Dans l'espace, personne ne vous entend pleurer

C'est dur, ce que vous me faites subir. C'est dur de critiquer un Starwars, rapport aux rêves, aux attentes, aux fantasmes... Mais pire, comment voulez-vous critiquer un mauvais Starwars ?


Le film d'avant avait ses faiblesses, mais j'ai décidé de l'aimer. J'ai décidé d'y voir un retour de la fantasy de l'univers, un retour de la Force, un début prometteur. Et il se terminait pour ça par une scène forte : un passage de flambeau, littéral, entre les deux plus puissants manipulateurs de la force de la galaxie*.


(* sous réserves de clauses particulières écrites en petit dans les conditions d'utilisation du service "Force", de toute façon tout le monde est le plus puissant. Kenobi, Yoda, Vador, Luke, Ren, Rey, Snoke, n'en jetez plus.)


Et cette scène peut symboliser l'intégralité du film précédent. Cette scène solennelle, grave, belle, remplie d'émotion, c'était la rédemption de la saga. Et bien son traitement dans ce nouveau film est également la synthèse de ce que ce film est : de la chiasse. Car de ce moment iconique, on attendait tout ; Luke prend donc son sabre... Et le jette à la mer derrière lui, sans un regard, et s'en va. Comme je vous disais, une parfaite métaphore du film : ce réalisateur a jeté les espoirs et la licence aux orties, comme Luke son flambeau. Alors oui, il a décidé de se retirer de la vie du monde ce qui explique le fait qu'il s'en fiche ; en faire par contre une scène comique à l'opposé de la tension dramatique du cliffhanger reste osé.


Ah, le comique... Car c'est aussi un problème. Tout est drôle. Tout est dédramatisé. Tout est désamorcé par le rire. Il n'y a aucun enjeu, aucune tension. Tout. Est. Drôle.


La première scène du film aurait dû me donner la puce à l'oreille ; cinq minutes d'humour potache et de blagues sur les noms de famille et les mamans qui ont été une massue en fonte tombant sur la tartelette de mon envie de solennité. Le plan des gentils (On insulte le Général pour gagner du temps, et quand on a chargé nos batteries à fond, on détruit leurs tourelles avant qu'ils ne réagissent) est débile à souhait et ne fonctionne que parce que le script le dit, la réaction des méchant (on se laisse insulter sans déployer ses unités, et on laisse fuir les vaisseaux rebelles sans réagir) est débile à souhait, et la constante moquerie des antagonistes tourne au ridicule : nous ne sommes plus dans Starwars où des rebelles (pardon, des résistants) font face de manière désespérée à un gouvernement totalitaire, froid et efficace, nous sommes devant Austin Power face à un Docteur Denfer minable et absurde : les méchants sont toujours ridiculisés par les protagonistes (comme dans cette fameuse scène), leurs décisions, ou la situation. Je pense que TPMP a vu des canulars téléphoniques plus drôles que celui de ce passage, et j'encourage Disney à contacter Rémi Gaillard pour la suite. L'Empire fait peur car il est efficace et implacable ; ici, chaque scène du Nouvel Ordre est une occasion de se moquer d'eux. Et on retourne sur le comique.


Donc oui, on moque leurs personnes, mais leurs décisions ? Et que je décide de bombarder la planète plutôt que tirer sur les vaisseaux qui s'en vont (avec les canons prévus pour qu'on verra plus tard dans le film), et que je me fâche tout rouge en trépignant car on insulte maman alors que je suis sensé être le leader de l'armée la plus puissante de la galaxie, et que je ne demande pas aux chasseurs de sortir en formation en plein milieu d'un champ de bataille dans laquelle nous sommes les attaquants surprises (nous laissant sans défense), et que je regarde un de mes vaisseaux amiral se faire laminer sans réagir dans les autres vaisseaux autour, et que je n'ai aucun bouclier énergétique (c'est balaud) alors que là aussi tous les vaisseaux en seront équipés en standard dans les scènes suivantes... L'apothéose ne tarde pas quand on voit un bombardier lâcher des bombes. Dans l'espace. Vous savez, là où l'absence de gravité devrait dire aux bombes de fuck themselves et de rester gentillement dans leur soute, merci bien ?


La scène se conclue sur Snoke étranglant son Général incapable depuis l'autre bout de la Galaxie. Le respect de la lore de la Force à fond, on est bien -- dans la trilogie originale, Yoda galérait à sortir un X-Wing d'un marais en étant devant. Ou alors il est super méga puissant, et cependant inconnu... Ce qui intrigue. Y a-t-il un plan, une vision dans cette nouvelle trilogie ? On pourrait l'espérer malgré les défauts. Après tout, on a un méchant mystérieusement ancien et puissant et on rêve de savoir comment, pourquoi, sa cachette pendant la trilogie, les raisons de ses cicatrices.... On a une utilisatrice extrêmement puissante de la Force aux origines mystérieuses, et qui se pose des questions sur ses parents tout autant que nous. De quoi tenir en haleine le spectateur avant une découverte qui ne pourra que le ravir. Fille cachée de ? Nouvel enfant né de la Force ? On trépigne !


Et bien je vous vends la mèche :


Snoke meurt stupidement et sans panache -- est-ce surprenant qu'en traitant son apprenti comme un clébard dans une scène de 10 minutes, il finisse par mordre ? -- et sans avoir eu ne serait-ce qu'une amorce d'explication de qui il est. Rey est une fille de losers qui l'ont vendue contre une dose de drogue quelconque. Démerdez-vous avec ça. Tout ce qui aurait pu être beau, mystérieux, expliqué, créateur d'une quête initiatique, un initiateur de Lore pour des livres et films à suivre, c'est creux, juste une idée dans le vent qui n'est pas exploitée. Du vide.


Rien. Chez les producteurs, aucune vision, ils balancent des pistes à tour de bras sans savoir eux-même où cela mène, et ils les ferment tout autant stupidement sans savoir qu'en faire. Pour un peu, on dirait une série télévisée écrite par J. J. Abrams.


Et pendant ce temps, Rey demande une formation auprès de Luke alors qu'elle maîtrise à chaque scène la Force mieux que Qui-Gon lui-même (qui s'intéresse à la cohérence quand on peut copier la structure du second épisode de la première trilogie !), Rey fonce dans une caverne épicentre du côté obscur de la Force pour... se voir dans un miroir et c'est fini (pourquoi tenter de comprendre ce que le combat contre Vador-Luke voulait dire quand on peut juste copier la structure du second épisode), on a des fantômes de la Force qui reviennent pour faire du gros-billisme et ainsi détruire tout le scénario (s'ils peuvent faire ça en étant des fantômes, pourquoi on s'emmerde, un fantôme seul reconquiert le Nouvel Ordre non ? Et pourquoi grand-papa Vador n'est pas revenu botter le cul de son Ben(ny Hill) de petit fils ? Et pourquoi, et pourquoi -- la liste est sans fin... Mais pourquoi s'intéresser à la cohérence quand on peut faire du fan service et copier la structure d'un épisode passé !), pendant que les rebelles fuient en ligne droite et à court de carburant avec des impériaux qui les poursuivent, incapables de les détruire par la seule force du script moisi qui n'arrive pas à aligner deux enjeux cohérents. Bah oui, plutôt que les poursuivre, on dépêche une flotte devant pour les prendre en tenailles, et hop, terminée, l'intrigue ! Mais non. Ou alors, on envoie les chasseurs ! Mais non (les chasseurs sont trop loin du vaisseau amiral, donc on les rappelle au moment ou ils allaient tuer les héros, c'est pratique.)


Mention spéciale pour le moment où les gentils se demandent comment ils se sont fait traquer malgré un passage en hyper espace alors qu'aucune technologie connue ne le permet, littéralement suivi par une scène de Leïa indiquant qu'elle et Rey ont une balise permettant de se traquer à travers la Galaxie, littéralement suivie par une scène où un ancien éboueur et une gardienne de pods finissent les phrases l'un de l'autre en décrivant le fonctionnement du traqueur ennemi sans jamais l'avoir vu. Grandiose.


Le petit passage Bobba Fett / Casino n'apporte rien à l'histoire, il n'y a aucune raison pour lancer ce plan foireux à part "ne disons pas à nos amis quel est notre stratégie de fuite, comme ça ils vont essayer un truc dans leur coin qui mettra à mal notre plan" du nouveau protagoniste qu'on nous présente comme une femme forte. Rassurez-vous, je n'ai même pas le temps de la critiquer qu'elle se suicide, car on a oublié entre temps que l'univers de Starwars est bourré de droides qui peuvent piloter des vaisseaux à votre place. On oublie aussi que dans l'espace, un objet lancé sur une trajectoire la poursuit indéfiniment, donc qu'il n'y a pas besoin de pilote tout court. On oublie, car on veut des pleurs dans les chaumières, on veut de l'émotion, on crée du jeu à partir de rien, et pendant ce temps Starwars meure dans son sommeil, étouffé de l'oreiller maintenu sur son visage par le scénariste et le réalisateur.


Rien n'a de sens, tout est débile, le scénario mange de la bouillie d'avoine qu'on lui donne à la cuillère et bave les yeux dans le vide ; on finit par se rappeler au milieu du NEUVIÈME film que Léa a autant d'affinité avec la Force que son frère, et du coup on l'exploite sans préparation, juste pour faire cool, sans penser que ça prouve que les trente années passées à combattre l'Ordre n'auraient pas pu se dérouler ainsi avec une Leia Jedi ; On enchaine encore et toujours avec encore plus de trucs complètement abrutis, encore plus de Deus Ex Machina, encore plus de Comic Relief, encore plus de nouveaux pouvoirs de la Force qu'on ne connaissait pas et qui sont bien pratiques pour sauver la mise, encore plus de suicide idiot par amour, encore plus de copie de la trilogie originale en raté, encore plus de Rey-c-est-la-meilleure-sans-formation, encore plus de larmes. J'ai parlé du vaisseau lancé en hyperespace qui détruit les vaisseaux amiraux sur son passage ? Bah du coup, cette scène te dit qu'on est trop con, un chasseur aurait pu te les casser en deux, tes étoiles de la mort. Ou tes vaisseaux amiraux du début. Noobs de la République.


Car quand on ne pleure pas pour les incohérences, les faux raccords, le montage, le scénario, l'inutilité totale de toutes les actions du film, on pleure de ce qu'ils saccagent, on pleure l'univers étendu et ses histoires et personnages profonds, on pleure, on pleure, on pleure.


Ce film est une purge. Je n'arrive pas à mettre moins de quatre pour le moment car j'ai vu un sabre laser. Mais j'y arriverai un jour, à tête reposée, car il ne les vaut pas.


Il y a eu un élément intéressant, c'est la relation Ren / Rey ; pas assez traitée, pas assez bien traitée, pas assez longuement traitée, mais il faut le reconnaitre. Le reste ? Une honte.


Une honte. Laissez-moi pleurer.

Lomig
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le 18 déc. 2017

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Lomig

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