Analyse d'un chef-d'œuvre par Hervé Kikifpa

Article écrit pour le webzine Beware : https://www.bewaremag.com/taxi-driver/


Rapide présentation de l’auteur :
Hervé Kikifpa est un célèbre boulanger français. Célèbre non pas pour sa baguette, pas plus dorée qu’une autre, mais pour avoir créé la fameuse revue de cinéma « Négatif » dont il est le rédacteur en chef depuis maintenant 30 ans. Dans un style emphatique qui lui est propre, Kikifpa se veut le défenseur d’une pensée juste, réfléchie et irréfutable. Allergique au bon goût, abhorrant le consensus, ce passionné de cinéma à contre temps est aujourd’hui la figure de proue d’un nouveau courant d’idées : le « OUI MAIS NON ».
Suite à ses récentes déclarations sur le film Mulholland Drive de David Lynch, « réalisateur culte pour un public inculte », c’est sous perfusion qu’il nous fait parvenir ses dernières analyses.


« Je me rappelle du dernier bon film que j’ai vu. À cette époque le minitel était l’avenir. » - Hervé Kikifpa dans ses mémoires Récit d'un incompris


La EUQITIRC d’Hervé Kikifpa :
Aujourd’hui à la boulangerie, j’ai croisé Xavier, le chauffeur Uber qui vient prendre son traditionnel croissant du matin. Le pauvre type avait les yeux fatigués d’une nuit de travail, le teint cireux, l’haleine encore chaude de clopes et de chewing-gum… Bref le genre de tête qui peut déprimer au réveil. Tout en cherchant sa monnaie, Xavier me faisait part de ses idées politiques pour redresser la situation économique, sociale… Écologique aussi je crois bien, enfin la totale. Faut dire qu’il avait le temps de cogiter la nuit alors des propositions il en avait, ça c’est sûr. Alors que je lui tendais son croissant chaud, il m’attrapa le bras et me coinça entre deux yeux ; « faudra pas s’étonner si un jour tout nous pète à la gueule ». D’un air entendu il m’a lancé un dernier regard, sérieux le gars, puis a tourné les talons pour s’allumer une clope sur le trottoir. Avant de disparaître dans la foule. Frappé par la puissance cinématographique de cette scène, l’évidence m’a sauté aux yeux : il fallait que je regarde Taxi Driver.


Scorsese n’est pas un petit joueur ça c’est sûr, même si sa fâcheuse habitude de nous foutre une voix-off commence à gratter les poils de l’oreille. Son goût pour les mafieux qui disent « fuck » à tout bout de champ peut fatiguer mais j’y vois l’expression d’un fantasme viril assez touchant finalement. Bien-sûr il faut piocher dans sa filmographie mais quand on cherche bien, entre un Casino beauf et hystérique ou un Raging Bull qui filme de la boxe comme si c’était du sexe, parfois on tombe sur des pépites comme Les Nerfs à Vif, remarquable film d’horreur. C’est donc l’esprit vierge de tous à priori que j’ai glissé le DVD de Taxi Driver dans mon lecteur. Grave erreur.


Je vous vois venir sur vos grands chevaux ! Je ne dis pas que c’est un mauvais film, loin de là, seulement beaucoup de choses ne vont pas. De là à dire que c’est nul il n’y a qu’un pas, mais que mon respect envers un tel cinéaste m’interdit de franchir. C’est comme ça, il y a des types qui pourrait filmer leur chien poser sa crotte dans l’herbe que tout le monde trouverait ça génial. Scorsese en fait partie, au même titre que son pote Coppola par exemple.


Pour commencer, toute l’histoire tient sur une incohérence telle que je me suis retenu de ne pas tout arrêter dès le début. Imaginez la scène… Un type vient vous voir pour se faire embaucher comme chauffeur de taxi. Alors vous lui posez la question qui brûle les lèvres de tout employeur qui se respecte: pourquoi vous voulez faire ce job ? Là le type, tout sourire, vous répond qu’il ne dort pas la nuit alors autant conduire. Et ça ne gêne personne ! C’est comme si un mec se proposait comme architecte parce qu’il adore les Kapla ; on ne peut pas appeler ça une situation rassurante. Mais passons, à une époque où tout le monde croit à un géant violet qui porte des bagues arc en ciel aux doigts et qui menace de détruire la Terre, mieux vaut arrêter de se battre.


Une fois qu’il a son beau taxi, de Niro se balade dans New-York et le pauvre est confronté à la violence, la pauvreté, la mort et le sexe. C’est sûr qu’il ne pouvait pas trouver mieux pour occuper ses insomnies. Là où tout le monde prend un livre lui il va essuyer le sperme sur la banquette arrière (c’est pas moi qui le dis, c’est lui). Chacun ses petits plaisirs. On commence à situer un peu le personnage puis tout devient clair quand il emmène la fille qu’il aime voir un porno. L’évidence me claque à la figure, en réalité ce Travis Bickle est totalement débile. Gentil mais simplet. Du coup Scorsese peut se planquer derrière sa débilité assumée pour nous faire passer tout et n’importe quoi. Le problème c’est que j’ai du mal à m’identifier à un neuneu présenté non pas pour ce qu’il, un neuneu donc, mais comme un paumé que le Vietnam a fracassé. Encore et toujours ce besoin de mettre de la profondeur là où on a pied. Pour ce faire on va filmer le blanc des yeux de de Niro, le rendre taiseux, mystérieux… C’est pas n’importe quel guignol, c’est un guignol qui en impose. Puis histoire de construire la légende, on laisse Robert improviser, se regarder dans le miroir et balancer un « You talkin’ to me ? ». Mais on oublie de préciser que cette phrase il l’a volé à Bruce Springtseen qui l’avait prononcé à un concert quelques semaines avant !


On va me dire que je cherche la petite bête alors pour arrondir les angles je ne parlerai pas de la coupe de cheveux d’Harvey Keitel. Encore mieux ! Je vais terminer sur une note positive : la musique de Bernard Hermann est chouette et fait passer la pilule. Mon conseil, si vous voulez voir Taxi Driver, fermez les yeux et écoutez.


Message de prévention à l’attention du lecteur :
Les propos d’Hervé Kikifpa ne sont en aucun cas ceux de Beware. Nous condamnons fermement les prises de position de l’auteur et présentons nos excuses à monsieur Scorsese, immense réalisateur. Si nous avons décidé de publier ce texte, c’est uniquement dans un souci de liberté d’expression, une valeur qui nous est chère.

GabinVissouze
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le 2 mars 2021

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Gabin Vissouze

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