Critiquer Star Wars VIII va s'avérer compliqué. Entre les hardcore fans qui, de toute façon, n'aimeront pas la film par pur principe, et ceux qui se pâment devant une suite, quelle qu'elle soit, conférant un statut quasi divin à la nouvelle trilogie, difficile d'avoir des avis objectifs. N'étant réellement ni dans le premier groupe ni dans le deuxième, je suis allé voir Star Wars VIII avec certes quelques attentes mais sans grandes craintes. Verdict ?


Après être arrivée sur l'île où Luke vit en ermite, Rey va lui demander de la former. Parallèlement, Poe est sur un vaisseau avec Léïa, Finn et ce qu'il reste de la Résistance, poursuivi par Snoke, Kylo Ren et le Nouvel Ordre. Finn va alors mettre en place un plan permettant à la Résistance de s'enfuir par vitesse lumière sans être pisté.


Difficile de parler de ce Star Wars sans spoiler. You have been warned.


Tout simplement, est-ce que j'ai aimé ce Star Wars ? Oui assez, non sans relever une liste de défauts ou de conneries...
Pour commencer, je suggèrerais à Disney de confier l'écriture du scénario à quelqu'un qui sait écrire des scénarios. Rian Johnson a de grandes qualités de réalisateur, mais le scénario de Star Wars VIII est aux fraises.
Il y a trois arcs qui se superposent : Rey et sa formation de Jedi avec Luke, Finn et Rose (un nouveau personnage) qui cherchent un expert pour craquer le système de pistage du vaisseau du Nouvel Ordre, et Poe qui tente de trouver des solutions pour que la Résistance s'en sorte sans trop de pertes.


Commençons par Rey : toute cette partie ne sert pas à grand chose. Elle se résume à Rey qui insiste pour être formée, Luke finit par accepter, mais finalement Rey doit repartir. Cependant les décors sont somptueux (les îles Aran en Irlande) et cet arc permet d'apporter un côté presque "philosophique" à propos de la Force. L'idée est que n'importe qui peut trouver la Force, ce qui contraste avec le côté un peu élitiste des précédents opus qui ne tournaient qu'autour des Skywalker. Cette idée est renforcée par la révélation de Kylo à propos des parents de Rey : ce sont des bouseux. Et c'est une bonne chose. Rey est donc une pécore, sans grande lignée, sans capacités innées pour héritage. C'est assez nouveau pour un Star Wars et c'est assez couillu quand tous s'attendaient à ce qu'elle soit la fille de Luke ou d'Obi Wan.
Rey va également se retrouver dans une espèce de puits, teasé plusieurs fois comme un gouffre empli de noirceur. Une fois à l'intérieur, Rey va se retrouver devant un miroir, avec le reflet la décuplant par millier. La scène est très sympathique, vraiment un bon moment de cinéma, mais ne sert à rien dans l'intrigue. Après plusieurs jours sur l'île, Rey s'en va, sans réussir apparemment à convaincre Luke de venir porter secours à la Résistance, hanté qu'il est du fiasco de la "promo" de Jedi qu'il a tenté de former avant de sentir le côté obscur chez Kylo.


De leur coté, Poe et Finn échafaudent un plan consistant à se rendre sur le vaisseau du Nouvel Ordre, craquer le système de pistage afin que la Résistance puisse s'enfuir sans être suivie. Pour cela, Poe va rester sur le vaisseau et tenter d'en prendre le contrôle, tandis que Finn, aidé de Rose, vont se rendre sur une planète-casino pour y trouver l'expert informatique.
On va tout de suite se mettre d'accord et surnommer Rose "Love Interest Random" parce qu'il faut avoir des notes du scénario sous les yeux pour comprendre qu'elle se résume à ça. Nous n'éviterons donc pas la vieille scène pathos où Love Interest Random galloche Finn après l'avoir détourné d'un sacrifice qui aurait été extrêmement utile. Mais non, madame en a décidé autrement, le sauve, lui fait un laïus de merde sur le pouvoir de l'amour et précipite donc la fuite de la Résistance, la mort de Luke / fusion avec la Force, la survie de Kylo et de Hux qui auraient pu mourir dans l'explosion. Bravo Love Interest Random ! Habile.
Et dans cet arc, nous assistons, avec beaucoup de dépit dans mon cas, à la partie Disney du scénario. Ce n'est que cabotinage, péripéties en rafale tout le long. Et vas-y qu'ils se font arrêtés, libèrent des quadrupèdes de leurs enclos où ils étaient retenus afin de participer à des courses, saccagent le casino à dos de ces bêtes, s'enfuient dans la forêt... Bref ça part dans tous les sens, et l'on a du mal à prendre tout ça au sérieux.
C'est dommage, car cet arc tentait de développer un propos de fond intéressant : le financement de la guerre. En clair, les habitants de l'île se sont fait du fric en vendant des armes au Nouvel Ordre. Mais également à la Résistance.
Dommage aussi parce que, bizarrement, il y a un gros plan sur Lily Cole, qui a un visage très particulier et donc très reconnaissable... Mais l'actrice n’apparait que deux secondes à l'écran. Je me demande ce qui peut pousser quiconque à demander à une actrice qui a tenu le premier rôle d'un film de Terry Gilliam de faire de la figuration...
Cet arc est clairement le moins réussi. Tout n'est que coïncidences foireuses. On nous a présenté comme une vérité absolue le fait qu'il n'existait qu'un seul homme dans toute la galaxie capable de craquer le vaisseau du Nouvel Ordre, reconnaissable à sa broche en forme de fleur. Et pourtant, une fois enfermés en cellule, Finn et Love Interest Random tombent comme par hasard sur un autre voleur, capable de casser n'importe quel code, ouvrir des portes etc. Est-ce l'homme qu'ils cherchent, dont on a dérobé la broche lorsqu'il est arrivé en prison ? Ce qui serait bien plus cohérent, bien moins capillotracté, mais ça n'est jamais dit explicitement. Bref, Finn et Love Interest Random s'enfuient donc avec lui et se retrouve sur le vaisseau ennemi. Après qu'ils se soient faits surprendre, le voleur les trahit en donnant les plans de fuite des vaisseaux de la Résistance contre une poignée de blé. Puis Finn et Love Interest Random réussissent à s'enfuir après que le vaisseau ait été endommagé, non sans que Finn se batte et tue le Capitaine Phasma.
Donc récapitulons : Finn et un nouveau personnage vont sur une planète pour trouver un expert, aux capacités uniques au monde, qu'ils ne trouvent pas. Mais heureusement, finalement quelqu'un d'autre peut le faire, et heureusement il est dans la même cellule et heureusement, il a attendu que nos deux héros arrivent pour ouvrir la porte de la cellule et sortir. Et, tout voleur expert cybernétique qu'il est, avec son tic de langage insupportable, il trahit Finn et Love Interest Random pour de la thune, qui donc ne mettent pas à exécution leur plan. Donc cet arc ne fait absolument pas avancer le scénario. Si le but était que Finn se fritte Phasma (personnellement je m'en fous un peu, on l'a vu 15 min à l'écran sur deux films), ça aurait pu être amené différemment.


Passons maintenant au dernier arc. Poe est sur le vaisseau de la Résistance avec Léïa et tous tentent de semer le Nouvel Ordre qui ne les lâche pas. Et cet arc est vraiment réussi. Retournements de situation, coups d'état, situations cohérentes, décisions réfléchies, une touche presque politique... C'est tout ce que je demandais.


Au delà du scénario, il faut reconnaître que le réal tente des choses, qui souvent, je le crains, révulseront les hardcore fans. De toute façon, lorsque le VII ressemblait trop au IV, c'était du copier/coller, mais si on ajoute trop d'éléments nouveaux, c'est de l'hérésie. Alors non, que Léïa puisse inconsciemment maitriser la force lorsque sa vie est en danger, ça ne me gène pas (en tout cas bien moins que le fait qu'elle aurait dû geler dans l'espace), que Rey et Kylo papotent par télépathie non plus, que Rey puisse maitriser autant la Force de manière quasi-innée encore moins. Les nombreuses touches d'humour sont également bienvenues, permettent de casser l'image trop épique et ampoulée de certains passages (Rey donne religieusement son sabre à Luke, qui le balance par-dessus son épaule, ...)


J'ai également apprécié que le film s'affranchisse parfois de certains clichés, notamment le non-manichéisme de Kylo Ren, qui hésite constamment entre Snoke d'un côté et sa mère et Rey de l'autre. La scène magistrale où Kylo tue Snoke est une belle surprise, même si elle était obligatoire pour que le personnage de Kylo puisse se développer et monter correctement. Et ça aurait été dommage de s'arrêter en si bon chemin, car il est très bien développé, beaucoup moins immature, plus adulte. Non pas que le personnage m'énervait dans le VII, je le trouvais très humain, et juste. Certes un ado en crise, mais il avait été pensé comme ça.
Donc pour l'antagoniste du film, c'est un grand oui. J'aurais cependant aimé qu'on leur serve de meilleures chorégraphies lors des combats, car elles sont assez fouillis.


Mais j'ai néanmoins apprécié ce film, notamment grâce à la direction artistique. La musique est extra, comme d'habitude de la part de John Williams.
Il y a une très forte identité visuelle et de très bonnes idées : la scène de la destruction du vaisseau du Nouvel Ordre en N&B et muet, les poussières rouges de la dernière planète, le design des Porgs et des Chiens de Cristal, les scènes de combat en vaisseaux... Globalement le film envoie du bois, c'est du très très grand spectacle.


Par contre, histoire de pinailler, on m'expliquera comment des bombes tombent par gravité dans l'espace et comment certains soldats ne sont pas aspirés dans le vide alors qu'il y a un trou dans leur vaisseau. Ou encore comment on peut ouvrir la porte à Léïa sans créer une dépression énorme, alors que la salle de l'autre côté est ouverte sur l'espace. Et on m'expliquera : pourquoi un Yoda si dégueulasse ? OK pour l'hommage à la première trilogie, mais il y avait moyen de faire un Yoda visuellement semblable à la marionnette de 1977 sans qu'il pète autant les rétines.


Cette critique était un peu décousue, mais il y a tellement de choses à dire qu'il est difficile de structurer.
J'ai passé un bon moment, donc, mais le films à de gros défauts. C'est loin d'être le meilleur de la saga, et j'ai préféré le VII, mais ça laisse présager de bonnes choses pour le IX.
Wait and see.

QuentinYuanMalt
7
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le 1 janv. 2018

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Yuan Cloudheart

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