Garanti sans spoil ni référence à la prélogie.

NON, les Porgs ne sont pas les nouveaux Ewoks !


Alléluia. C’est regardable.


Ce point crucial traité, il faut reconnaître qu'il est probablement le Star Wars le plus réussi depuis l’épisode V, même s’il n'en est pas au même niveau. Sa grande force (garantie 100% sans midichloriens) est qu’il accomplit ce que j’attendais de l’opus précédent : il choisit la transgression à la redite.


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C’est bien simple, il est le premier épisode à revoir en profondeur les grands thèmes de la saga en refusant net son manichéisme. Star Wars n’est plus tout lumineux ou tout noir, il y a des modulations entre et chaque personnage se fait la déclinaison de cette nouvelle réflexion. Pas forcément une révolution en soi mais pour un univers sclérosé depuis sa naissance entre gentils vs méchants, il y a comme un vent de fraîcheur bienvenu (je ne prends pas en compte l’univers étendu caviardé par Mickey qui avait déjà exploré le concept, Revan petit ange parti trop tôt).


Plutôt ancré du côté des spectateurs ayant exécré le 7 passé ses premières vingt minutes, le 8 s’attache à en réparer la plupart des travers. Le côté « remake » de la saga originelle se fait plus discret, de simples correspondances esthétiques aux finalités différentes, à une ou deux exceptions près qui, si elles sont à déplorer, ne saturent pas le récit comme le précédent film qui usait et abusait des redites. On retrouve presque la conception de Lucas qui voulait que les films "riment" entre eux, comme une poésie épique façon Odyssée.


Les personnages bénéficient d’une bien meilleure écriture sans rien sacrifier au mélange humour-action typique de la franchise. Rian Johnson, ou une des dix personnes avec qui il a pondu le scénario, a écouté les critiques des spectateurs. Kylo Ren se fait ainsi reprocher quasiment dès la scène d’ouverture ses colères d’ado en pleine croissance pour laisser place à un Adam Driver moins expansif mais plus pertinent, imposant pour se dresser en antagoniste enfin digne de ce nom. Dans les autres bonnes nouvelles, Poe (Oscar Isaac) obtient son statut de personnage principal et son évolution au cours du film fait plaisir à voir, notamment par sa confrontation à une surprenante et remarquable Laura Dern. Un compliment que l’on peut d’ailleurs faire à tous les rôles centraux de cet épisode. Rey (Daisy Ridley) n’est plus une Marie Sue élue de l’univers, et si on reste globalement sur un jeu binaire ou elle alterne entre la badass over the top et la pleureuse fragile, son personnage en descendant du piédestal sur lequel J.J. Abrams l’avait placé obtient de ce fait une possibilité de développement, et développement il y a.


Reste Finn (John Boyega), si l’idée du stormtrooper repenti reste une des meilleures trouvailles de la nouvelle trilogie, elle continue d’être une des plus mal exploitée. Sa Némésis capitaine Phasma (Gwendoline Christie), taillée dans du pétard mouillé, et son arc narratif sympathique mais complètement dispensable n’aident en rien l’étiquette de sidekick inutile qui lui colle à la peau. Les quarante minutes qui lui sont consacrées et les personnages qu’elles y font intervenir, sans être en soi mauvaise, sont à l’image de ce héros : faibles en enjeux.


Enfin pour la vieille génération, si le dernier tournage de Carrie Fisher lui offre son lot de bonnes séquences en s’épargnant avec beaucoup de classe un pathos pourtant attendu – à l’exception d’une seule absolument immonde que si tu as vu le film tu sais que c’est celle-là et tu préfères déjà oublier et tu as tout mon soutien – c’est surtout le grand retour de Mark Hamill en mentor excentrique directement importé des films de sabre qui avaient initialement inspiré Lucas. Il y a autant de Yoda que de Pai Mei dans son personnage offrant à Rian Johnson l’occasion de monter une série de plans iconiques qui font franchement plaisir à voir. Luke Skywalker personnifie le chant du cygne des anciens Star Wars face à leur réinterprétation actuelle, son personnage incarne avec justesse le rôle de charnière qu’Han Solo avait loupé dans Le réveil de la force.


Tant de bonnes choses ne se font cependant pas sans heurts, beaucoup d’éléments mis en place dans Le réveil de la force se trouvent tout simplement expédiés en quatrième vitesse, arrêtant net les attentes et spéculations des fans. Une démarche proche de ce que l’on voit dans Disney Marvel dont le pinacle Thor Ragnarok déconstruit et désacralise tout pour un gag de plus, rien de ce calibre ici cependant, les transgressions sont assez bien dosé que pour surprendre sans dénaturer l’univers installé. A voir si les fans hardcore ne les rejetteront pas en bloc mais d’un point de vue narratif ces ruptures sont d’appréciables nouveautés, essentielles même pour tenir les 2h40 des derniers Jedi.


Dans les choses moins pardonnables, la structure même du film repose sur de (très) lourdes facilités. Vous aviez l’impression que la résistance avait mis le premier ordre à mal dans l’opus précédent ? Nope. De même le film semble commencer dans la minute qui suit la fin du précédent pour Rey alors que plusieurs jours/semaines semblent s’être écoulées par ailleurs, retracer le temps qui passe pour chaque personnage doit ressembler à noter sur papier la résolution d’un rubiks cube. Ce n’est pas parce que L’empire contre-attaque avait la même perception du temps qu’un poisson rouge dans un bocal de LSD qu’il fallait forcément reprendre cet élément. Dans un autre domaine, les moments où tout-semble-perdu-mais-en-fait-ça-va ont tendance à s’accumuler, amenuisant la tension qu’ils sont censés amener, à mettre dans le même panier que le retour du problème de Rogue One en comptage de figurants : les rebelles sont entre 10 et 250 suivant les plans, quel que soit la taille des vaisseaux dont ils entrent/sortent. Reste ensuite l’inévitable fan service parfois un peu facile ou encore l’insupportable général Hux quelque part entre un Nazi teint en roux et Donald Duck.


C’est un gros regret, autant chaque personnage qui la compose bénéficie d’un traitement soigné et d’un parcours intéressant, autant la trame générale est plutôt médiocre avec des fuites de tous les côtés.


Côté musical on ne peut que regretter que le travail de John Williams, honnête au demeurant, ne fasse pas éclore un nouveau thème mythique. Mais là, on pinaille.


Enfin d’un point de vue purement technique, Rian Johnson se détache du parti pris de J.J. Abrams de décalquer le rythme et les transitions de la trilogie originale, exit le triple climax en parallèle et surtout bonjour à une toute nouvelle façon de présenter les pouvoirs de la force. C’est là la plus grande qualité du réalisateur, il ne cherche jamais à rendre hommage à un univers mais au contraire il le tord dans tous les sens pour se l’approprier et nous offrir son lot de délires esthétiques absolument splendides avec plus de cohérence qu’un Rogue One en deux parties inégales, alors forcément cette expérimentation ne va pas sans erreurs par-ci par-là mais le résultat a le mérite de ne pas ressembler à une cash machine sans âme.


Blockbuster bourrés de bonnes idées qui arrive à tenir sa durée gargantuesque, Les derniers Jedi possède l’étincelle d’originalité qui faisait terriblement défaut à son prédécesseur. Difficile de dire si cette démarche sera le nouveau standard de l’épisode IX récupéré par J.J. Abrams ou s’il sera le mouton noir de la série honnie par une partie du public en proposant quelque chose de différent de leurs attentes. Dans la mesure où il n’y a pas de trame déjà écrite pour la trilogie Disney (qui fera 6 films au final), on peut s’attendre à tout. Reste que Les dernier Jedi est le meilleur film à très gros budget sorti depuis un bon moment.

Cinématogrill
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le 16 déc. 2017

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