The King of New York:

Libéré de prison, Frank White, un baron de la drogue de New York reprend le business dès sa sortie.

Un film d'Abel Ferrara est toujours un moment à part. Un peu comme les films de Francis Ford Coppola. La virtuosité technique dont disposent ce genre de réalisateur pourrait les rendre enclin à se faciliter la tâche.
Et pourtant il y a toujours cette volonté de complexité, d'excès et de difficulté qui règne dans leurs films.
Alors que le Scarface de Brian de Palma ou les chefs de Gangs of New York de Martin Scorcèse sont des ordures notoires, le Frank White de King of New York ou par exemple le Don Corleone de Godfather, sont des personnages biens plus complexes.

Frank White ici joué par le très grand Christopher Walken, est un mafieux imprévisible capable aussi bien des pires horreurs que de la plus grande générosité.
Une forme d'hommage au roi Al Capone, qui aimait autant manier les armes que les louches de soupes populaires.
Christopher Walker livre d'ailleurs une prestation tout en finesse, par petites touches décalées d'humour grinçant, de colère froide et de provocations.
L'acteur n'est pas en reste puisqu'il est entouré d'un Laurence Fishburne déchainé, en bras droit déjanté et loufoque, amateur de western moderne et du jeune Steve Buscemi qui livre les prémices de ce qu'il amènera lui-même 20ans plus tard.

De l'autre côté de la balance se trouve Victor Argo en flic bourlingueur et soucieux du calme de sa ville, assisté par les chiens fous David Caruso et Wesley Snipes.

Abel Ferrara se libère de toute considération sexiste, politique ou sociale. Il préfère se concentré sur son récit et la seule considération qui l'a toujours intéressé : l’Homme et la société.
Lorsque vous parcourez sa filmographie, vous vous rendez compte qu'il traite de nombreux sujets très varié, mais que finalement les thèmes mineurs ne sont que des distractions, des camouflets à nos yeux pour toujours se concentrer sur son sujet principal qu'est le rapport des Hommes à la société.
Tout le reste n'est que futilité, destiné à occuper les masses
Et pourtant le message n'est pas provocateur ni présomptueux car la sobriété du récit montre qu'il ne cherche pas à donner des leçons à qui que ce soit, mais uniquement à partager son avis et sa vision de la société.

Cette démarche est d'autant plus intéressante lorsque la forme est brillante.
Les lumières sont somptueuses, la caméra toujours en action n'est pourtant jamais harassante et la musique de son partenaire Joe Delia est un véritable bijou.
Car le talent d'Abel Ferrara s'exprime aussi par sa volonté de donnée un esprit à ses pellicules.
Tout est travaillé pour fonctionné ensemble. La musique accompagne autant qu'elle précède. Parfois diégétique avec une radio qui tourne, parfois un fond sonore sur lequel les acteurs se mettent à danser. Parfois extra diégétique avec de la musique classique ou du jazz évoquant un ballet ou un opéra voir du rap indé qui dynamise une scène. La diversité est au cœur de ce film.
Les acteurs suivent et improvisent. Parfois un pas de danse, parfois une manière de tenir un accessoire ou un regard. Car Abel Ferrara s'attarde beaucoup sur ses acteurs.
A l'instar de Terrence Malick qui sublime l'image par le jeu des acteurs, Abel Ferrara met ses acteurs au cœur du récit et des scènes. Ils sont le moteur de l'ouvrage, et les émotions qui transpirent passent par eux et non par des techniques de cinéma.
C'est à l'inverse de Michael Haneke qui au contraire asservit ses acteurs à la caméra et au récit.

Le récit est d'ailleurs palpitant car ne souffre d'aucune longueur. Le temps ne s'arrête jamais, et les modeste 01h40 d'un genre qui dépasse habituellement allégrement les 02h00 voir 02h30, pour exemple Godfather et Scarface de 1984 durent respectivement 02h50 et 02h45, note d'une volonté de raconter une histoire et non pas de décrire dans les détails une personnalité.
C'est d'ailleurs une chose qui marque dans King of New York, c'est la célérité avec laquelle certaines situations sont démêles. La vie selon Abel Ferrara n'est pas un long fleuve tranquille. C'est au contraire un torrent d'émotions incontrôlées qui fusent, dictées par l'impulsivité du genre humain.
Les personnages d'Abel Ferrara prennent peu de temps pour réfléchir, ils préfèrent agir selon leur ligne de conduite.

C'est d'ailleurs la meilleure décision à prendre.
Arrêter de penser, et regarder les films d'Abel Ferrara.
Arthur_Kilman
9
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le 7 avr. 2014

Critique lue 549 fois

3 j'aime

Arthur Bobinna

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