_Serveur ! Un cocktail s'il vous plait... avant que la mort me prenne.

Kaito et Kyoko sont deux adolescents qui habitent l'île d'Amami Ohshima, au sud du Japon. Les tropiques. Vagues plongeantes. La serre chaude d'une végétation langoureuse et languissante. Un soir, Kaito aperçoit un homme noyé, à fleur d'eau ; de son côté la mère de Kyoko est condamnée à court terme. La mort: thème principal du film. Comment vivre en sachant cela, en sachant que l'on va, que l'on peut à tout moment, finir comme cette chèvre blanche, pattes liées, tête en bas, qu'un grand-père égorge en début de film ? Comment ? En baisant (Kyoko); en pratiquant le surf (le père de Kyoko); en baisant... encore! (la mère de Kaito; tiens... serait-ce le début d'une constante, d'un lien entre sexe et femme, dans ce film, dans l’œuvre de la cinéaste, que je découvre seulement? Laissons, une seconde, la parole au grand Schopenhauer : cette crainte (de la mort)ne dérive nullement de la connaissance, car elle proviendrait alors de la valeur bien reconnue de la vie; mais elle prend directement sa source dans la volonté, elle procède de la nature primitive de la volonté, de l'état où, dépourvue de toute connaissance, cette volonté n'est qu'un aveugle désir de vivre. C'est le penchant tout illusoire vers la volupté qui nous attire dans la vie; c'est de même la crainte à coup sûr tout aussi illusoire de la mort qui nous y retient. Les deux tendances naissent directement de la volonté. Les femmes représenteraient-elle le pôle de la volonté pour la réalisatrice?) ; en fuyant à Tokyo (le père de Kaito: boissons, noctambulisme, tatouages de dragon); où bien en s'empêtrant dans des méditations pseudo-contemplatives, buboniques, qui font de nous des vipères (Kaito)?
J'ai bien aimé le film. Un film est beau, sur le plan formel, quand certains plans hantent notre mémoire, y éclosent soudain et coupent, en générant un filtre de rêve devant nos yeux, l'éparpillement quotidien de nous-même au sein du monde. En l'occurrence: cette route à multiple dos de chameau, en ligne de fuite, sur laquelle tombe un rideau de chaleur qui la fait vibrer, et qu'entrecoupent les lames émeraudes des plantes sur le côté. Ou encore ce plan: Kaito et Kyoko s'embrassant, coulés à demi dans l'obscurité nocturne, assis sur le banc devant la maison, sur la droite, tandis qu'à gauche part la route qu'une lumière arrose. Un tableau. Il y en a quelques autres encore.
Sur le plan de la narration, on regrettera certains dialogues, leur consonance métaphysique en carton légèrement pâte, puis le rôle un peu caricatural, et attendu, de Kaito en ado mi-torturé mi-rebelle ; l'ombre de Sasuke plane sur lui lol.
Bon moment sinon, qui me donne envie de découvrir d'autres films de Naomie Kawase.

Thmistocle
7
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le 16 sept. 2018

Critique lue 280 fois

Thémistocle

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