Star Wars : les derniers Jedi est un film qui produit des émotions très contrastées et à la fin une grande déception. Je suis un amoureux des premiers épisodes de la saga, et pourtant je n'attendais pas ou ne souhaitais pas que la nouvelle trilogie conduite par Disney reprenne les mêmes codes, ni la même histoire. Je voulais un Star Wars qui puise dans ses forces et produise ses nouveaux codes, sa propre identité visuel, sonore. Le "réveil de la force" partait sur de mauvaises bases, une nostalgie qui flatte les souvenirs de l'ancienne génération, attirant forcement les critiques, et à la fin un film toujours incapable d'apporter sa propre identité. J.J Abrams a pourtant tenté - malgré une écriture bancale - de capitaliser sur la photo du film et sa capacité en tant que réalisateur à maitriser le cadre et souligner l'action qui par sa clarté avait au moins permis quelque peu de gommer certains de ses gros défauts.


- Cette critique est à lire pour ceux qui ont vu le film, ce qui suit n'est que spoiler -


Le film commence mal, avec une première bataille dans l'espace. Les rebelles regroupés et acculés sur une planète, tentent d'échapper au premier ordre en faisant diversion mais en remplaçant le tir de canon - vu dans l'Empire contre-attaque lors de la fuite de la flotte rebelle de la planète de glace Hoth - par une virée solitaire du chasseur intrépide Poe face à toute une flotte ennemie. A mesure qu'il dégomme les tourelles du système de défense du Destroyer, le film montre la chaîne de commandement du premier ordre sous un visage assez ridicule, désuet, inoffensif. D'abord l'arrogance, puis la panique, en l'espace d'un instant, la flotte va être mise en difficulté par un vulgaire plan pondu en 5 min sur une feuille en coin de table, un peu comme ceux qui ont pondu ce scripte.
Les rebelles se propulsent dans l'espace et s'engagent dans une bataille spatiale qui pour le coup attire notre attention. Des milliers de X-Wing et autres vaisseaux spatiaux entre en jeu. Enfin Star Wars ressemble à une bataille un peu plus épique ou les premières frappes menaçantes et autres explosions vont équilibrer les débats et de manière assez impressionnante à l'écran. Mais le film va tomber dans la facilité, un symptôme moderne avec une mécanique simpliste qui va ruiner le film. Il faut proposer aux "milléniales" impatients et zappeurs, une intrigue, une scène dramatique, un désespoir et une résolution dans un labs de temps réduit. Tout du long cette mécanique va être employé et produire la sensation que le film n'est rien d'autre qu'un shot d'adrénaline / d'émotions, tantôt pour poser le cadre, tantôt pour développer l'histoire jusqu'à son dénouement. Ce shot d'émotions, cette construction de court terme est clairement visible dans cette séquence avec ces bombardiers venus anéantir le destroyer et qui se font tour à tour explosé. A ce moment-là, apparaît à l'écran, un personnage féminin qui voit son pilote mourir sous les tirs nourris, elle devient la seule personne en mesure de lancer à l'aide d'une télécommande le système de largage des bombes. Alors qu'elle est dans une posture compliquée, elle se donne du courage en touchant une espèce de médaillon autour de son coup. Elle réussi avec peine et en se sacrifiant à faire exploser le destroyer le tout dans un ralenti bien marqué. Cette séquence, ne fonctionne pas pour un sou. On fait apparaître un personnage inconnu, sans aucune sensation d'un background quelque peu travaillé, on lui met un pendentif type "best friends" ou "âme sœur" pour faire comprendre qu'elle va manquer à quelqu’un, et boom vous avez votre séquence émotion produite en deux ligne d'écriture. L'ordre est donné aux spectateurs de s'émouvoir, avec plus ou moins de succès. La ficelle est trop grosse et je ne mords pas à l’hameçon.

Alors que les rebelles pensent réussir à s'extirper de l'emprise de l'ennemie en partant en hyper espace, c'est en fait dans une course déjà perdu qu'ils s'engagent. Le premier ordre a maintenant la capacité de suivre ses opposants lorsqu'ils partent en vitesse lumière. Petit twist des plus "pratique". Leia s'étonnent ainsi que l'équipage d'une telle possibilité. L'étonnement et la peur à peine visible un court instant retombe comme un soufflet. A la manière d'un Battlestar Galactica, le niveau de carburant est dangereusement bas et chaque bond hyper espace est coûteux et il n'est plus question de gâcher cette précieuse denrée sous peine de ne plus pouvoir s'échapper du tout. Le vaisseau principal est donc condamné à naviguer dans la même direction et d'épuiser ses ressources alors que le vaisseau mère ennemie continue de le pilonner à coup de canon laser. Le plan fixe de quelques secondes sur Leia avachie sans expression sur la table ronde de commandement dépassé par les événements est "malaisant" - Carry Fisher malheureusement est trop atténuée par sa condition physique et figé par son botox - ne peut plus apporter ce supplément d’âme à la saga, cette fougue, cette liberté, ce regard effronté et vif. Ce rôle à présent est partagé par le trio Fynn, Poe et Rey avec plus ou moins de classe.


Entre temps Rey tente de convaincre sur l’île des Jedi ou vit en ermite Luke Skywalker. On y découvre dans ces lieux, les livres et lieux sacrés de la Religion des Jedi. Luke s'est retiré en ces lieux pour échapper au destin sombre qui semble dévolue à l'entrainement des Jedi. Il pense que les Jedi ont leur part de responsabilité dans l'emergence des Sith et il ne souhaite plus en faire partie. Il s'est employé toutes ces années à vivre chichement, de lait verdâtres de pseudos vaches côtières, de poissons pêchés à l'aide de harpons long de 300 mètres. Luke à la mine minable avec une capuche Jedi en guise de coiffe, des pouvoirs réduit à peau de chagrin, le tout accompagné d'une pluie battante et d'éclair "effrayants". Alors qu'il s'est juré de ne plus entraîner de Jedi, Rey réussi à le faire changer d'avis en trois coups de sabre laser dans le vide et un sur un rocher un peu imposant, "Je te donnerais trois cours, viens demain matin à l'aube". Luke en plus d'avoir perdu toute sa classe, et ses pouvoirs, le mec fait volte-face à plusieurs décennies de recueillement et d'abandon de l'Art Jedi. Dans la continuité de la scène d'introduction, rappelez-vous, intrigue, Drama, désespoir, résolution, tout ça en moins de 20 minutes (alors qu'il a fallu trois épisodes à Luke Skywalker après d’innombrables péripéties, pour être élevé au rang de maître Jedi). Qu'à cela ne tienne, les Jedi et la Religion c'est surfait et Rey piétine ça comme du chien dans, une foret obscure (tiens décidément les maîtres Jedi aiment bien vivre près de la tentation, dangereusement) et quelques entraînements, Rey se sent déjà prête à retourner auprès de Kylo Ren et révéler au grand jour le "conflit" en lui. Entre temps on a eu l'occasion dans des visions partagées entre les deux jeunes Jedi, d'assister à un combat mental assez intéressant. Ces visions partagées, mettent en avant la rage encore toute fraîche de Rey vis à vis de Kylo Ren, et combien ce dernier contrairement à elle est serein et a gagné en maturité. Rey semble d'avantage attiré par le côté obscur même et bien plus fragile. A ce moment du film, niveau du scénario, cela peut se tenir, cette ambiguïté, mais la suite est complètement incohérente. Dès le départ de Rey, on assiste à une séquence ou résigné de ce nouvel échec -

imposer une vision manichéenne du Monde - Luke souhaite faire table rase du passé, une thématique clairement affiché dans ce film, tourné autour du Jedi "ni noir / ni blanc". Yoda, surgit, et participe à cette mise à mort de toute une Religion. Il fait la leçon à Luke sur ce que signifie aussi d'être un "maitre Jedi". Vient ensuite la scène de la confrontation un triptyque entre Kylo Ren / Rey et Snocke. A part un choix artistique plutôt bien senti des soldats élites qui défendent le leader suprême - inspiré clairement de l'armure dans le Dracula de Coppola - la mort de ce dernier de la main de Kylo Ren a fini de m'achever. Une mort pitoyable du suprême leader comme une façon clair, tranché, net et sans bavure, de justifier que "le passé doit disparaître" mais en reprenant quand même cet aspect découpé en deux des seigneurs Sith, limite de marionnette (Dark Maul dans La Menace Fantome, l'Empereur dans le retour du Jedi).


Je ne vais pas m'éterniser sur la mission confié par Poe en mode super top secret à Fynn et Rose (qui pleure le chagrin de sa sœur sacrifié pour exploser le destroyer et porte elle aussi le fameux pendentif). Ils partent à la recherche d'un fin hacker "DJ" afin de mettre à mal le système de suivi du vaisseau du suprême leader et organiser ainsi la fuite des rebelles. Cette mission n'a vocation qu'à épaissir un peu le "bestiaire" de ce Star Wars en visitant un système lointain sur une planète ou les jeux d'argents et courses règnent en maître, dans l'opulence la plus totale, c'est un moment ou la créativité dans les décors, la musique sont possibles, et ils s'en donnent à cœur joie, on sourit un peu, car y'a un effort pour produire une ambiance. Qui dit richesse en abondance dit aussi souvent exploitation par la caste dominante d'une population ouvrière et pauvre (un peu comme Anakin Skywalker avec sa mère sur Mos Esley ou sévisse des courses de modules). Cette mission est aussi une façon de préparer le terrain et enrôler les enfants présent sur place. Ces enfants réveil les souvenirs douloureux et années d'asservissement de Rose. Elle leur transmet une bague au symbole de la rébellion en guise de réconfort, super ! Enfin cette mission est censée apporter un discours moins manichéen en admettant que le bien et le mal ne sont pas aussi simple à définir que cela, notamment par le double jeu joué par DJ lors de la mission. Il remplit sa mission d’hacker le vaisseau, mais pour des raisons de profits et de survie, il s'assure une échappatoire avec un marcher conclus avec "tête d'argent". La morale est percée au grand jour, les gentils sont pas si gentils et les méchants ne le seront peut-être pas toujours non plus, le business est sans morale, seule les intérêts comptent (bingo on a un justificatif ad vitam aeternam pour les Etats du monde entier).

Bon le message fraîchement rentré dans la tête on a toujours notre situation entre temps du vaisseau rebelle qui continue inexorablement d'avancer et sa réserve de carburant diminuer. On a droit à une défiance de Poe vis à vis de sa hiérarchie. Le mâle gonflé à bloc - qui en l’absence de Leia aux commandes - pense pouvoir mater les idées présumées attentistes de la nouvelle leader résistante "Holdo" - Boom Poe avait tort. Alors qu'il était prêt à lancer le système hyper espace, Leia se réveil et prend les commandes du bateau et explique amusée au jeune présomptueux la manœuvre de cette dernière. En effet une certaine planète non loin de la position actuelle, visible au second plan, c'est une ancienne base rebelle - ressemblant étrangement à la base sur la planète Hoth dans l'Empire contre-attaque - qu'ils souhaitent utiliser pour reprendre les armes et continuer le combat, pour entretenir / restaurer l'étincelle de l'espoir ainsi que les préceptes des Jedi « Que la force soit avec vous, à jamais" ! Holdo dans le même temps se sacrifie héroïquement en s'écrasant en hyper espace sur le vaisseau ennemie, tada, film féministe ! Nan je déconne. L'image est réellement saisissante, un plan large du vaisseau éventré dans des tons blancs bleuté du plus bel effet, est véritablement LA scène impressionnante du film, je pense que dans la salle à ce moment, toutes les mâchoires ou les yeux étaient grand ouvert.


Je passe rapidement la partie sur la base rebelle, entre l'amourette complètement invisible entre Rose et Fynn qui arrive comme un cheveu sur la soupe, l'arrivée du seul Luke à l'appelle dans toute la Galaxy de Leia, le combat entre Kylo Ren et un Luke Skywalker "en hologramme" qui meurt enfin de compte - de manière assez inattendu- depuis son île de Jedi sous un ciel monté de ses deux étoiles emblématique (symbole du premier film Star Wars Un nouvel espoir). La scène est autant émouvante - j'ai versé ma larme - qu'incohérente. On comprend l'idée de faire mourir toutes les fondations des anciens Star Wars, mais le processus est très très mal amené pour un Jedi qui n'a plus maitrisé la force depuis des années et l'idée est complètement farfelue. Comme cette espèce de peluche / poulet qui va venir remplacer Han Solo aux côtés de Chewbacca, complètement improbable. Ou encore ce délire d'une Leia capable de survivre dans le froid spatiale. Cela fait depuis le 7 encore une fois qu'ils auraient dû apporter un autre univers cohérent de Star Wars. La fin du film annonce le futur et la couleur et pas de la meilleur façon. Rappelez-vous cet enfant ayant reçu la bague de Rose. Dans la toute dernière séquence du film, sous une nuit étoilé ce dernier passe le balais sur un ponton - toujours dans sa condition d'esclave - alors qu'une étoile filante apparaît dans ce plan large fixe, et qu'il porte fièrement la bague au doigt le jeune rebelle attrape un bâton au moyen de la force qui semble clairement l'habiter pour finir sur un plan large de dos, un plan "Wallpaper" de plus.


Le film cherche son intensité qu'aux travers de scénettes et de plans « Wall Paper" pour gonfler la charge émotionnelle comme ce combat entre Kylo Ren et son maître Luke Skywalker aux airs de Dragon Ball Z. Le film en est rempli, et avec plus ou moins de succès. L'humour plus prononcé dans cet épisode que le précédent - qui se voulait trop sérieux - n'arrive jamais vraiment dans ce film à produire une recette gagnante (à de trop rares occasions) du fait de gimmick et de de blagues lourdes et aussi insupportables les unes que les autres et finissent par nous sortir du film complètement par l'absurdité de ces scènes. Un mal moderne démocratisé par Marvel et ses nombreux films. Star Wars tombe dans le piège de la blague évidente. Ce qui amène de l'humour, ce sont les situations, il ne faut surtout pas montrer la ficelle par des propos évidents. Ce qui fonctionne dans les anciens Star Wars est ici complètement manqué. Le rare comique de situation visible dans le film (les sbires sur l’île qui répare la maison de Rey, le rocher que détruit Rey et perturbe ces mêmes sbires, les avions complètement branlant sur la base rebelle utilisé par Fynn, Poe, Rose, les situations plutôt bien amené dans le Casino) sont les rares situations qui amènent une ambiance et n'ont pas besoin d'être raconté, elles se suffisent à elles même. Toutes autres blagues aux ficelles aussi grosse qu'un baobab sont à jeter tant elles jurent et n'arrive pas à s'insérer dans l'ambiance sérieuse la majorité du temps (le sabre laser lancé par Luck au tout début du film, les rictus de Luke genre "je maitrise" complètement bollywood, le pseudo vaisseau en forme de fer à repassé - qui en fait en est réellement un - là pour surprendre et faire rire mais c''est complètement hors de propos et fait très nanar).

Ce qui me dérange dans ce film au delà de toutes les remarques et incohérences que j'ai mis en évidences, c'est cet étrange mélange entre respect fait aux anciens épisodes (en plagiant certaines séquences) de la saga et la l'application presque chirurgicale à tuer cet héritage en l'insultant, par des approximations presque impardonnables. Il détruit le passé pour faire table rase et pourtant les codes ne change pas (volonté de perpétré notamment par le "Que la force soit avec vous, à jamais").
Ce film manque d'une bande sonore, de lieux marquants qui ne soient pas pompés d'anciens épisodes. Il manque à ce film une cohérence sur la durée et pas une vision de court terme ou chaque épisode détruit et créé son propre univers (quel est l’intérêt d'écrire autant de ligne à propos de Snoke en faisant monter l'intrigue autour de son influence, sa puissance pour le faire mourir dans un épisode 8 qui ne répond enfin de compte à aucune interrogations à son sujet). Il y'a un manque flagrant d'innovation.

EmmanuelHeurtier
5

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le 15 déc. 2017

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Dr Manhattan

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