On ne reconnaît pas Danny Boyle et ce n'est pas forcément un problème. On ne reconnaît pas Steve Jobs non plus, mieux interprété par Ashton Kutcher, ou disons qu'en plus de la ressemblance physique, Kutcher avait aussi travaillé la gestuelle.
Le biopic avec Ashton était classique, un peu terne, plat. Celui de Sorkin est original dans sa forme, plus travaillé, avec une vision. Pourtant les deux films me semblent passer à côté du sujet. Tout repose sur la personnalité de Steve Jobs qui fait figure de gourou. Apple, c'est une secte. Si on n'adhère pas, on dégage. Il y avait dans le Jobs précédent l'histoire de la police d'écriture, détail sur lequel coinçait Jobs quand il y avait pourtant plus urgent à résoudre. Dans celui-là c'est l'ordinateur oeuvre d'art.
Locomotive à oeillères, Jobs fonce tout droit, défonce tout sur son passage. On le sent dans les deux films, ça ne peut pas être ignoré. Mais les deux réalisateurs sont passés à côté de ce qui est selon moi le moteur principal, le thème central ; un gourou et sa secte. Jusque dans le domaine commercial, puisque chaque année c'est la folie quand sort tel nouveau produit.
Il y a aussi Star Wars dans ce cas-là, et Nintendo, mais dans le cas d'Apple ce qui est intéressant, c'est que ce n'est pas seulement le produit qui provoque cette effervescence, il y a la personnalité de Jobs derrière, ce gars qui semble n'avoir que des connaissances superficielles dans son domaine mais se pose en leader incontestable.
Pourtant le film de Boyle reste très intéressant, construit autour de trois lancements de produits, que beaucoup ont réduit à deux échecs plus un succès, alors que la structure est plus nuancée car derrière les deux échecs il y a évidemment des mésententes politiques et marketings qui ont joué sur les produits, ou encore des visions à plus longs termes avec échec calculé et même désiré.
Par son égo démesuré, ses visions bornées mais pénétrantes, Jobs reste une figure fascinante.