Sur quel sabre danser

Que penser de ce Star Wars ? Impossible pour moi de répondre en sortant de la salle.
Cela s'explique par la densité du film et les nombreuses pistes différentes sur lesquelles il s'aventure.

Commençons par le commencement : il est évident que Les Derniers Jedi n'est pas la suite attendue au Réveil de la Force. On se voyait déjà repartir pour une saga galactico-mélodramatico-familiale, avec son lot de révélations fracassantes, agrémentées de clins d'oeil appuyés aux anciens films tout en empruntant des chemins scénaristiques bien connus (créant par là une sorte de boucle méta dont se réclamait George Lucas).
Rien de tout cela au final, même si on n'échappera pas totalement au fan-service ni aux créatures uniquement destinées à vendre des peluches par millions.

Serait-ce la faute d'un parti pris osé et assumé jusqu'au bout, créant la rupture qui avait fait défaut à Star Wars VII ? Ca aurait pu... mais non.

Comme évoqué au début de cette critique, le film part dans plusieurs directions qu'il peine à harmoniser. On ne peut pas vraiment le reprocher à un film avec autant d'enjeux (économiques, d'image, etc.). Néanmoins, le film en pâtit et les déceptions seront au rendez-vous pour bon nombre d'entre nous...
En somme, Les Derniers Jedi tente à la fois :
- de faire table rase du passé en nous surprenant sur le déroulement de l'intrigue et les nouveaux personnages ;
- de terminer le travail d'hommage à la saga originelle débuté dans le numéro 7 (notamment avec le personnage de Luke qui n'avait pas encore été abordé) ;
- de renforcer le statut de "spectacle absolu" de la saga Star Wars en étant au top techniquement et visuellement.

De ces 3 volontés, seule la première m'a semblé intéressante bien que décevante car inachevée.
Notamment la relation entre Rey et Kylo Ren, d'une originalité étonnante par rapport au classicisme habituel de la saga.
On pourrait même y voir quelque chose de précurseur tant les rapports homme/femme, dominant/dominé, méchant/gentil diffèrent des canons hollywoodiens. Voir un Kylo Ren enfermé presque malgré lui dans une colère contre l'injustice transformée en haine de l'autre, mais qui souhaite se ressaisir, pourquoi pas en repassant du côté lumineux, face à une Rey qui refuse de voir la réalité sur ses origines et la vacuité de sa quête, qui souhaite accélérer son implication dans son propre destin et se découvre un lien avec son antagoniste, quitte à effleurer le côté obscur ; l'idée d'une alliance allant au-delà de l'affrontement historique sith/jedi portée par une énergie de renouveau ; tout cela est extrêmement intéressant à voir, presque fascinant et réalisé avec la finesse que cela nécessitait.
Malheureusement, les deux autres objectifs du film auront fait avorter cette perspective alléchante. D'une part, malgré une tentative de faire de Luke un personnage plus "gris", torturé, il ne sera finalement qu'un mélange de Yoda et Kenobi versions trilogie originale. On restera donc sur un schéma "les gentils contre les méchants".
D'autre part, rester sur ce schéma était sûrement bien plus pratique pour créer des scènes de combat à rallonge, car, il faut bien le dire, elles représentent au bas mot les 2/3 du film. Cela laisse finalement assez peu de temps à un chamboulement complet des structures scénaristiques habituelles de la saga.
ll faut néanmoins souligner qu'une fois de plus, les effets visuels et les scènes de combat en général sont de très très bonne qualité.

Au terme de toutes ces péripéties, on semble bel et bien repartis pour une fin de trilogie tout ce qu'il y a de plus classique, opposant la Résistance d'une blancheur immaculée à un régime autoritaire sans autre réflexion et nuance qu'une destruction pure et dure.
Et ce n'est pas le retour de J.J. Abrams aux manettes qui pourrait faire espérer autre chose...

Finalement, il me restera surtout du film cet espoir déçu d'une d'une saga transcendée par de jeunes héros réunis par la volonté de s'émanciper... Une crise d'ados dans un film pour ados, était-ce si risqué ?