The Big Lebowski par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Il est probable que vous aurez du mal à trouver un type semblable au héros malheureux de ce film, Jeffrey Lebowski, qui trouve un malin plaisir à se faire appeler "The Dude". Ce personnage californien est vraiment cool, fataliste, très fainéant et excellent joueur de bowling, sa principale activité si je peux dire. Lui qui ne ferait pas de mal à une mouche va se trouver confronté à une situation peu banale, celle d'être cerné de près par les hommes d'un certain Jackie Treehorn. Ceux-ci lui apprennent qu'il est marié tout en lui assenant une raclée mémorable. Le pauvre Jeffrey va se retrouver dans un terrible pétrin, s'apercevant en fait qu'on le confond avec un homonyme milliardaire du nom de.. Jeff Lebowski et dont la femme est débitrice d'une très grosse somme d'argent envers Jackie Treehorn. Avec ses potes Walter et Donny, notre "Dude" va tenter de retrouver cet autre Lebowski, la source de ses tracas.


Si dans la rue vous croisez par hasard un type nonchalant avec des cheveux roux négligemment longs et aussi sales que sa barbe, portant de grandes lunettes sombres, affublé d'un bermuda, s'il est de plus amoureux non d'une femme mais de vodka au lait et d'herbe, vous aurez aperçu le portrait robot de Jeffrey Lebowski. Celui-ci est bien inoffensif lorsqu'il n'est pas accompagné de ses copains de bowling, le gros Walter, brave type peut-être mais grosse brute gueularde et maladroite dans tous les sens du terme et Donny, un gars plutôt sympa mais beaucoup plus effacé. Ce pauvre Jeffrey va se trouver donc victime d'une énorme coïncidence qui tourne de plus en plus au vinaigre. Lui qui a toujours vécu dans l'ombre va se trouver projeté dans une aventure délirante au cours de laquelle il va tenter de faire plaisir à tout le monde en mettant en exergue son honnêteté légendaire même lorsqu'il est sensé remettre une énorme somme d'argent à des gens peu recommandables.
Et boum ! lorsque la situation est périlleuse, son bougre de pote caractériel Walter envenime les choses. "The Dude" va traverser des épreuves rocambolesques toujours avec le même flegme et le même regard ahuri. On se dit que ces gens sans histoire finiront comme ils ont vécu, avec pour lui, son unique passion, les tournois de bowling. Là comme ailleurs dans les pires moments il est cool. Qu'il gagne, qu'il perde, il s'en fou pourvu qu'il ait la tranquillité, l'herbe et sa petite dose d'alcool. Il y a des jours où rien ne va et même quand rien ne va il n'en fait pas un drame. Cette brève période agitée de sa vie va ainsi s'écouler, Jeffrey Lebowski n'ayant pas le caractère à rendre les coups qu'il se prend. Il est comme ça "The Dude", il est spécial, unique et tellement unique qu'un homme se plaît à raconter son histoire. Il sera au moins arrivé quelque chose à Jeffrey Lebowski au cours de sa vie!


Nous voici embarqués par Joel Coen et son frère Ethan dans une histoire peu banale se déroulant dans un coin de Californie complètement désenchanté. Cette aventure étrange nous est relatée par un cow-boy, un vrai de vrai, à la voix nonchalante. Les dés sont jetés et cette manière originale de présenter le personnage du "Dude", son aventure et les conséquences qui en découleront, nous met immédiatement dans cette ambiance décontractée. On se laisse aller aux événements tous plus surprenants les uns que les autres.
La mise en scène est d'une grande efficacité et très créative avec pour exemple les suites imaginaires des KO subis par ce pauvre type, véritable "puching-ball". Le grand mérite de ce film est qu'il est jubilatoire, on ne s'étonne de rien en suivant cette histoire trouble, truffée de rencontres improbables comme le frétillant et provocateur Jesus Quintana, habitué du bowling, y passant son temps à rouler des mécaniques. D'autres rencontres troubles et inquiétantes vont également se passer dans des lieux absolument inattendus. Le drame entre aussi dans ce micmac mais nous en sortons par une pirouette où le rire l'emporte finalement sur l'émotion.
Les réalisateurs nous offrent une œuvre pleine de précision, une œuvre où chaque détail a son importance. L'action ne retombe jamais, bien au contraire. Les rebondissements les plus inattendus nous surprennent tout au long de ce film d'une folle originalité. Alors bien sûr "les deux frangins" nous ont fait ce cadeau royal en soignant leur réalisation autant que leur distribution. Jeff Bridges est extraordinaire dans le rôle titre. Ce "presque "clodo" trimbale sa carcasse mollassonne avec une rare dextérité. On le plaint, on le trouve sympa et on a envie qu'il sorte de ce bourbier malgré sa paresse légendaire. Il forme avec ses deux acolytes, cette brute de Walter, magnifiquement interprété par John Goodman, se disant parfois juif, parfois "Léniniste", adepte d'idées foireuses et le réservé Donny, Steve Suscemi, un fameux groupe de "Pieds Nickelés". A cette formation de bras-cassés ne pas oublier de signaler également l'étrange Jesus Quintyerra, frimeur invétéré vêtu d'une combinaison moulante fuchsia et très bien incarné par JohnTurturro. Ajoutons la troublante et énigmatique Maude Lebowski interprétée par la surprenante Julianne Moore. J'ai également un faible pour Sam Elliott, ce cow-boy à l'aspect et à la voix nonchalante qui nous narre la vie de "The Dude" et qui, jusqu'à la toute fin du film, nous fera de sacrées révélations.


Voilà, ces Messieurs Joel Coen et Ethan Coen m'ont encore régalé. Ils m'ont emmené dans un univers improbable, original, passionnant, parfois loufoque, parfois un peu émouvant. En fait ils ont fait de ces brutes des personnages fascinants et humains qui nous entraînent dans une folle comédie très travaillée, je dirais même ciselée de détails indispensables.

Grard-Rocher
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le 15 avr. 2014

Modifiée

le 13 avr. 2014

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