En 1992 Fukuyama publie un essai sur la fin de l'histoire et le dernier homme; après l'implosion du régime communiste, il y déploie une vision aveuglément optimiste de l'avenir. Selon lui cet antagonisme final marque la fin des guerres et des conflits et l'avènement de la démocratie libérale dans le monde. De la même manière Star Wars VI nous laisse sur une vision d'espoir, de la victoire du bien contre le mal. Or dans cette galaxie comme dans la lointaine autre, il n'en fut rien. La chute du communisme a vu le capitalisme occidental déployer son hubris sans les limites que lui imposaient le danger communiste, et la chute de l'empire a probablement vu une république faible, instable, et corrompue succomber à l'inévitable et presque mécanique retour de la haine, et de l'indifférence, en bref du côté obscur. Et cela justifie pleinement que l'on ignore tout de Snoke, les détails de son accession au pouvoir ne sont qu'un détail, et une analyse de la structure du récit permet d'en comprendre les grandes lignes.


Ce film développe donc l'idée que l'histoire ne se finit pas, au contraire elle est un perpétuel et fatal recommencement. Cette idée profondément tragique amène le personnage de Luke dans une vaine tentative de fermer la boucle en abolissant l'ordre jedi, comme si l'équilibre dans la force faisait impitoyablement coexister côte obscur et le côté lumineux qui se nourrissent l'un de l'autre. Cette idée même si elle ne résiste pas à la conclusion du film a une poésie certaine. L'humour de situation étant par ailleurs totalement justifié par la vision tragique de l'histoire et ce aux dépends d'une vision purement épique. A ce titre la scène ou Luke jette son sabre par dessus la falaise démystifie totalement l'ambiance permettant d'accentuer le tragique par rapport à l'épique (tout en étant franchement hilarante).


Cependant pour que cette idée soit portée le choix n'est pas fait d'un space opéra qui multiplie les lieux comme pour montrer que la galaxie bah c'est quand même grand (Rogue One vous dîtes?). Au contraire le scénario se concentre sur une course-poursuite autour de laquelle les événements se tissent, ils s'en éloignent puis la rejoignent dans un rythme bien maîtrisé. Ce centrage de l'intrigue permet de lui donner une intensité tragique ainsi qu'une intimité bienvenue. Alors que le précédent opus était d'une platitude gazeuse, ce film pose des dialogues, développe des idées sur le pouvoir, la guerre, l'idéologie renouant ainsi avec l'intention de la prélogie de dire quelque chose de la politique (là ou la trilogie originale n'était qu'une métaphore du nazisme de laquelle rien de substantiel n'était à tirer). Ceci faisant dire à certaines âmes chagrines qu'il ne se passe rien alors que justement, c'est une bonne chose. Bien sûr ce film pâti du développement des personnages complètement foireux du dernier film et des scènes d'action d'usage (piou piou pan pan boum shiffff) dont je me passerai avec joie.


Certes il est difficile d'ignorer l'ironie qui découle du fait de voir une multinationale du divertissement développer de telles idées. Difficile de se dire que c'est autre chose qu'une philosophie politique d'apparat qui donne juste assez de pseudo-philosophie mystique pour vendre un produit efficace. Mais ça n'enlève rien à ce qu'on peut vouloir tirer de ce film. L'imagerie de la résistance garde sa puissance symbolique dont même un divertissement (au sens de diversion) ne peut se passer. Et cependant la référence à Jean-Luc Mélenchon n'aura sans doute échappé à personne, les hologrammes vaincront la puissance de feu des fascistes ;)

LouisTariel
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le 6 janv. 2018

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Marco Sennario

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