la bonne volonté du monde et un réel désir d’indépendance et de création, le film ne pouvait pas ne pas être influencé. C’est la raison pour laquelle "Star Wars 7" est mignon. Les personnages, l’humour, les robots, le méchant, le grand méchant, les monstres, les dialogues, tout est recouvert d’une couche fine mais aveuglante de sirop qui colle, et c’est d’autant plus désagréable que le film s’efforce de nous faire croire le contraire.