Takeshis'
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Takeshis'

Film de Takeshi Kitano (2005)

Kitano est une star du film de yakuzas. Son vieux complice, Susumu Terajima, lui présente un sosie qui mène une vie minable. Le sosie travaille dans uns supérette où il doit porter un uniforme ridicule. Il rêve qu'il joue Takeshi. Il se présente à une audition pour jouer un chef de boutique de ramen borné. Il n'est pas pris. Il perd au mah-jong face à des yakuzas. Décide de devenir chauffeur de taxi. Prend dans la même course nocturne un couple de gros rigolos, puis une danseuse No et son agent. Ils doivent zigzaguer au milieu de cadavres étendus sur la route. La voiture sombre dans le vide avec un plan fisheye : c'était un cauchemar. De retour dans sa supérette, il croise un client qui lui offre un beau bouquet et lui fait une déclaration. C'était aussi un rêve. Il cache dans les toilettes un homme pourchassé par des yakuzas et blessé. Il ramène les armes chez lui, se débarrasse du corps dans la poubelle. Au restaurant de ramens, nouvelle scène étrange, impliquant des spaghettis trop poivrées et un clown. Il essaie de tuer les restaurateurs, mais le flingue est faux. Sur son pallier, son pote lui demande s'il a obtenu un rôle. Il répond que oui, un rôle de yakuza, et sort le flingue. Le coup part et tue son ami. La copine, émoustillée, couche avec lui. Il fait un carnage au mah-jong. Braque une banque avec la fille.


Suivent des numéros de music-hall (une chenille qui fait des claquettes, la chanson du pauvre journalier, breakdance du mec ensanglanté). Un artiste tire dans la foule, contre le sosie et la fille, qui étaient là. Le sosie tue tous les méchants, bien alignés sur la scène. Ils planquent la Porsche sous un pont ferré, mais les méchants les retrouvent. Les éclairs des yakuzas qui leur tirent dessus (sans effet) prennent la forme de constellation (la Grande Ourse, Hercule...). Le couple va à la plage. La fille improvise une chorégraphie avec un ballon. La fille part avec son copain bizarrement ressuscité, et le sosie tue à la mitraillette les effectifs de police (qui incluent des gens très disparates) qui essaient de le cerner. Il meurt bravement pour venger le meurtre d'une fan. Tout cela était un rêve : de retour à la supérette, le mec ensanglante tambourine sur le comptoir en demandant les toilettes. Le sosie prend son flingue et le tue. Mais tout cela n'était qu'une scène de cinéma. Tout le monde applaudit et donne un bouquet à Kitano (ou son sosie ?). Rentré chez lui, le sosie voit la dédicace que lui a signé Kitano au début : "à M. le clown". Il prend un couteau, va tuer Kitano et semble le remplacer dans les films, ou finir dans un fantasme de tuerie.


Vous l'aurez compris, dans ce film Kitano démonte l'aura qui s'est créé autour de lui en figure de Yakuza, en imaginant un autre lui-même qui prendrait au sérieux ces images. Dès le début, on a affaire à une scène d'impasse mexicaine, improbable et parodique dans sa surenchère (les mecs se tirent dessus à répétition à quelques mètres, au ralenti). Mais même les éléments novateurs de Kitano sont ici réintroduits de manière forcée et délibérément artificielle : la poésie de la scène de plage, évidémment condamnée. Le casting est réutilisé ad libitum, dans une série de rôles improbables (notamment cette casteuse démoniaque et maniaque du rendu de monnaie).


Au début, lorsque le personnage fait encore la distinction réel/fiction, on a beaucoup de plans très courts montrant des fantasmes sur ses interlocuteurs. Puis le brouillage se fait de plus en plus présent, avec un grand nombre de scènes mémorables : Kitano qui tire depuis sa Porsche sur une grosse bagnole où sont entassés les seconds rôles, qui l'insultent, puis partent en marche arrière au ralenti. Les scènes guignolesques, art conceptuel, impliquant une chenille, qui inclue un numéro de claquetes. Le visage désarmant de Kayoko Kishimoto, votre visage est désarmant. J'aime particulièrement le plan tournant à la Matrix autour de Kitano tenant un bouquet, c'est un bon raccourci de ce qu'est ce film.


Takeshi's est une déconstruction burlesque du mythe de Kitano, qui souligne toute l'artificialité et la facilité du film de Yakuza. C'était une manière de brûler ses vaisseaux.


Du coup, le retour à ce genre de film avec le très mauvais Outrage me semble d'autant plus incompréhensible.

zardoz6704
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le 23 juil. 2017

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zardoz6704

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