Clonage, double et esprit d'entreprise

Clairement, c'est le film inachevé par rapport à ses ambitions et ses fortes thématiques lancés, on aurait certainement pu avoir le droit à un chef d'oeuvre avec un autre réalisateur.
Mais on a le droit à un bon film, une bonne dyopsie qui interroge de manière judicieuse le monde d'aujourd'hui et le consumérisme actuel en poussant la problématique plus loin : si au lieu d'objets, le chef d'entreprise se mettrait à vendre des humains que se passerai-t-il ?


Certes, il y a des lois qui interdisent cela mais des règles sont bien bravées tous les jours en dépit ( et parfois en complicité aussi faut pas se leurrer) des lois promulgés par le gouvernement. Une des thématiques actuelles est l'évasion fiscale où les entreprises et certains membres du gouvernement profite de l'opacité et du manque de contrôle permanent pour en profiter.
C'est cette complexité que The Island explore car le centre est ici financé par l'aide des politiques, l'entreprise ne respecte certes pas les accords, au final on ne sait pas si le gouvernement est responsable ou impuissant mais cela a pour conséquence le commerce de clones.
Le film pose la question de la création car à ce niveau-là chacun d'entre nous peut devenir Dieu et peut en faire commerce en proposant un service après vente clones.
Là où le film est pertinent, c'est que c'est presque déjà le cas avec la procréation par machine qui se mettra peut etre en place dans 5 ou 10 ans.
Les clones seraient crées pour permettre de faire des greffes d'organes ou de coeur et donc pour que l'individu qui demandent le clonage puissent vivre plus longtemps, leur durée de vie s'allongerait de 50 ans en échange de leur moralité sur ce sujet à débat.
Toutes ses thémathiques sont très actuelles, très intéressantes et sont à mettre au profit des scénaristes qui ont fait un excellent boulot.


La première heure du film est d'ailleurs excellente. Le monde artificiel crée est aussi un reflet de notre monde d'aujourd'hui avec des gens qui travaillent sans savoir pourquoi ils font réellement cela et qui sont complices sans le vouloir des gros organismes agroalimentaires, ici dans le film ils sont coupables d'alimenter les clones mais sans en etre conscients.
Le personnage principal en se posant plein de question remet en cause son environnement, on pourrait faire bien sur un parallèle facile avec Platon et sa caverne.
Et pourtant c'est un clone et encore une fois un clone peut -il être conscient de son environnement et être un être humain ? Cette question est effleurée par le film, qui ne se concentra pas là dessus.

L'alimentation aussi sera évoqué à travers une tirade fort sympathique : les clones ici ne pourront manger que très équilibré pour qu'ils soient maintenus en parfaite santé pour les consommateurs.
Ce sont des produits et il ne faudra pas les abimer.
Le personnage principal veut du bacon et il ne comprend pas pourquoi on lui refuse ce plaisir, " il y a des soirées tofu mais pas de soirées bacon... pourquoi ? "
Ca m'a fait beaucoup marrer sur le coup, Michael Bay qui défend cette culture américaine à fond avec ses dialogues idiots mais ne serait ce pas aussi une petite pique envoyée par la bienséance alimentaire qui nous impose sa façon de penser ? Bien sur, on est dans une culture où on mange trop de viande mais le jugement parfois extrémiste de certains véganistes n'incite pas des personnes à changer leur alimentation
Bref, on est dans une mini société dominé par les écrans et les images et où le rêve de chaque citoyen est de gagner à la loterie soit un reflet de notre société contemporaine.
Le doute est d'ailleurs permis dans la première partie du film, on ne sait pas si c'est une métaphore de notre société actuelle ou pas, c'est plutôt bien foutu.
En fait, ce n'est qu'un prétexte pour endormir le peuple et ici euthanasier les clones.
Le personnage prend vraiment conscience de sa condition d'etre humain lorsqu'il monte et qu'il voit ce grand massacre, il voit que l'ile qu'on lui avait promis est inexistante.


La seconde partie est plus laborieuse car Michael Bay traite mal son sujet. Il ne peut s'empecher de rajouter des courses poursuites et des explosions là où rien ne nécessite cela. Encore, la manière de film agressive correspond bien au début du film autant là c'est trop.
C'est une constance chez les films de Bay d'etre trop long et d'en rajouter lorsqu'on ne sait plus quoi dire.
Heureusement, cette dernière heure n'est pas totalement inintéressante avec la rencontre du clone et du double et avec le service après vente des clones qui montrent la perversité de l'entreprise.
Le propos est doucement ironique et amer avec le gars du service après vente qui fait semblant d'etre sympa avec son client alors que ses actes contribuent à tuer de façon malsaine les clones.
Il y a un parallèle certes maladroit et un peu trop balancé mais pas inintéressant non plus avec le massacre des chambres à gaz, quand l'humain devient inhumain et ne s'en rend meme plus compte car il est aveuglé par les règles qu'il a instaurées.


Le film est très intéressant, bien que comportenant beaucoup de défauts, il interroge sur de nombreux points. Je ne suis pas de ceux qui crachent habituellement sur Michael Bay, je ne trouve pas que ce soit un mauvais réalisateur, il a fait de bons films comme No pain No gain ou Rock et ici ce film qui est de bonne facture. Il en fait néanmoins un peu trop dans ce film et certaines scènes sont bancables par sa faute. On peut penser qu'avec un grand réalisateur, le film aurait pu etre encore meilleur.
Néanmoins, ce réalisateur est généreux dans ce qu'il propose et j'aime bien ses dialogues un peu idiots certes mais il va jusqu'au bout de ce qu'il propose et je trouve que son bashing est assez sévère. Beaucoup font bien pire que lui et proposent des choses moins intelligentes, on peut voir ici que le film propose beaucoup de choses et c'est un bon film globalement.
Donc voilà Michael Bay fait des films parfois intéressants et on peut etre cinéphile, regarder plein de films intéressants, du Tarkovski ect et aimer regarder le travail de Bay qui est pas totalement nul meme si il comporte des failles, je trouve que c'est un réal correct qui fait ce qu'il aime et qui est passionné. C'est déja pas le cas de tous les réalisateurs actuels...

PierreDescamps
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le 11 sept. 2016

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