Œuvre mal dégrossie si on la compare rétrospectivement aux derniers films d’Audiard, Sur mes lèvres balance entre défauts que le réalisateur parviendra gommer dans Un prophète ou De rouille et d’os et qualités qu’il sublimera. Tout est là mais pas tout à fait.
Les films d’Audiard parlent tous de la même chose : la faculté d’adaptation d’un individu dans un milieu qui lui est hostile et étranger. Paul sort de prison et doit se réinsérer par le travail ; Carla, secrétaire dans une société immobilière, va apprendre les us et coutumes des petits malfrats. Rencontre improbable, sexuelle et cannibale, où la domination se perd et se reprend et où l’instinct de survivre des personnages prend le dessus sur la morale.
De ces rencontres, comme s’il entrechoquait ses personnages à pleine vitesse, Audiard tire toujours quelque chose d’à la fois fragile et fort. Son style est direct, sec et violent mais toujours à fleur de peau. Un physique costaud peut s’effondrer comme un château de cartes et une frêle silhouette montrer force et détermination.
Le film fonctionne sur ces oppositions, ces inadéquations et ces retournements de situations. Paul devra s’adapter au monde du travail, standardisé et codifié et Carla au monde louche et dangereux de la nuit.
Pour autant, Sur mes lèvres ne marche pas aussi bien qu’Un prophète, De rouille et d’os ou même De battre mon cœur s’est arrêté. Audiard compose avec le film de genre (ici le polar, plus tard le film de prison ou le mélo) mais souligne parfois trop ses intentions, par la musique ou par des effets, sonores et visuels, et perd quelques personnages en route (l’amie de Carla et surtout le contrôleur judiciaire de Paul). On voit un peu trop les coutures du scénario, sa fabrication et les béquilles.
Rétrospectivement, Sur mes lèvres n’est pas une claque à la hauteur de celles qu’Audiard assènera au spectateur avec De rouille et d’os et surtout Un Prophète. Malgré de grandes qualités, un trouble et une intensité perceptibles, tout y est encore un peu trop balisé et bien rangé. Sur mes lèvres est un beau film, dur et attachant, annonciateur des grandes œuvres à venir du réalisateur.
TheGreatGatsby
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le 3 juin 2013

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