♪ En rouge et bleu, couleurs qui font peur ♪

Bien que le genre de l'épouvante soit parfois boudé, car il est souvent mal représenté et très codifié aujourd'hui, c'est bien la peur qui a permis de réaliser parmi les plus belles claques esthétiques du cinéma. De l'expressionnisme de Nosferatu dans les années 20, du satanisme dérangeant de Rosemary's Baby, de la violence de L'Exorciste, de l'esthétique du sang de Carrie ou de tout le catalogue de Mario Bava, Suspiria retiendra bien des leçons. Et bien que ce ne soit pas du tout le premier giallo, c'est un représentant majeur du genre.


Suspiria marque l'apogée du style d'Argento, dont la réputation commencera à décliner à partir de la fin des années 80. Il est vrai qu'aujourd'hui, un film usant des mêmes procédés que Suspiria pourrait s'apparenter à une série B assez mal fichue. Mais dans ce film, Argento parvient, en plus d'être innovant à l'époque, à installer une atmosphère des plus étranges. Qu'on ne me dise pas que Shining, et j'irai même jusqu'à dire Twin Peaks, n'ont pas puisé un tant soit peu dans ce film.


Usant régulièrement de couleurs primaires, dans des plans parfois monochromes, Suspiria ne lésine pas sur les éclairages criards qui fondent son esthétique si singulière qui pallie la platitude du scénario en rendant les scènes d'angoisse plus envoûtantes qu'effrayantes.


Pourtant, le film fait assez peur, incontestablement, et encore aujourd'hui. Mais étrangement, ça ne vient pas tant des scènes de meurtres ou d'infiltration. C'est toute l'ambiance du film, et tous ces moments de dialogues insouciants étrangement filmés, avec une vue subjective inquiétante, un cadre étouffant ou de légers zooms menaçants, qui suggèrent une menace omniprésente et immatérielle.


Argento faisait déjà preuve d'inventivité, dans par exemple Le Chat à neuf queues - qui cependant souffrait d'un scénario faiblard et un dénouement décevant - et Suspiria ne cesse de pousser plus loin d'expérience visuelle et sonore. C'est justement cette atmosphère qui entretien le mystère et permet une véritable accroche.


Certes, beaucoup de choses ont vieilli - même en comparaison à Shining, autre film de maison hantée culte de la même époque - notamment l'esthétique du giallo, avec ce sang rouge vif qui suinte sur de gros plans qui nous rappellent que ce genre prestigieux appartient bien aux séries B, ou le dénouement banal et utilitaire. Mais tout cela accorde au film un charme très seventies, doublé du charme inné de Jessica Harper, et après tout, lorsqu'on visionne un tel film ce n'est pas tant l'histoire contée que l'expérience sensorielle qui importe.

Monsieur_Cintre
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le 30 nov. 2020

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Monsieur_Cintre

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