Cette nouvelle collaboration entre Universal et Blumhouse (la société de production qui en commençant par de petits budgets d’exploitation puis en s’ouvrant toujours avec des budgets raisonnables à des auteurs à la relance comme M.Shyamalan ou émergeant comme Jordan Peele, est devenue devenue la marque incontournable de l’horreur) comme Get Out et The Invisible Man s’est retrouvé dans la ligne de mire du président Trump qui ayant eu vent de son sujet : des « élites » comprendre libérales traquant pour le plaisir des « Américains ordinaires » comprendre ses électeurs, a jeté en pâture le film à la vindicte populaire. Après un tweet rageur le président orange (“Le Hollywood gauchiste est raciste au plus haut point, et avec une grande colère et de la haine!”), la polémique avait enflé après deux fusillades ayant fait 31 morts à Dayton et El Paso où sans aucune vergogne il pointa la responsabilité du film poussant Universal à en repousser la sortie. Pourtant à la vision de celui-ci cette polémique semble bien vaine, si The Hunt a évidemment un fond politique il n’est en rien un brûlot engagé. Réalisé par Craig Zobel (Compliance) et écrit par Damon Lindelof et Nick Cuse (Watchmen, The Leftovers), le film est avant tout une comédie d’horreur violemment violente et cartoonesque, rythmée et réjouissante, parfaitement interprétée qui exploite le contexte politique pour se moquer des deux cotés du spectre politique et offre deux personnages féminins mémorables l’organisatrice de ces chasses Athena (Hilary Swank), une méchante et surtout révèle dans le rôle de Crystal, Betty Gilpin (Glow) incroyable en héroïne d’action ambiguë et déterminée qui rappelle les héros de John Carpenter.


The Hunt s’inscrit dans la grande tradition des films de chasse à l’homme inaugurée en 1932 par les créateurs de King Kong dans classique Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game) décliné au cours des décennies au point de devenir un genre à part entière , on citera Hard Target de John Woo avec Van Damme, Le Prix du Danger d’Yves Boisset, Deliverance de John Boorman ou Surviving the Game., une série B avec Ice-T et feu Rutger Hauer qu’on vous recommande. Le film commence avec le réveil de douze étrangers dans un champ au milieu de nulle part – on se rappelle que Lindelof était le showrunner de Lost aux cotés du père de son co-scénariste – bientôt les balles commencent à voler et ils se retrouvent pourchassés par des forces invisibles. Il devient clair que la plupart de ces victimes sont des théoriciens du complot de droite très actifs sur les réseaux sociaux et qui, s’ils se considèrent comme des survivalistes, se montrent peu doués pour rester en vie. On reconnait parmi eux des visages connus (Emma Roberts, Justin Hartley de la série This is Us mais cette familiarité n’est pas gage de survie pour ces personnages. La première demi-heure du film est particulièrement réjouissante avec son déchaînement de gore et son rythme frénétique. Si vous vous êtes déjà demandé à quoi ressemble une personne qui marche sur une mine puis atterrit dans un piège de style Viet Cong, Zobel et son équipe d’effets visuels s’appuyant sur un mélange de CGI et d’effets gore pratiques vous apportent une réponse sanglante. Une des rares à survivre à ce premier assaut l’insaisissable Crystal est déterminée à découvrir qui est derrière cette chasse et leur faire payer le prix fort.


Effectivement Zobel, Lindelof et le producteur Jason Blum ont réalisé un film d’exploitation sanglant déguisé en satire politique, qui prend une joie indescriptible à massacrer ses personnages au fusil de chasse, à l’arbalète, à la grenade dans une sanglante bataille royale qui réduit les deux bords politiques à des caricatures ridicules. D’une part, les proies, des « déplorables » pour reprendre le terme de Hillary Clinton pour caractériser la frange « raciste, sexiste, homophobe, xénophobe, islamophobe » de l’électorat républicain, grande consommatrices de Fox News, abruties aux théories du complot les plus ridicules de la fachosphere US et qui rêvent si elles s’en sortent d’aller témoigner chez Hannity l’éditorialiste vedette de la chaîne de Rupert Murdoch. De l’autre les chasseurs, un groupe parodique des progressistes US, des snobs qui boivent du champagne, voyagent en jet privé et détestent le président (qui n’est pas nommé) mais ne cessent de se réprimander pour montrer qu’ils sont plus politiquement corrects que leur camarade (« Je suis désolée, je vous ai genré »). Ils s’avèrent être des hypocrites suffisants, tout aussi misérables que les rednecks qu’ils traquent. Si le film a un message politique c’est peut-être une forme d’avertissement lorsque nous transformons d’autres personnes en caricatures de nos pires craintes, la seule chose qui reste à faire est de s’entretuer. The Hunt exprime aussi sans doute une frustration de la part de ces auteurs face à l’hyper-politisation actuelle, une tentative de voir dans la pop-culture une zone démilitarisée. Mais il se distingue par sa volonté d’être avant tout un film d’horreur plutôt que de se reposer sur son commentaire social, ce n’est pas une œuvre « sérieuse et responsable » mais bien un film d’exploitation craspec qui prend un malin plaisir à éclabousser l’écran. La structure du script porte la marque de Damon Lindelof nous laissant deviner par petits indices la véritable nature de la chasse et son origine, inattendue à travers un jeu sur une série de flashbacks. La mise en scène de Zobel est maîtrisée, les combats et fusillades vifs et brutaux, les scènes gore à la fois drôle et révulsives, il garde le spectateur en équilibre, dans l’anticipation légèrement coupable des cruautés à venir… Pour une production Blumhouse le film semble avoir une budget cossu, en tout cas Zobel lui donne une patine cinématique.


Mais l’arme secrète du film est indéniablement son héroïne, à la fois le personnage et son interprète pour laquelle indépendamment de ses affiliations politiques personnelles, il est impossible de ne pas s’attacher. Crystal May Creesy, véritable MacGyver au féminin, vétéran d’Afghanistan, que sa méfiance envers tout le monde rend particulièrement adaptée à la survie. Betty Gilpin révélée par la série Glow lui confère à la fois une détermination effrayante mais aussi un flegme qui ne la quitte jamais quelle que soit la situation. La comédienne est particulièrement efficace dans la dimension physique qu’impose le rôle et remplit parfaitement sa fonction d’héroïne d’action. Mais en accord avec le ton du film, Crystal garde une ambiguïté et un mystère qui n’en fait pas pour autant une innocente. Toutefois quand arrive la conclusion l’héroïne est devenue le seul humain complexe du film, ni à gauche ni à droite, mais juste fatiguée et voulant rentrer chez elle, là encore à la manière des héros Carpenterien. Pour pouvoir le faire dans la logique ludique du film elle se doit d’affronter le « boss final » de ce jeu cruel incarné par la doublement Oscarisée Hilary Swank (pas Clinton) qui s’amuse à camper cette millionnaire de gauche, cerveau de cette chasse aux réacs sans verser dans l’excès de caricature, son personnage est sans doute parmi les chasseurs le plus complexes. Si la cette scène peut décevoir dans sa tentative d’expliquer sa propre mythologie, la confrontation ce « womano a womano » entre les deux extrêmes la blonde Gilpin et la brune Swank tient toute ses promesses, c’est un affrontement digne des productions Joel Silver à l’image du film très violent et très drôle. Il y a une forme d’ironie dans le féroce combat qui oppose les deux têtes d’affiche puisque Betty Gilpin est fille d’acteurnew-yorkais alors que Swank est elle issue de cette Amérique des trailer-trash. The Hunt est donc (encore) une excellente surprise issue de la maison Blumhouse, une série B+, gore, drôle et intelligente, le défouloir parfait en ces temps difficiles.

PatriceSteibel
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le 24 juin 2020

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PatriceSteibel

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