Je me souviens que la bande-annonce m'avait semblée très peu prometteuse : je m'attendais à un long métrage bourré de clichés, larmoyant au possible. Alors pour être honnête, si j'ai pris la peine de le regarder, c'est bien pour son actrice principale (AVE Kristen).
Et, j'ai été très positivement surprise. Une jeune femme fuit sa microscopique ville natale (aussi suffocante pour elle que la cellule pour les détenus) pour tenter de faire quelque chose d'important, d'être utile. Elle choisit donc de rejoindre l'armée qui lui attribue comme mission de "baby-sitter" des terroristes arabes qui aspergent les gardes de leurs selles pour manifester leur mécontentement. Malheureusement, pas la mission rêvée pour quelqu'un qui aspire à défendre sa patrie. En tous cas, petit à petit, une prise de conscience va s'opérer chez Amy : tout n'est pas aussi noir et blanc que ce qu'on lui avait promis, et c'est ce qui va rendre son poste si difficile à assumer, aussi bien en tant que femme projetée dans un milieu d'homme, qu'en tant qu'être humain doté d'empathie. Elle se lie donc d'amitié avec l'un des détenus, cultivé et curieux. C'est à ce moment là que l'on craint de tomber dans l'extrême inverse : l'arabe gentil, les américains méchants. Mais non, le scénario et la mise en scène sont assez bien gérés pour que justement on ne sombre dans ce propos moralisateur. Si Amy se dévoile petit à petit, on ne sait en revanche rien d'Ali, hormis qu'il est né à Bremen en Allemagne, et, grâce à la séquence d'ouverture, qu'il est impliqué dans un trafic de téléphones dont on ne connait pas les fins. Maintenant, est-ce un terroriste ? Ou est-il innocent ? Rien dans le scénario ne garantit cette innocence. En tant que spectateur, on accepte d'être dans l'ignorance pour se focaliser sur l'aspect humain du personnage, et s'y attacher. Ces deux protagonistes que tout semble opposer ont pourtant beaucoup en commun. D'ailleurs l'une des répliques d'Amy est très forte de sens : Elle explique avoir quitté sa ville natale parce qu'elle voulait faire quelque chose d'important, Ali est touché, semble concerné, on le perçoit alors comme un terroriste repenti. Idée amenée tout en finesse ce qui est très appréciable.
Si le film se focalise sur les relations humaines, il aborde aussi bon nombre de sujets assez épineux mais sans trop s'y attarder et sans en faire des tonnes : la misogynie présente dans l'armée et dans la croyance musulmane, la maltraitance des détenus, les punitions excessives, ou les conflits religieux (éludés en une réplique qui prône le respect mutuel).
Quant au traitement de l'image, aux choix de cadrage, on y trouve de très belles idées : par exemple, le mur qui sépare Amy et Ali s'efface au fur à mesure des champs contre-champs, au fur et à mesure que les liens deviennent plus forts entre les deux personnages. Et ce jusqu'au climax final (extrêmement intense) qui les amène à se toucher pour la première fois au travers de la mince ouverture dont est munie la porte de la cellule. C'est l'aboutissement d'une amitié impossible entre deux incompris, deux êtres marginaux. Le montage souligne aussi avec brio l'ennui, la lassitude des détenus comme celle des gardes dont le travail ingrat est extrêmement répétitif, oppressant, étouffant.
Enfin, une très belle séquence oppose les militaires au garde à vous devant le drapeau américain, tandis que les détenus s'agenouillent pour prier leur dieu. Le réalisateur ne donne raison à personne, sauf à nos deux protagonistes qui ont perdu foi en leur aspirations (Ali ne prie plus, et Amy tourne le dos au drapeau américain en sympathisant avec « l'ennemi »).
J'ai une petite réticence quant au choix de la chanson qui conclue le film : elle est redondante par rapport au propos du film et n'était pas indispensable. De même que le montage alterné entre les deux personnages qui ont chacun entre les mains un présent de l'autre. Mais c'est un détail, et ça n'entache pas la qualité de ce film très humaniste que je conseille vivement !