Suspiria met en scène une jeune femme qui intègre une prestigieuse école de danse à Fribourg en Allemagne, qui se révèle être le théâtre d'étranges évènements.
Avant de commencer cette critique, il faut bien garder à l'esprit que le film a bientôt quarante ans. Si cela ne l'excuse pas d'avoir vieilli, on pourra quand même lui pardonner quelques (petits) défauts esthétiques.
Je commencerai donc par là : l’esthétique du film, et en relisant ma précédente phrase, je me rends compte qu'elle n'a peut-être pas lieu d'être. Car en dépit de son âge, le film reste très cohérent visuellement, l'alternance entre des plans aux couleurs très vives et d'autres très sombres voire volntairement peu éclairés participe à l'ambiance insoutenable et aide même au développement de l'intrigue. J'ai en tête la scène du dortoir de fortune après l'invasion de vers, éclairée de rouge et jouant sur les ombres des personnages pour inspirer une insécurité, un malaise qui revient sans arrêt dans le film.
Et plus que l'intrigue qui est assez basique (même si la fin apporte une lumière fantastique nouvelle sur les évènements passés du film), c'est bien cette ambiance qui bouscule le spectateur. Le maître Dario Argento a encore frappé, l'imagerie est très travaillée, très suggestive sans donner trop d'indices, et nous progressons au même rythme que l'héroïne dans le film. Les plans gorgés d'ombres qui souillent les plans lumineux et colorés donc, créent un décalage assez inquiétant, mais ce à quoi j'ai été le plus réceptif est cette bande originale de fou furieux signée Goblin. Le thème du film (Suspiria de Goblin, facilement accessible sur Youtube) et le son de boîte à musique sur un "la la la" chuchoté des enfers revient très souvent et Dieu qu'il est malsain ! Il a le don de mettre mal à l'aise, et fonctionne à merveille sur les plans sombres.
Petit bémol qui justifie mon 8/10 (j'ai longtemps hésité avec 9) : quelques longueurs de narration. Les dialogues sont un peu tirés en longueur et très indirects voire obscurs, j'ai parfois eu l'impression que le film essayait d'accomplir quelque chose qui ne lui ressemblait pas. Après y avoir réfléchi une deuxième fois et revisionné des passages du film, j'ai pensé que le réalisateur a mis en scène des "ralentissements" consciemment, ils participent au côté pesant, lourd du film, mais peut-être en a-t-il abusé.
Je conclurais cette critique en évoquant certains autres commentaires à son sujet : beaucoup rapprochent son esthétique à celle d'un Lynch, et à tort d'après moi. J'apprécie beaucoup les deux réalisateurs, et en voyant des critiques les comparer je n'ai pas pu m'empêcher de me poser la question. Plus que se ressembler l'un l'autre, je pense qu'ils exploitent tout simplement un filon commun : le malaise à l'écran et également une imagerie très seventies dans leurs films de la même période. Suspiria sort en 1977, comem Eraserhead de Lynch. En revisionnant le passage des vers dans Suspiria, l'évidence saute aux yeux : ce n'est pas une copie de Lynch, ni un hommage ni quoi que ce soit : c'est tout simplement une idée de mise en scène d'ambiance décalée et gênante, qui exploite une imagerie très symbolique des années 70.
Je vous laisse avec la bande originale : https://www.youtube.com/watch?v=pins1y0XAa0 et je ne peux que vous conseiller Opera du même Dario Argento.
pierrecomm
8
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le 14 nov. 2014

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