Si les années 70 furent les années Shaw Brothers et Golden Harvest, les années 80 furent celles de la Film Workshop et de la Cinema City. Avec ses Aces Go Places, Happy Ghost et autres comédies en pagaille, la compagnie de Karl Maka, Dean Shek et Raymond Wong imposait son style à l'industrie toute entière. Et qui dit compagnie puissante dit stars maisons. Outre les patrons eux mêmes, ce sont surtout des actrices que la compagnie chercha à mettre en avant. Leurs noms : Ann Bridgewater, Loretta Lee, May Lo, Charine Chan, Bonnie Law et Fennie Yuen mais dans les années 80, le groupe était connu sous l'appellation « Happy little girl troupe ». Toutes débutaient ainsi leur carrière avec des comédies gentillettes, grand public à l'extrême et connaîtront des fortunes fort diverses dans le métier. Fennie Yuen construira une belle filmographie, Loretta Lee (une des plus populaires du groupe) passera par les affres de la catégorie 3 pour se faire un nom, Ann Bridgewater s'émancipera de manière convaincante avec des films comme Full Contact ou Thunder Cops 2 mais mettra hélas fin à sa carrière pour cause de mariage, un cas de figure similaire à celui de May Lo. Quant aux deux dernières, elles ne feront pas beaucoup d'étincelles une fois hors de la Cinema City. Bien que les 6 actrices aient été connues comme un groupe, elles ne joueront ensemble que dans un seul film : Isle Of Fantasy.

Isle Of Fantasy est avant tout une création de Raymond Wong et c'est là tout le problème. Bien qu'il ait été extrêmement productif dans les années 80, on ne peut pas dire que les scénarios proposés par le brave Raymond aient été des merveilles : formules rabachées et clichés en pagailles semblent avoir été les maîtres mots de ses travaux. On est plus proche d'un Wong Jing que d'un James Yuen.
Et Isle Of Fantasy est probablement ce que l'homme a fait de pire. C'est bien simple, il n'y a pas de scénario mais juste un concept. Envoyer le petit groupe de jeunes filles sur une jolie île accompagnées de quelques personnalités hautes en couleur. C'est un peu près tout. De nos jours cela donnerait lieu à un jeu de TV réalité, il y a 15 ans, Wong en faisait un film. Le producteur/scénariste essaye bien de pimenter son « histoire » en ajoutant à sa mixture un petit groupe de pirates à combattre, là, l'ensemble demeure prévisible à des kilomètres.
De la même manière que pour Run Tiger Run, Wong semble penser que faire dans le film pour enfant ne nécessite pas un gros travail d'écriture. De jolis extérieurs, un casting attractif, quelques blagues nunuches, un poil d'action et voila le travail ! Si ça n'est pas encore suffisant pour atteindre les 90 minutes réglementaires, pas de panique, Wong a une solution a tout : Une petite intro comique à base de gadgets, et sans lien direct avec l'histoire principale, suffira !
On aurait encore pu se montrer indulgent avec le film si les gags s'avéraient un minimum inspiré. Après tout, c'est arrivé à Wong de pondre quelques séquences comiques correctes (Chasing Girls, Time You Need A Friend). Hélas ce contrat minimum n'est même pas rempli. L'ex-mogul de la Cinema City ressort ses vieilles ficelles à base de quiproquos faussement pervers (le duo Raymond/Teresa Carpio qui n'est pas loin d'occuper 1/3 du métrage !) ou de running gags franchement irritants (Bonnie Law qui se prend pour un chat, insupportable dès les 5 premières minutes, une torture sur plus d'une heure).

Au final que reste-t-il comme atouts à Isle Of Fantasy ? Ses jolis extérieurs en Thaïlande et surtout son casting, argument de vente original de l'œuvre. Il est vrai que les juvéniles Happy Girls sont mignonnes et leurs numéros chantés ne manquent pas de saveur. De là à prendre du plaisir sur 90 minutes... Il y a un pas que l'on n'osera pas franchir ! D'autant plus que cette petite valeur ajoutée ne marchera probablement que sur les nostalgiques des années 80 HK. Pas grand monde en somme.
Heureusement tout de même, quelques idées gentiment barrées viennent à la rescousse du spectateur bissophile. On ne remerciera donc jamais assez la présence de ce superbe Chappie, gorille géant amateur de Playboy, source de nombreux gags presque drôles tellement ils sont débiles (Chappie qui cuisine, Chappie qui drague Teresa...). Rien de tel qu'un bon vieil acteur dans un costume de singe pour relever le niveau d'un film !

Le titre d'Isle Of Fantasy fut sans nul doute bien adapté aux yeux de Raymond Wong (seul sur une île paradisiaque avec plusieurs jolies filles, on a vu pire conditions de tournages) mais pour le spectateur curieux, c'est au mieux une heure trente d'ennui poli en perspective. Pas vraiment de quoi fantasmer.
Palplathune
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le 1 mars 2011

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