Finalement, y-avait-il un bon moment pour sortir The Hunt dans les salles ? La satire sanguinolente organisée par Craig Zobel et le studio Blumhouse devait ouvrir la chasse en septembre 2019. Hélas, le délire récréatif voyant gauchistes et droitards dégénérés s'entre-tuer fut rattrapé par l'actualité, quand deux nouvelles tueries ébranlèrent le pays de l'oncle Sam, énième tragédie déplacée sur le pré-carré d'une bataille séculaire au sujet des armes à feu. Neuf mois plus tard, le film déboule enfin mais la conjoncture n'a pas changé, loin de là. Les États-Unis de l'Ère Trump n'ont jamais paru plus éruptifs, à l'aune de conflits sur le terrain du racisme, des réformes impopulaires et surtout de leur leader populiste. Bien qu'il s'envisage comme une charge atrabilaire, son discours sardonique était aussi juste hier qu'il ne l'est aujourd'hui.
Il faut voir The Hunt comme une pause régressive pour son duo de scénaristes, Nick Cuse et Damon Lindelof (tous deux à la manœuvre sur la série Watchmen). Rassurez-vous, les deux scribes continuent leur déconstruction des archétypes et ils le font avec une bonne dose d'humour noir. Pour nihiliste et décomplexé qu'il soit, le film s'avère jubilatoire dans sa façon de renvoyer dos à dos libéraux et conservateurs. Lesquels semblent se tendre un miroir reflétant les hypocrisies de chacun tout en caillassant les dérives de la modernité, quand elle s'accompagne de justice aveugle et d'individualisme. Un peu comme le brillant Les Huit Salopards, The Hunt raille cette Amérique du "tirez d'abord, réfléchissez ensuite" qui s'applique des deux côtés de l'échiquier politique, condamnant de fait toute tentative pour dialoguer et donc s'entendre. Aussi linéaire que puisse être l'intrigue, elle est rehaussée par une narration insolente. Craig Zobel s'amuse comme un fou, notamment dans son premier tiers qui n'arrête pas de rebondir telle une balle de flipper, à coups de morts bien cruelles et de dialogues qui dézinguent à tout-va. Le film ne retrouvera cette méchante efficacité que dans son final, tellement exubérant qu'il amène The Hunt aux portes du cartoon trash. Puis entre nous, comment résister au charisme de Betty Gilpim, aux saillies verbales à la puissance balistique ? Mention également d'un contre-emploi nickel chrome pour Hillary Swank.
Soyons honnêtes : le film n'a pas pour vocation d'offrir des réponses aux problèmes tiraillant les U.S.A ou de sortir d'un délire au second degré. À ce titre, il est incontestablement limité et ne parvient jamais à dépasser son simple postulat. Mais c'est aussi son honneur, puisqu'en tant que simple exutoire, il fait bien le boulot. De temps en temps, en prendre un pour taper sur l'autre et vice-versa, ça ne fait pas vraiment avancer les choses mais ça fait du bien.