Il est 7 heures du matin, un enfant se réveille et court dans le salon. Sur le chemin il s’imagine la montagne de cadeaux qu’il va trouver. Le père noël, magique et bienveillant, fait battre son cœur d’enfant comme jamais auparavant. Le monde est beau et la bonté est récompensée. Arrivé au pied du sapin il n’y a pourtant aucun cadeau, seulement un homme debout, l’air hilare, qui tient un briquet dans la main et lui dit très clairement :
- Salut gamin. Désolé mais le père noël n’existe pas, ce sont tes parents qui t’achètent tes cadeaux et la plupart du temps ils n’ont pas assez d’argent pour t’acheter les bons.
Cet homme, c’est Rian Johnson.
Avec cette introduction, on pourrait croire que je n’ai pas aimé le film mais ce n’est pas aussi simple que ça. J’ai aimé le film, aimé à quel point le réalisateur a renversé à peu près toutes les attentes qu’on pouvait avoir sur un film Star Wars et sur un film tout court. Rian envoie tout balader avec une gaieté perturbante. Les anciens Star Wars et leur manichéisme enfantin, à la poubelle. Le remake de J. J. Abrams, à la poubelle. Le pilote fougueux qui prend des risques débiles, la mission suicide qui n’a qu’une chance sur un million de marcher, la méchante parmi les gentils, le sacrifice, le maître et son apprenti…à la poubelle. Et surtout les héros mythiques redeviennent des hommes bien humains avec leurs qualités mais aussi leurs défauts. Et c’est ceci qui explique la réception très froide de ce nouvel opus.
Si vous regardez ce film avec les mêmes yeux d’enfants qui ont vu les premiers Star Wars et appris à rêver avec eux alors vos yeux vont saigner. Les autres seront surpris par l’audace [surprenante à une époque où le blockbuster ultra calibré est roi] d’un réalisateur qui fait fi de toute pression en brisant un mythe.
Steinbeck résume ceci bien mieux que moi :
Lorsqu'un enfant, pour la première fois, voit les adultes tels qu'ils sont, lorsque pour la première fois l'idée pénètre dans sa tête que les adultes n'ont pas une intelligence divine, que leurs jugements ne sont pas toujours justes, leurs idées bonnes, leurs phrases correctes, son monde s'écroule et laisse place à un chaos terrifiant. Les idoles tombent et la sécurité n'est plus. Et, lorsqu'une idole tombe, ce n'est pas à moitié, elle s'écrase et se brise ou s'enfouit dans un lit de fumier. Il est difficile alors de la redresser et, même réinstallée sur son socle, des taches ineffaçables dénoncent la chute passée. Et le monde de l'enfant n'est plus intact. Il se meut alors péniblement jusqu'à l'état d'homme.