Rappelez-vous de ce jour de 1999 où "The Matrix" sortait au cinéma pour nous donner une claque dans notre philosophie et devenir une œuvre culte. Et vous vous souvenez certainement de la première des nombreuses phrases qui allaient vous retourner le cerveau : «N'as-tu jamais fais de ces rêves qui ont l'air plus vrai que la réalité ? Si tu étais coincé dans un de ces rêves, comment ferais-tu la différence entre le monde du rêve, et le monde réel ?»
"Hirune Hime", c'est un peu l'application de cette citation au sens propre. En France, le film porte le sous-titre "Rêves éveillés", titre que je trouve peu judicieux car l'héroïne de cette histoire dors, et souvent. Nous suivons la jeune adolescente Morikawa qui a une sorte de double vie. Dans la réalité, c'est une lycéene un peu "rentre-dedans" qui vit avec son père mécano. Cette jeune fille a un défaut : elle s'endort souvent sans raison ; et fait toujours le même rêve. Elle doit défendre le royaume de son père grâce à la magie fournie par…une tablette tactile. Mais la réalité va être chamboulée quand quelqu'un de louche va tenter de voler la tablette de son père.
Toute la force de la mise en scène du film est de faire en sorte que l'histoire commencée dans la réalité continue dans le rêve de Morikawa. Une mise en scène bien pensée et bien réalisée mais qui manque parfois de vraisemblance. L'autre gros problème de cette technique est la confusion entre les deux mondes. Plus le film avance et plus on s'aperçoit que cette confusion est voulue, mais elle s'avère quelque peu déplacée sur la fin jusqu'à se contredire et perdre de sa crédibilité.
De plus, je n'ai pas pu m'empêcher de remarqué que ces passages au monde du rêve était parfois des astuces un peu grosses pour éviter de devoir raconter une situation ennuyeuse ou épineuse dans la réalité. Un bon stratagème, mais un poil gros parfois. Cependant, la narration est très fluide entre les deux univers et le rythme du film fait que l'on ne s'ennuie pas. Je regrette simplement un manque d'enjeux palpables dans la partie réelle. Les enjeux sont clairs dans la partie rêvée mais la confusion entre les deux rend la perméabilité du discours très imparfaite et il subsiste une sorte de scission.
La partie rêvée appartient à une sorte d'univers steampunk fantaisiste avec une touche de cyber ; mais la réalité, d'abord plus portée sur l'humour, suit une intrigue policière qui va imposer sa structure et ses codes à l'ensemble du film. Le plus important des codes est la multiplicité des rebondissements. Ca n'arrête pas du film, mais la bonne écriture permet de ne jamais être perdu. Mais bon… comme pour beaucoup de film d'animation japonaise, j'avoue ne pas avoir tout compris de la fin avec toute la symbolique qu'elle utilise… Le sens de ces métaphores m'échappe. Cependant le propos lui reste clair : le film tourne autour de la famille et des conflits familiaux.
Mais on ne peut pas faire un film qui utilise le rêve comme ressort narratif sans aborder la question de sa signification. Le film nous en livre une explication simple, adaptée au public ciblé qui sont les enfants. Mais il y a aussi une métaphore intelligente de comparaison entre la science et la magie avec un propos très intéressant à ce niveau ; ainsi qu'un «encouragement à suivre ses rêves».
Au final, après avoir dirigé l'immense série "Ghost in the Shell : Stand alone complex", Kenji Kamiyama nous livre ici une œuvre au discours simple mais efficace et surtout très riche. Peut-être même un peu trop et qui entraîne la confusion. Le film est dans l'ensemble agréable à suivre, drôle et plein de surprise ; la fin est un peu grossière et confuse, avant de se terminé sur une note limite cliché. Peut-être que Kamiyama a essayé de parler de trop de chose en même temps : l'adolescence, la famille, les dérives de l'industrie, la dictature, l'héritage, la science contre la magie… Tout est bien placé dans l'intrigue et bien traité mais ça fait beaucoup à digérer.
Malgré tout, je vous conseille vivement de voir ce film qui ravira petits et grands.