Swallow, de l’américain Carlo Mirabella-Davis, est ce genre de films qui vous captivent dès les premières secondes. Un homme (David Rasche) porte un toast à son propre fils Richie (Austin Stowell) qu’il vient de promouvoir directeur général de sa propre entreprise. La lumière est très intime, le toast aussi : on est entre « happy few ». D’emblée, le personnage joué par David Rasche attire une violente antipathie. Il traite sa belle-fille Hunter  (Haley Bennett) comme une moins que rien. Richie, le jeune promu, bien que soi-disant amoureux, n’est pas moins condescendant.


Le couple s’est vu offrir par les parents une merveilleuse maison digne des catalogues les plus hype. Hunter s’y retrouve toute seule toute la journée dont le point d’orgue est la préparation des repas du mari. L’actrice personnifie parfaitement cette femme seule, isolée, méprisée de tous (sa belle-mère rentre chez elle comme dans un moulin, sans prévenir et avec sa propre clé). Haley Bennett offre un visage parfaitement lisse, imperméable, qui simule un bonheur bien loin d’être là.


Quand ils apprennent qu’un bébé est en route (« we are pregnant » annonce Richie à sa maman la reine mère, une expression controversée Outre-Atlantique, car pouvant apparaître confiscatoire d’un événement - la grossesse - qui n’appartient qu’à la femme), les choses se gâtent. Hunter ne se départ pas de son éternel visage lisse, presque inexpressif, en découvrant sa grossesse. Richie et ses parents, de l’autre côté, la chosifie plus que jamais, elle qui n’est que la porteuse du « futur PDG de l’entreprise familiale », comme le beau-père aime à fanfaronner. Hunter commence alors à ingurgiter des objets hétéroclites, tous plus dangereux les uns que les autres. Les raisons de ce comportement sont obscures, du moins dans cette partie du film. Quand le mari et ses parents découvrent la situation lors d’une simple échographie, la réponse de ces derniers est à la hauteur de leur condescendance. Interrogée par une thérapeute qu’on a collée à ses basques, Hunter dira que c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour avoir l’impression d’exister,  d’avoir le contrôle.


Swallow. En plus d’avaler les multiples couleuvres jetées par sa belle-famille, une grande bourgeoisie condescendante et hypocrite, Hunter avale donc - et restitue – toutes sortes de choses menaçant son intégrité physique et celle de l’embryon qu’elle porte. Son comportement extrême ressemble à du désespoir que la deuxième partie du film s’évertuera à essayer d’expliquer en déterrant un traumatisme ancien. On ne peut s’empêcher de penser à la Marnie de Hitchcock. Mais le ressort du suspense hitchcockien ne fonctionne pas très bien ici. A la différence de Mark Rutland, personnage de Sean Connery, qui aime véritablement Marnie et qui veut la sauver d’elle-même et de ses démons, Richie n’est d’aucun secours pour sa femme, bien au contraire. Autant Mark fait tout pour extruder la vérité de Marnie, faisant ainsi tout l’intérêt du film, autant personne n’est intéressé à aider Hunter à sortir sa vérité, pas même la mauvaise thérapeute dont la seule mission est en réalité de rapporter tout ce qu’on lui confie à ses employeurs. Du coup, les révélations arrivent un peu comme des cheveux sur la soupe, sans aucune force narrative, ce qui gâche beaucoup l’ambiance de la première partie du film bien plus maîtrisée.


Swallow est un film hybride qui tire vers plusieurs côtés à la fois. D’une part , il est une sorte de film social montrant l’emprise d’une bourgeoisie dominante et dominée par sa conscience de classe sur une fille du peuple à qui on assène « Fake it till you make it » (ce qui est important c’est de faire illusion), et en cela , le film est très bien réalisé, dans le bon rythme et le bon contenu narratif. D’autre part, le cinéaste suit l’intrigue du traumatisme ancien et de ses conséquences présentes sur la vie de Hunter, dans une partie un peu précipitée et qui n’est pas complètement à la hauteur de la première. Et enfin, une dernière séquence qui vient rebattre les cartes en reliant les deux parties, tout en apportant un éclairage définitif à l’ensemble. Le film a assurément des qualités ;  c’est dommage que Carlo Mirabella-Davis n’ait pas réussi la synthèse de son film ; il aurait gagné en puissance…


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Bea_Dls
7
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le 13 févr. 2020

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Bea Dls

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