Franco Giraldi, critique de cinéma italien puis scénariste et cinéaste dont on évoque rarement le travail aujourd'hui met en scène en 1966 son troisième western intitulé Sugar Colt.
A cette période le western spaghetti vit ses plus belles heures, marquées notamment par le succès du classique de Léone Le bon, la brute et le truand qui incarne la quintessence du genre à l'européenne.
Giraldi a d'ailleurs été assistant réalisateur du maître sur le tournage de Pour une poignée de dollars et l'influence de ce dernier est notable.


Nous sommes en 1866 sur le territoire du Nouveau Mexique et la Guerre de Sécession est terminée, voyant la victoire des Etats du Nord sur la Confédération. Un régiment de ces yankees rentre du front et tombe dans une embuscade à la dynamite. En résulte de lourdes pertes et les survivants sont pris en otage par des hommes aux intentions malsaines qui ne tarderont pas à réclamer rançon.
C'est à ce point qu'intervient le personnage principal incarné par Hunt Powers ( de son vrai nom Jack Betts ) qui est chargé de résoudre l'enquête.
D'entrée le ton est donné, Giraldi semble adresser un petit pied-de-nez au genre américain. Ici l'histoire et les mythes de l'Ouest ne nous intéressent pas. Dans ces terres sans loi il n'y a que des crapules et point de valeureux cow-boys !


Tout au long du film le réalisateur tend à latiniser le genre, en le déconstruisant quelque peu mais surtout en y instaurant une tonalité baroque héritée de l'esthétique de l'opéra, à l'instar de ce que faisait Sergio Leone. Évidemment dans des propositions très moindres mais cela est tout de même perceptible notamment dans la très belle séquence de la procession funèbre où le lyrisme est très prononcé.
Cela se retrouve également dans le travail sur la musique de Luis Bacalov, compositeur célèbre notamment pour le thème du Django de Sergio Corbucci. Il signe ici une bande originale diablement efficace et illustrative.
Le gunfight final est lui aussi très marquant. Outre un dynamisme dans la mise en scène et le montage que n'auraient pas renié bon nombre de productions de genre américaines, la séquence est également très poétique lorsque le principal antagoniste se retrouve encerclé par la troupe des soldats de l'Union aux corps meurtris et à l'allure fantomatique, presque des zombies de Romero avant l'heure.
Le dynamisme, nous l'avons dit, est un mot qui définit admirablement l’œuvre de Giraldi tant celui-ci prend plaisir à multiplier les registres. Il est ainsi très fantaisiste et l'humour à travers quelques scènes fonctionne admirablement ( « l'association de défense du droit des femmes », le déguisement du personnage principal, le pugilat...) sans toutefois dénaturer ou alourdir la dramaturgie du film, c'est notable.
En parlant de femmes, cela permet de rebondir sur le traitement adressé aux personnages et en particulier aux deux protagonistes féminins qui sont loin d'être les potaches habituelles du genre quand celles-ci sont présentes. L'Ouest étant habituellement un territoire macho et viril, leur psychologie et le traitement qui leur est infligé est valorisant.
Les seconds rôles, très importants dans le genre ne sont pas négligés et on a le droit à notre lot de « sales gueules ». Hunt Powers est lui même très convainquant dans la multiplicité des styles malgré un physique au premier abord qui ne semble pas être des plus adéquats.


Le film dispose également d'une très belle photographie. Un reproche que je fais habituellement aux westerns spaghettis concerne les prises de vues des films qui semblent relativement identiques d'un film à l'autre. Cela peut s'expliquer d'un point de vue géographique. L'Italie ou l'Espagne, lieux habituels des tournages n'offrent certainement pas la même variété et abondance de paysages désertiques et rocailleux propices aux tournages que les terres américaines. De plus le genre reste relatif à la série B donc le budget technique est généralement moindre.
Quoiqu'il en soit c'est un défaut assez anecdotique quant à l’intérêt des films mais il est tout de même plaisant ici de constater ce travail sur la photographie notamment par l'utilisation très propre du Techniscope et des grands angles qui donnent à ce Sugar Colt un beau cachet visuel.


Voilà donc un film fort agréable que je conseille à tous les amateurs de westerns spaghettis ou plus généralement de cinéma bis. Cocktail de tout ce qu'on aime retrouver dans le genre, je trouve étonnant le fait qu'il ne soit pas plus valorisé chez les aficionados.

Zoumion
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le 2 avr. 2017

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