Chassé-croisé. Petite sensation à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes puis à Deauville, où il a remporté tour à tour le prix du jury, The Climb est le premier film de Michael Angelo Covino. Une comédie culottée sur l’amitié et le temps qui passe. Une franche réussite.


À la sortie de la projection, et si on l’ignore, il est difficile de se rendre compte que ce sont les débuts en tant que réalisateur pour Michael Angelo Covino. L’ambition formelle affichée et la maîtrise de son dispositif relèvent alors d’une très belle surprise.


L’art du conteur


The Climb est le prolongement du court-métrage éponyme réalisé par Covino l’année précédente. De ces deux cyclistes grimpant le col de Vence, le cinéaste américain va tirer une histoire d’amitié aussi touchante que mouvementée. C’est d’ailleurs sur cette séquence que s’ouvre le film. La manière est brillamment rocambolesque, les deux amis s’écharpant à vélo pour une histoire d’adultère dans les contrées françaises. Le ton est donné.


De cette comédie existentielle aussi cruelle qu’hilarante, Covino en tire un film en chapitres et parsemé de multiples ellipses très bien senties. Elles viennent s’amuser avec le spectateur, le prenant à témoin de l’évolution de la relation qui unit les deux protagonistes principaux. Ce qui intéresse le réalisateur, ce sont les interactions entre ces deux personnages, pas les actes qui en découlent. Dans une moindre mesure et dans un tout autre registre, le film renvoie à ce qu’avait pu faire Katell Quillévéré avec Suzanne, dans l’utilisation de l’ellipse comme moteur narratif. Une manière à la fois de créer la surprise mais aussi utiliser notre imagination pour saisir le temps qui passe.


Une histoire d’amitié directement inspirée de celle qui lie les deux acteurs-protagonistes du film, à savoir Michael Angelo Covino et Kyle Marvin, également co-scénariste du film. Une manière de s’attacher plus intensément aux personnages et croire aux enjeux, même si les traits sont volontairement accentués ici, volonté de caricature oblige.


Nouvelle vague ?


Il y a chez Covino une vraie maîtrise du dispositif cinématographique donnant à cette bromance une originale mise en scène. Au cœur de ces chapitres et de ces ellipses, le film est parcouru par de multiples plans-séquences, tous savamment orchestrés. Une belle manière pour saisir toute la folie et le tumulte de cette histoire d’amitié. Il y a comme une sensation de virtuosité qui s’en dégage, apportant une certaine fluidité.


En alternant à la fois les registres comiques et dramatiques, The Climb donne une impression douce-amère loin d’être désagréable. Enjeu central du film, elle permet alors de ressentir les montagnes russes de cette amitié et ainsi traiter de l’amour aussi toxique que fusionnel entre les deux compères. On retrouve ici une déclaration d’amour, plus ou moins criante, à un certain cinéma français. Le film s’octroyant de sympathiques clins d’œil à notamment César et Rosalie de Claude Sautet ou encore au cinéma de Pierre Étaix.



Dès qu’on s’est attelés à ce film, on s’est mis à regarder tout ce qu’on pouvait. On avait déjà vu la plupart des films qu’on est censé connaître – ceux de Truffaut, Godard, Agnès Varda, Éric Rohmer… Mais
dès qu’on s’est vraiment mis au travail, toutes ces références ont pris leur sens. […] Mais on tenait à transposer ces sources d’inspiration dans un contexte contemporain. Des réalisateurs comme Claude Sautet et Bertrand Tavernier ont été des révélations pour nous. Dans notre film, il y a une scène qui se déroule dans une salle de cinéma où nous rendons hommage à Pierre Étaix : c’est LE GRAND AMOUR.» Michael Angelo Covino



En effet, il est difficile de ne pas penser à un certain esprit du cinéma français, notamment du côté de la Nouvelle Vague, tant le film est pris d’une liberté formelle absolument rafraîchissante. Il y a une telle générosité de cinéma qu’on peut lui pardonner ses maladresses et ses petites longueurs. Un espoir naissant pour la comédie américaine ? Difficile à dire mais l’expérience, elle, est une bouffée d’air frais.


Article à retrouver sur Le Mag du Ciné

JoRod
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le 30 mai 2020

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