Film "néo noir" reconnu par les cinéphiles et spécialistes du cinéma (historiens, théoriciens) mais en fin de compte assez peu connu du grand public, il me semblait intéressant de revenir sur cette petite merveille que constitue "The king of New York", réalisé par le grand et prolifique Abel Ferrara il y a 25 ans.
Ce film, en gros, conte l'odyssée sanglante, violente et humaniste de Frank White, un ancien baron de la drogue fraîchement sorti de prison n'ayant qu'une seule idée en tête : devenir le maître incontesté de la ville en devenant un citoyen respectable (créer des hôpitaux pour enfants) tout en continuant malgré tout ses illégales activités (drogue, règlements de comptes, etc).
Sorte de croisement entre un Tony "Scarface" Montana (pour l'ambition dévorante et insatiable) et de Carlito Brigante (pour l'envie de se racheter une conduite), Frank White ne recule devant aucun scrupules pour parvenir à ses fins. Froid, glaçant et manipulateur envers ses adversaires, le personnage suscite donc fort peu d'empathie; ce qui le rend d'autant plus mélancolique tant sa chute semble programmé d'avance.
Toutes les caractéristiques de ce personnage sont très justement transposés par un Christopher Walken au sommet de son art. En rendant son personnage tour à tour démoniaque, touchant et pathétique, le comédien compose un formidable portrait, très crédible et sans jamais tomber dans le sur-jeu.
Si, d'un point de vue narratif, le film reste assez classique, la réalisation est passionnante et fort prenante. Structurant son récit comme étant les dernières heures d'un homme condamné à mourir, Abel Ferrara insuffle à son film une énergie et une tension redoutable aussi bien dans les scènes d'action (qui n'ont rien à voir avec du Michael Bay, rassurez-vous) que dans les scènes intimistes, par ailleurs majoritaires.
La réussite du film vient aussi du fait que Ferrara, en grand provocateur, s'amuse à jouer avec les valeurs morales. Ainsi, ce n'est pas le flic qui dicte la morale au gangster mais l'inverse. De même, les flics ambitieux et zélés peuvent s'avérer tout aussi brutaux et sanguinaires que les dangereux truands qu'il pourchasse. Cette façon de renverser les codes moraux ajoute un charme supplémentaire à ce film de gangsters classique mais diaboliquement malin.
En deux mots, "The king of New York" constitue donc l'un des films les plus attrayant (et accessibles) d'Abel Ferrara dont le mérite est d'arriver à réaliser un pur film de genre assez critique de la société américaine (le rapport à l'argent, jusqu'où on est prêt à aller pour accéder au pouvoir, les limites de la légalité, les bas quartiers); le tout servi par un casting impeccable (Christopher Walken en tête) composé (pour l'époque) de jeunes acteurs appelés à devenir des stars (Laurence Fishburne, David Caruso, Wesley Snipes, Steve Buscemi).