Voilà un film qui entre dans une catégorie très particulière pour moi.
D'un côté, intellectuellement, je sais qu'il n'est pas parfait, qu'il y a de petites choses qui ne vont pas dans la logique du scénario par exemple mais d'un autre côté, sentimentalement, je l'adore, mon coeur vibre de joie en le regardant. D'où une note, j'en ai conscience, très très optimiste.


La raison de cet amour est simple. En 1980 ou 81, lorsque le film est ressorti en salle en prévision de la sortie du n°2 (en effet, au siècle dernier, alors que la VHS n'était qu'un balbutiement et la diffusion télé par instantanée, les films ressortaient au cinéma), au début des années 80 donc, mon papa et ma maman m'ont emmenée voir "mon premier vrai film avec des vrais gens" (sic moi) et ce film, c'est Superman.
Voici donc sans aucun doute la source de mon amour des salles obscures, du grand spectacle, des musiques de film, des superhéros en général et de Superman en particulier. Superman, demi dieu au coeur tendre qui risque tout pour sa planète d'adoption, un homme bon jusque dans la moelle extra-terrestre de ses os, un héros positif et lumineux comme le soleil dont il tire sa force. Je n'ai rien contre Batman, mais il pourrait sourire et sortir de jour de temps en temps.
L'impact a été tel que je me suis immédiatement mise à lire les comics sur ce personnage si droit et pur et qui cachait toute sa badassitude sous des lunettes, et je ne me suis plus arrêtée depuis.


Je l'ai revu hier soir, parce que je ne peux pas louper une rediff, et l'effet sur mon rythme cardiaque et mes émotions est toujours le même.
La musique sublime de John Williams (l'une de ses meilleures, l'une des plus iconique en tout cas) provoque une bulle de bonheur exponentielle dans ma poitrine (un peu comme la musique de Star Wars qui me met en apnée) qui ne cesse d'augmenter au fur et à mesure que le film progresse.


Donner avait prévu, c'est connu, 2 films et ouvre le premier avec le début du second. Assez gonflé pour l'époque mais donne aussi à voir la société kryptonienne. Avec cette scène et la suivante où le conseil pédale dans la semoule de son orgueil, on a tout compris de Krypton : son avancée technologique, sa société politiquement équilibrée mais aussi sa vanité, son fatal aveuglement face à la réalité qui la rattrape (métaphore évidente du monde à la veille de la seconde guerre mondiale lorsque le comics parait pour la première fois en 1938).
Il consacre ensuite, chose impensable aujourd'hui, une très longue section à la jeunesse de Clark, son éducation par Jor El dans la Forteresse de Solitude et arrive enfin à Métropolis au bout de presque 50 minutes.
On rencontre donc Clark Kent adulte à la moitié du film et il faudra attendre encore pour voir Superman en action, si on laisse de côté cette merveilleuse scène de transition au départ de la forteresse où Superman vole, il vole pour de vrai !!! (Chris Reeve a provoqué le virage lui même en arquant son corps, ce n'est pas de la CGI, c'est du travail physique et ça marche, la magie opère en un instant).
En parlant de Christopher Reeve : comme David Tennant est mon Docteur, Chris Reeve est mon Superman. Il l'est à un tel point qu'enfant, je pensais que les comics étaient dessinés à partir de lui tant il était impeccablement similaire au dessin. Qu'un être humain aussi parfait existe tient du miracle et en plus c'est un bon acteur. Sa composition de Clark Kent est subtile et hilarante. Outre les lunettes, Reeve travaille sa posture, sa voix et sa gestuelle pour créer un alter ego crédible. Quand à son Superman, calme, confiant et au regard hypnotisant, il est parfait (mais je crois que je l'ai déjà dit)
Il arrive même à être crédible avec son slip par dessus sa combi moulante! C 'est dire le charisme du gars!


Donner fait donc le pari que son audience va attendre 50 minutes pour voir son héros et il a raison. Quand Superman apparait, on sait qui il est, quels sont son parcours et ses motivations. Le réalisateur peut donc se consacrer à Luthor&Co et il le fait avec humour. Le décors de la base sous-terraine de Lex est intéressant et plein de recoins, idéal pour abriter la mégalomanie du personnage et contraste intelligemment avec les champs de blé du Kansas et la Forteresse à l'architecture épurée opposant ainsi les 2 personnages.


Les effets spéciaux aussi tiennent bien la route, que ce soit les scènes de vol ou bien la destruction de la faille de San Andréas (j'adore ce plan d'ailleurs, c'est machiavélique et cruel à souhait tout en étant cartoonesque).


Donner maîtrise bien son film et si au standard actuel le début est trop lent (et ce n'est pas faux) il faut bien songer qu'il pensait son long métrage sur 2 opus et cette intro en devient d'une durée logique sous cet éclairage.
Il situe également le film dans une sorte de bulle intemporelle. Certes ce sont les années 70 (bonjour les coupes de cheveux et les pattes d'eph), quelques dates sont citées comme la date d'arrivée de Kal El sur terre : 1948. Mais visuellement, on est plutôt dans les années 30/40. La tenue de Clark avec la veste large et le chapeau est directement tirée du comics et les tenues de Lois Lane sont d'un style retro assumé.
Tout cela se mélange sans problème.


Côté casting on a du lourd, du très lourd.
Marlon Brando est géantissime en Jor El. La scène où il dit au revoir à son fils tout enfant me brise le coeur à chaque fois. Le reste du temps, il ne sait manifestement pas de quoi il parle ou dans quel film il joue mais il le fait tellement bien qu'on croirait qu'il est à fond dedans. Il fournit une figure paternelle imposante.
Gene Hackman offre un Luthor mégalo, brillant et psychopathe dont l'apparente bonhommie et le sourire n'arrive pas à cacher la menace.
Margot Kider est très bien en Lois Lane, incarnant parfaitement l'archétype de la femme forte et indépendante qui vit le jour dans les années 30. Elle allie à merveille bagout et innocence.
Tout le reste de la distribution est impeccable de Glen Ford en Papa Kent qui réchauffe le coeur à Valérie Perrine en Melle Techmaker pas si bête qu'elle n'en a l'air.


Même en enlevant une minute mes lunettes roses, ce film tient la route, à quelques détails près tels que :
Comment Lex sait-il que la kryptonite est toxique pour Sups?
Le retour dans le temps en faisant tourner la terre à l'envers? Vraiment?
Les paradoxes qui trouvent leur origine dans ce deus ex machina.
Pourquoi le cristal contenant toutes les connaissances de son père est-il vert? Couleur associée à la kryptonite (la plus reconnaissable en tout cas)?


Mais je vois aussi une métaphore christique pas passée à la truelle qui ne se laisse voir que si on a envie de la voir, n'imposant pas sa vision du personnage au spectateur; une Métropolis New Yorkaise grouillante comme une fourmilière fournissant un contraste bienvenu avec la première partie du film et expliquant que Clark puisse se fondre dans la masse; des plans grandioses de champs de blé qui ouvrent vers un avenir sans limite (oui Man of Steel et consorts, c'est comme ça qu'on fait), un combat des figures paternelles dans le coeur de notre kryptonien préféré et son côté humain qui gagne à la fin sans pour autant manquer de respect à Jor EL; un personnage dont la double identité est rendue crédible par le jeu de son acteur plus que par ses accessoires.


Tout ça pris en considération : ce Superman reste la meilleure version cinéma du personnage et de son histoire.


Voilà, Ce film n'est pas parfait mais je n'arrive, ni ne veut lui reprocher quoi que ce soit parce qu'il me rend heureuse.
Je n'oublierai jamais ce moment où, dans la grande salle de cinéma, le générique a commencé sur quelques notes sourdes de la section alto comme un battement de coeur et où les noms défilaient comme des astres étincelants pour finir en apothéose sur ces fameuses notes de cuivre qui DISENT littéralement Superman avec le grand S sur fond de petites étoiles.


Je vais arrêter là avant de dédier un quatrain aux yeux de Chris, à sa bouclette et à la crinière neigeuse de Marlon Brando.

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le 14 févr. 2019

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Anilegna

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