Il était une fois sur une île phare phare lointaine...

Proposition artistique la plus étrange de l'année, le film de Robert Eggers (salué en 2016 pour The VVitch) nous propulse dans un univers schizophrène, audacieux et hypnotique. The lighthouse est une oeuvre réalisée dans le format 4/3 (du moins un ratio assez proche) noir & blanc dans une tradition rappelant le cinéma des années 20/30. Le film n'est pas muet, loin de là, et la caméra propose des mouvements plus contemporains ce qui marque une drôle d’opposition entre le mouvement moderne et l'illustration de ce cinéma d'un autre temps. Cette dissonance est présente dans tout les aspects du film et donne vie à une oeuvre fascinante. Pour une histoire qui aborde la solitude et la folie, ces choix artistiques et narratifs sont tout à fait pertinent. Jarin Blaschke (directeur photo) et son équipe technique se sont dépassés pour transposer une ambiance comme nulle autre pareil.


Une île isolée, deux gardiens de phare dans les années 1890, une mission de 4 semaines. Si la réalisation marque l'ouverture de The lighthouse (et par extension l'ensemble du long-métrage), Willem Dafoe et Robert Pattinson sont d'une virtuosité remarquable, marquant durablement l'image et le son. La composition qu'ils offrent à leurs personnages respectifs relève du génie et d'un investissement personnel qui dépasse celle de la fiction. Le genre de tournage dont un acteur ne ressort pas indemne.


L'histoire assez posée dans sa première partie révèle pourtant des éléments qui poussent le spectateur à mener sa propre investigation sur le mystérieux gardien incarné par Willem Dafoe dont le comportement du personnage est proche de l'endoctrinement par l'île, comme si celle-ci le possédait. Mais le film continue, la narration évolue, devenant plus abrupt à un point de bouleverser les codes d'un genre horrifique (et non horreur) qui semblait avoir déjà tout dit. L'oeuvre se réserve des révélations entre attendues et inattendues, mais quoi qu'il en soit demandera assurément un autre visionnage pour en extraire toute la substance du propos.


L'expérience visuelle est renforcée par une bande sonore extrêmement saturée, immergeant le spectateur dans un état second. A l'image des personnages, les repères de temps deviennent quelque chose d'abstrait. Le temps passe, ralenti, s’arrête même, mais toujours sans savoir comment il s'est écoulé et combien de temps. De ce fait, l'expérience doit être vécue soit dans une salle de cinéma, soit avec un home cinéma qui envoie. Mark Korven (musique) et Ben Holiday (monteur musical) composent une partition exemplaire pour illustrer de façon la plus pertinente ce genre de folie par le son.


Tout cela dit, il serait facile de reprocher à The Lighthouse quelques moments où le rythme narratif perd en vitesse, mais en découvrant que cela est toujours justifié par la suite, on comprend aisément que ce parti pris est parfaitement assumé. Robert Eggers repousse une fois de plus les limites d'un genre (ou plusieurs) en faisant de la folie et de la solitude une toute nouvelle expérience mystérieuse portée par deux monstres du cinéma que sont Willem Dafoe et Robert Pattinson.

MassilNanouche
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le 19 déc. 2019

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Massil Nanouche

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