Black Mass (re titré en France Strictly Criminal) est un très bon thriller (biopic) américain écrit et réalisé par Scott Cooper, d'après le livre Black Mass: The True Story of an Unholy Alliance Between the FBI and the Irish Mob de Dick Lehr et Gérard O'Neill... qui met en scéne (contre toute attente) un excellent Johnny Depp qui joue James J. Bulger le chef présumé du Winter Hill Gang, une organisation criminelle irlando-américaine basée à Boston, Massachusetts (qui beaucoup inspiré Martin Scorsese pour son film Les Infiltrés) qui a servi d'indic (enfin presque) pour John Connelly (joué par Joël Edgerton) un ami d'enfance devenu agent du FBI... lequel va faciliter son ascension dans le monde de la pègre... Mais il est aussi le frère aîné de William Michael Bulger (joué par l'excellent Benedict Cumberbatch) le président du Sénat du Massachusetts....
Le gangster inhumain joué par Jack Nicholson dans Les Infiltrés, de Martin Scorsese, s'inspirait déjà, en partie, de James Bulger un caïd de Boston, toujours en vie (86 ans), mais en prison depuis 2011, fut le responsable d'innombrables meurtres et de toutes sortes de trafics, des années 1970 jusqu'à la fin du siècle. La clé de son invulnérabilité ? Une protection du FBI, en échange de son aide dans l'éradication de la mafia italienne... Plus un petit frère président du Sénat du Massachusetts. Autant de soutiens qu'il conduira à leur perte.
Avec les films de Scorsese, Black Mass partage aussi deux thèmes : le sentiment de toute-puissance qui gagne le héros et la confusion entre flic et voyou. L'interlocuteur de James Bulger au FBI est un ami d'enfance joué par un pas trop mauvais Joël Edgerton (contrairement au Exodus: Gods and Kings de Ridley Scott ou il jouait un médiocre Ramsès...), fasciné. De sorte que le partenariat entre les deux hommes fait peu à peu déraper l'agent fédéral.... Au tout premier abord, Black Mass est un film inconfortable, parce qu’on se demande l’intérêt de raconter le cas de Bulger, un voyou psychotique déplaisant. Mais progressivement, un tableau complexe se révèle avec clarté, derrière une apparence classique. Sans recourir à la psychologie ni aux explications, Scott Cooper pose la question des voies mystérieuses du destin, en révélant les rapports de Bulger avec son frère sénateur. Comment deux hommes élevés dans les mêmes conditions ont-ils pu suivre des routes si radicalement opposées? Le mécanisme de la corruption est lui aussi détaillé avec minutie à travers le parcours malheureux d’un agent fédéral dérouté par sa propre fausse bonne idée. Excellent directeur d’acteurs (casting complété par Kevin Bacon qui joue Charles McGuire (le chef de John Connelly)... Peter Sarsgaard qui joue avec froideur le gangster Brian Halloran... Rory Cochrane qui joue Steve Flemmi (le bras droit armé de Bulger).... Adam Scott qui joue l'agent du FBI Robert Fitzpatrick... David Harbour qui joue l'agent du FBI John Morris (le collegue de Connelly)... et Corey Stoll qui joue le procureur Fred Wyshak...), Cooper orchestre un ensemble puissant, dominé par Johnny Depp dans un rôle qui représente une véritable résurrection artistique. À plus d’un titre, il est le centre de gravité d’un film de gangsters qui se démarque de ceux de Scorsese : ici, le thème n’est pas la séduction du mal, mais son pouvoir d’attraction. En aspirant et en détruisant ceux qui l’entourent, Bulger est une fascinante masse noire qui justifie totalement le titre original (Black Mass), bien plus parlant que le trop réducteur Strictly Criminal... Mais par contre, le réalisateur Scott Cooper se saisit de la figure mythique du gangster pour livrer un film sans personnalité ou figure les œuvres déjà montrer par Francis Ford Coppola, Martin Scorsese et Brian De Palma.... Dommage.