Chine, IX ème siècle. Yinniang trahie par ses proches, est écartée de la famille royale. Elle revient. C’est donc une histoire de vengeance. La vengeance selon Hou Hsiao-Hsien. La vengeance qui à le ton du film d’auteur. C’est filmé au rythme de la Chine du IXème siècle, très calme, très lent. Les costumes d’apparat sont de sortie, dorures et soieries. L’histoire importe peu. Se sont tous des statues de terre cuites qui font la pose. Ils sont là, et s’exposent. Tout s’écrase au profit de la beauté du paysage extérieur, ou intérieur. C’est contemplatif, domestique ; les scènes d’intérieurs sont assez nombreuses. Yinniang, qui a été élevée par sa tante nonne, est devenue une tueuse. Une experte en art martial, et une artiste de l’Art du sabre. Tous les éléments sont là pour la belle grosse vengeance, mais toujours selon Hou Hsiao-Hsien. Il n’est pas avare en ambigüités ou ellipses, et est peu expressif. On n’y comprend pas toujours quelque chose, si tenté qu’il y ait du sens, ou un truc à comprendre. Un conte médiéval chinois, dont le sens se serait perdu au fil du temps, au profit de la balade dans le temps. Conte très formel, et fermé, come le visage impassible de cette femme à la beauté étrange, et toujours habillée en noir. C’est une tueuse qui exécute des contrats.
Elle doit tueur le gouverneur Ti Ji’an, mais échoue. Sa technique est parfaite, mais son âme n’est pas exempte de faiblesse, lui reproche sa tante. On pourrait en dire autant du scénario, poétiquement évasif, mais pas exempt de trous. Les scènes d’intérieurs éclairées à la bougie, ont de la gueule. Maîtrise du clair-obscur, et tons dorés, voire mordorés. Format carré qui fait petit tableau. Ancien. Film pour les puristes, voire les initiés, ceux qui y verront des symboles cachés, ou des références à la culture millénaire chinoise, aux secrets cachés, bien cachés. L’espace fermé ou s’exerce le pouvoir, n’est pas sans pénombre et faces cachées. Celui du gouverneur, jeune et impulsif, qui exile un vieux sage, trop timoré à son goût, sur un coup de tête, ou congédie une concubine, sur un autre coup de tête. Et le gouverneur se met en scène. Il danse. Il joue du tambourin. Le film est d’une élégance certaine. Les conseillers conseillent, les servantes servent, les épouses écoutent. L’espace du pouvoir est domestique, sans éclat. Et dans le noir surgit, glisse l’ombre de la tueuse, qui doit terminer sa mission. Mais n’attendez pas un film de sabre « classique ». C’est avant tout un film d’auteur, volontairement peu explicite. La femme en noir parle peu. Et s’éclipse vite.
S’il doit y avoir la scène attendu du combat, il va se dérouler en pleine forêt, au milieu d’une plantation de bouleaux, se sera beaucoup plus esthétique. Il faut reconnaître que la beauté des plans récupère un peu le film, si on résiste à la somnolence du début, qui semble durer, durer. Et soudain on sort. On voit le monde d’alors, monde fait de paysages inconnus :
Crêtes perdues dans la brume, beauté des vêtements, beauté des drapés, la danse, et les combats très courts, et graphiques. Hou Hsiao-Hsien ne donnera pas plus. C’est formel. La technique au-delà du suspense qui n’existe pas. Tous les personnages deviennent de plus en plus petits, comme perdus dans des paysages grandioses.
Et voilà que surgit (dont ne sait où), un alchimiste. D’où il sort celui-là ? Mon film de vengeance sans vengeance serait un exercice de style avec virtuosité, sans plus ? Voilà qu’intervient la magie noire,( ?). On baignait dans le mystère, et voilà qu’on tombe dans le film fantastique. De la magie, on passe à la cire de bougie, et on aboutit au spectacle tout court. Beaucoup de personnages qui ne font qu’apparaître, et ne laissent aucune trace. Seul résiste le lien secret qu’il y a entre Yinniang, et Ti Ji’an, le gouverneur qu’elle se refuse d’assassiner. Elle s’émancipera brutalement de la tutelle de sa tata, la nonne qu’on voit assez peu d’ailleurs. On n’ira pas plus loin. Le tableau semblait achevé, mais c’était une illusion. On n’en saura pas plus. Silence. Ellipse. Extérieur. Bleu du ciel, et broussaille couleur sépia. Une femme en noir s’éloigne, et son mutisme l’accompagne.
Ce n’était pas un film sur la vengeance. La vengeance c’est un leurre qui importe peu devant l’art, et la beauté des choses. Le sujet jamais épuisé de la poésie de l’instant, surtout s’il sert à nous est expédier dans la Chine du IXème siècle. Jouer le jeu du dépaysement absolu, qui va faire effet sur tous, même sur les chinois eux-mêmes, (le IXème siècle, c’est loin). Mais bon, quand même, la poésie ça sert un peu à l’échappatoire pour faire de la fumée, et nous perdre dans de la brume. Et le cinéma c’est avant tout un art de la monstration, de la « monstruosité ». Trop de tergiversations à la longue, sa ennuie de toute virtuosité, et la poétique va à la litanie. Le tableau semble inachevé. L’est-il ?