Un duo hors pair incroyablement bien mené par Binoche et Stewart, sans qui le film n'aurait probablement pas eu la même intensité. Elles servent avec brio l'ambiguïté et la perte des repères entre la fiction et la réalité. Durant la deuxième partie du film, on assiste en quelque sorte à un huis clos entre Maria et Valentine (son assistante dévouée et très attachante) qui vivent une relation privilégiée, et les personnages de la pièce, Helena et Sigrid : Tout se mêle et se confond au travers de dialogues très naturels, pertinents et surtout captivants. Rien ne semble laissé au hasard dans ce film aux maintes réflexions.
Le tout est accompagné d'une belle leçon sur l'interprétation subjective de chacun des spectateurs qui permet à l'œuvre quelle qu'elle soit d'être en perpétuel mouvement, et de dévoiler des nouvelles facettes, comme une ressource inépuisable : c'est le regard du spectateur qui lui donne vie. Grandiose et très osé que ce choix de faire "disparaître" Valentine juste après ce discours, laissant ainsi libre cours à notre interprétation tout en entrainant une certaine frustration. Un coup de génie !
Clouds of sils maria explore de nombreuses pistes et c'est ce qui en fait son indéniable richesse : de l'omniprésence des technologies de communication et d'internet, en passant par la fossé creusé entre deux générations qui mêlent des points de vue différents sur l'Art (un conflit entre une vision classique et un point de vue plus moderne sur le cinéma et le théâtre, sans pour autant donner raison à l'une plus qu'à l'autre), pour en arriver au thème majeur du temps qui passe, fatalité difficile à accepter pour Maria (aussi bien en tant qu'actrice, qu'en tant que femme).
Pour finir, une très belle mise en scène poétique et douce (les séquences sont ponctuées de fondus au noir rappelant la fermeture des rideaux au théâtre) agrémentée de magnifiques scènes situées dans les montagnes désertes de Sils Maria qui semblent resserrer les liens entre Maria et Valentine habitées par la pièce de théâtre, happées par les personnages et seules au coeur de ce paysage grandiose. Une bande originale bien choisie et qui amplifie l'aspect lyrique du film, une esthétique de l'image maîtrisée avec des plans qui captent le regard et qui nous immergent dans l'atmosphère si particulière du film.
Bref, un long-métrage extrêmement touchant, qui donne a réfléchir, et ce, sans être pompeux ni hermétique (de plus en plus rare ces derniers temps).
À mon humble avis, c'est un film à voir, et à revoir.