Dieu créa l'homme ; puis l'homme créa Internet…

Que sommes-nous ? Nous autres ; hommes, femmes et enfants modernes, toujours plus préoccupés par une vie toujours plus abstraite au sein d'une société de plus en plus individualiste qui ne voit pas plus loin que son smartphone où il est à même de gérer toute sa vie… Sommes-nous réellement humain ? Des animaux ? Eh bien je dirais que vu les circonstances de notre temps, nous sommes surtout des informations. Par exemple, les noms que nous donnons à nos enfants et qui les suivrons toute leur vie ne sont qu'une information permettant à un être vivant d'en identifier un autre. Mais plus que ça, dans cette époque sur-informatisée, notre existence toute entière se résume à quelques ensembles de lettres, de nombres et autres informations qui font de chacun de nous une personne existant dans la société.


Intrigue récurrente du genre Science-Fiction, mais surtout domaine de prédilection de la mouvance CyberPunk, la problématique de la relation entre l'homme et l'information n'a pas fini de faire couler de l'encre, ni de faire défiler du celluloïd. Mais bien plus qu'une base de fiction, ce thème a toujours été une problématique de l'humanité ; et elle a littéralement explosé avec la démocratisation d'Internet à partir du milieu des années 90. A partir de là, les dérives n'ont pas tardées. Nous en avons eu de fréquents exemples, de détournement de données, de piratage de compte personnel, etc. Mais considérons le fait suivant : et si ces actes que nous jugeons répréhensibles au plus haut point étaient faits pour notre bien ?


C'est en gros la problématique de "The Circle". Point de S-F ni de Cyberpunk ici puisque l'intrigue se veut contemporaine, et c'est ce qu'il fallait à l'histoire ; le film est donc un Thriller technologique, ou Techno-Thriller, dans la veine de "Hacker", ou de la franchise "Metal Gear". Nous suivons Mae, jeune femme vivant par intérim et cherchant un travail plus stable et plus important. Grâce à l'une de ses amies, elle va se faire embaucher par The Circle, une énorme entreprise d'informatique et de communication, leader des réseaux sociaux. Les dirigeants vont demander à Mae de participer à leur grand projet pour le futur : assurer une transparence intégrale des utilisateurs des réseaux sociaux.


L'intrigue n'est pas bien grosse ni très originale, mais il y a là le point de départ pour faire un excellent techno-thriller… Mais qu'est-ce qu'un thriller ? Le nom vient du terme "thrill" en anglais qui veut dire frisson ; par extension, un thriller est une œuvre dont le but est de vous donner des frissons…


Eh bah c'est loupé…


Pour commencer, l'écriture. Le scénario est très mauvais et j'en ai halluciné quand j'ai appris que c'était une adaptation d'un roman à succès ! Co-écrit par l'auteur en plus ! Je ne sais pas comment ils ont procédé à l'adaptation mais c'est loin d'être du bon travail. L'intrigue, qui «n'est pas bien grosse ni très originale» ne décolle jamais vraiment une fois qu'elle a été exposée, et s'en suit une banale suite d'actions qui ne servent qu'à faire avancer l'histoire jusqu'à sa fin. Si seulement ces actions s'enchainaient de manière fluide, mais non ! Elles sont incohérentes bien que le film soit linéaire ! On passe tout le film à se demander pourquoi les choses se passent comme ci ou comme ça… Et l'originalité n'est pas vraiment au rendez-vous non plus. On a l'impression de voir une histoire au croisement de grandes références. Il est impossible de ne pas remarquer beaucoup de "1984", un petit peu de "Ghost in the shell", pas mal de "The social network", ou encore de "Steve Jobs"…


Quant aux personnages, ils tiennent plus de la caricature. Tout comme le reste de l'écriture, ils ont trop grossiers pour être crédible ; et beaucoup trop absent, voire inexistants. Seul le personnage principal de Mae, interprété par Emma Watson, tient le film sur ses épaules ; les autres personnages ne font que passer et sont quasiment rendu inutiles par leur absence et leur manque d'importance dans l'intrigue. Du côté de l'interprétation, ce n'est pas folichon non plus. On ne peut pas en vouloir aux acteurs de ne pas avoir su quoi faire de tels personnages ; mais Tom Hanks n'arrive à amuser que deux secondes avec ses cabotinages, et Emma Watson a beaucoup de mal à se sortir de cette image de femme fragile qui ne fait que subir. Sn personnage manquait énormément de charisme, son jeu n'en a malheureusement pas ajouter. De plus ce personnage de Mae est aussi incohérente que l'histoire. Je vais éviter de révéler quoi que ce soit ; mais au début du film, elle semble choquée de la proposition d'une collègue de travail sur la collecte d'information, et plus tard dans le film, c'est elle qui va plus loin… Comme c'est présenté dans le film, ça n'a pas de sens.


Mais tout ça, on pourrait considérer que c'est du détail. Durant tout le film, Mae va ne faire qu'aller dans le sens de l'histoire, dans le sens des personnages et grosso-modo, faire ce que l'on attend d'elle. Obtenir le job et se rapprocher de son amie, accepter de modifier ses habitudes de partage sur les réseaux, pour mieux s'intégrer, donner son accord pour l'expérience, etc… En fait, l'intrigue suit son ptit bonhomme de chemin et tout va bien dans le meilleur des mondes……


C'EST PLAT ET SANS INTÉRÊT !!!!


Depuis la Grèce antique et Aristote, on sait que la base de la dramaturgie est le conflit. Il n'y a pas d'histoire si il n'y a pas de conflit central. Et justement, ici, il n'y en a pas ! Les deux seules sources de conflits sont deux personnages qui sont quasiment inexistant. Ce genre de film se base généralement sur un conflit intérieur du personnage principal entre ses propres idéaux et ceux de son entourage, et avec cette histoire il y avait de quoi…mais non. Mae suis le mouvement ; et à la fin du film, c'est l'incompréhension qui domine face à cette succession d'actions qui ne semblent pas avoir de fin en soi.


J'ai ma petite idée sur ce qui a causé cette absence de conflit : au vu de l'ensemble du film, je dirais que c'est une intention de mise en scène. Car il y a quelque chose qui m'a surpris dans, malgré le sujet abordé, c'est qu'à aucun moment le film ne prend un parti. Il se veut absolument neutre ; et pour se faire, James Ponsoldt a du éviter tout évènement qui aurait inévitablement fait pencher le ressenti du spectateur vers un camp ou l'autre. Je m'avance peut-être dans la mauvaise direction en faisant cette supposition quelque peu hasardeuse, et je n'ai rien contre les films qui ne prennent pas parti entre bien ou mal et laissent le libre choix au spectateur, c'est même un effet très intéressant. Mais ici la platitude extrême de la mise en scène amène non seulement la neutralité mais aussi l'indifférence apparente, et là c'est un problème. Un réalisateur, lorsqu'il travaille sur une histoire, va la traité de son point de vue et va imposer au spectateur de voir l'histoire de son point de vue. Il peut être extérieur ou ne pas prendre parti, mais c'est toujours un point de vue engagé dans l'histoire qui ne peut en aucun cas être indifférent de la problématique.


Cependant, il y a une chose que je ne peux pas reprocher à ce film, c'est qu'il est cohérent avec lui-même et avec son sujet. Ponsoldt a choisi de faire un film qui ressemble trait pour trait à une vidéo que l'on pourrait lire sur YouTube, et c'est réussi. Il y a les commentaires qui s'affichent partout à l'image, le côté "vivre sa vie sur le net" et même le «Picture in Picture» (d'ailleurs, cet effet est pertinent mais n'est pas une bonne idée au cinéma, surtout si on est au premier rang…). Cette mise en relief de la dérive des médias actuels qui nous bombardent à chaque instant est l'effet le plus réussi du film, dommage qu'il ne soit pas le plus attirant.


Que tirer donc de tout ça ? Que "The Circle" est un mauvais film ? Non. Ce film est surtout une grande déception. Alors qu'il avait les ingrédients pour faire un très bon Thriller technologique sur un sujet qui n'a jamais été autant d'actualité avec une très belle brochette d'acteur, ce film ne va pas loin dans ses intentions et n'a pas le cran d'assumer son propos dont le parti à prendre était pourtant évident. Cependant, "The Circle" n'est pas non plus mauvais et certaine idées développées mérite réflexion ; mais le film se veut désespérément plat et inintéressant.


Vraiment dommage.

Lukeskyforges
4
Écrit par

Créée

le 29 juil. 2017

Critique lue 298 fois

Lukeskyforges

Écrit par

Critique lue 298 fois

D'autres avis sur The Circle

The Circle
Frédéric_Perrinot
3

Mauvaise com'

Les films se centrant sur l'émergence des nouvelles technologies dans notre quotidien, l'évolution des réseaux sociaux et la mort imminente de toute forme de vie privée sont monnaie courante, et ce...

le 8 juil. 2017

54 j'aime

1

The Circle
Pulsar
7

Tyrannie de la majorité

Si comme moi vous êtes sorti d'un cursus universitaire qui a impliqué que vous passiez les vingt premières années de votre vie à l'école, il se peut que vous ayez la même culture que moi sur les...

le 14 juil. 2017

39 j'aime

4

The Circle
hubertguillaud
1

Stupide mais aussi stupide

Il est assez facile de faire d'un mauvais livre un mauvais film visiblement. The Circle ne décrit pas seulement l'évanescence et la naïveté du monde d'aujourd'hui, il l'incarne. Sa portée critique...

le 16 juil. 2017

22 j'aime

5

Du même critique

Dunkerque
Lukeskyforges
9

Emporter par la houle...

Voir un film au cinéma Le Grand Rex est toujours une expérience, surtout quand il s'agit d'une avant-première. Les gens sont enthousiastes, réagissent durant le film, sifflent, applaudissent, etc...

le 18 juil. 2017

7 j'aime

2

The Square
Lukeskyforges
5

"-L'humain s'est perdu.... -.......Oui......... Et donc ?......"

Sans spoiler le film, il y a un passage vers le milieu du long-métrage qui vous met face à un choix : Faites-vous confiance dans les autres ou non ? Selon moi, ça résume assez bien le film, son...

le 25 oct. 2017

3 j'aime

2

Hirune Hime : rêves éveillés
Lukeskyforges
7

Ce film serait-il somnambule ?

Rappelez-vous de ce jour de 1999 où "The Matrix" sortait au cinéma pour nous donner une claque dans notre philosophie et devenir une œuvre culte. Et vous vous souvenez certainement de la première des...

le 19 juil. 2017

2 j'aime

4