Source : http://shin.over-blog.org/lords-of-salem.html


Leader charismatique du groupe de heavy metal White Zombie (qu'il dissout en 1998 pour se lancer dans une carrière solo), Rob Zombie passe à la réalisation en 2000 à l'occasion du très remarqué La Maison des 1000 morts (film qui ne sortira qu'en 2003 après différentes tractations avec la MPAA quant à sa classification) ; relançant ainsi la carrière de deux figures mythiques du cinéma de genre, Sid Haig (Black Mama, White Mama, Coffy, Foxy Brown) et Bill Moseley (Chop Top dans Massacre à la tronçonneuse 2) ; et révélant surtout au grand public sa très belle compagne, l'envoûtante Sheri Moon. Les quatre complices se retrouvent en 2005 à l'occasion du mythique The Devil's Rejects, véritable bijou horrifique qui installe définitivement Rob Zombie au panthéon des cinéastes horrifiques majeurs. Après avoir signé l'excellente fausse bande-annonce Werewolf Women of the S.S. à l'occasion du projet Grindhouse de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez en 2007, le réalisateur s'attaque au plus grand maître du genre en signant le remake du cultissime Halloween de Big John Carpenter. Ne manquant pas d'intérêt, bien que bancal à de nombreux égards, cette relecture est tout cas moins honteuse qu'on aurait pu le craindre s'agissant d'un tel classique, a priori "intouchable". La version de Rob Zombie séduit d'ailleurs suffisamment le public pour qu'un deuxième volet soit mis en chantier deux ans plus tard. Mais l'accueil reçu par ce Halloween 2 est si glacial que, suite à sa sortie catastrophique dans les salles américaines, le film sera distribué directement en vidéo dans une grande partie du monde. Depuis, les projets du cinéaste ne cessent de s'accumuler et de s'annuler ; son remake du mythique Le Blob ne verrait ainsi jamais le jour (dommage), et Pirates des Caraïbes 4 sera finalement confié à un autre Rob (Marshall). Et si Rob Zombie n'a pas chômé pas pour autant – produisant le film d'animation The Haunted World of El Superbeasto, enchaînant les tournées en tant que musicien, et réalisant même un épisode de la série Les Experts : Miami – les fans de The Devils Rejects se languissaient quand même de retrouver le cinéaste à son niveau d'antan.


L'annonce de la mise en chantier d'un film ayant pour sujet le fameux procès des sorcières de Salem avait donc de quoi attiser toutes les impatiences (avec un tel thème associé à un tel réalisateur, il y avait de quoi faire quelque chose de franchement énorme !). Puis le film sort. Et là, c'est le drame. Projeté une seule fois en France le 29 juin 2013 à l'occasion d'une rétrospective intégrale durant les Nuits du PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival), The Lords of Salem divise très largement les spectateurs. Et pour cause. Passé un prologue moyenâgeux grand guignol et malsain – mais tout à fait à l'image de cinéma de Rob Zombie – et quelques séquences d'exposition particulièrement léchées dans la station de radio ou l'appartement du personnage incarné par Sheri Moon (le studio et la chambre ont été décorés avec soin), The Lords of Salem n'a pas franchement de quoi susciter l'enthousiasme. Car si Rob Zombie demeure un incroyable créateur d'ambiance, on se demande franchement où le réalisateur a bien voulu en venir. L'écriture du film est d'ailleurs tellement faiblarde qu'on ne parvient jamais à savoir s'il faut prendre au premier, au second, ou au dixième degré les évènements qui nous sont narrés à l'écran. Ni film d'horreur sérieux, ni comédie horrifique, The Lords of Salem est un gros nawak à base de visions hallucinatoires improbables et de successions de saynètes décousues. Certains passages totalement incongrus donnent ainsi parfois l'étrange impression que plusieurs films différents ont été (involontairement ?) mélangés à la salle de montage (faut arrêter la fumette les gars !) ou alors qu'on a essayé tant bien que mal de transformer un film à sketchs en un seul long-métrage vaguement cohérent.



« Welcome... whores of Salem! I can taste the foul stench of your
ancestors rotting in the folds of filth between your legs.
»



The Lords of Salem ne manque pourtant pas d'idées, mais Rob Zombie semble prendre un malin plaisir à se tirer irrémédiablement une balle dans le pied. Évoquant David Lynch, John Carpenter ou encore David Cronenberg lorsqu'il illustre les hallucinations lovecraftiennes extravagantes de son héroïne – qui doit en consommer un paquet visiblement – le turbulent métalleux s'amuse lui-aussi à brouiller les perceptions, mêlant réel et fantastique, jusqu'au point de rupture. Car là où John Carpenter (Prince des ténèbres, L'Antre de la folie) ou Roman Polanski (Rosemary's Baby, Le Locataire) avaient su livrer des œuvres paranoïaques perturbantes et marquante, transcendant le simple exercice de style pour proposer une pure expérience cinématographique réflexive, Rob Zombie refuse ici toute subtilité en jouant à fond la carte de la surenchère bizarroïde. Ce qui donne lieu à des trucs aussi improbables qu'un délire orgiaque à base de tubes tentaculaires dignes des plus mauvais hentaï japonais, de cette représentation incompréhensible d'un démon nabot, de cet espèce de Fantômas chelou se baladant avec une chèvre ou encore d'une nana accouchant... d'un homard. C'est dommage, tellement dommage. Surtout qu'il y avait sans nulle doute mille et une façon d'éviter un spectacle aussi risible. Par exemple : pourquoi ne pas avoir exploité la première représentation du malin ? En effet, ce gigantesque yéti démoniaque foutait quand même légèrement plus les miquettes que ce grotesque leprechaun au physique de poulet ventripotent... À partir de là, forcément, il devient difficile de ne pas trouver le long-métrage de Rob Zombie parfaitement ridicule. Surtout que la direction d'acteurs laisse carrément à désirer.


Autant Sheri Moon avait jusqu'à présent été fabuleuse dans tous les films de son mari (de La Maison des 1000 morts à Halloween, en passant évidemment par The Devil's Rejects), autant elle s'avère ici assez peu convaincante. Passons le look d'adolescente improbable (elle a quand même passé la quarantaine) et les dreadlocks affreux qu'elle se coltine (l'enlaidissant comme pas permis), l'actrice paraît ainsi peu concernée par ce qui se passe à l'écran. Il n'y a que lors des (trop) rares passages dans le studio de radio qu'elle semble vraiment se lâcher ; et ce même si sa prononciation du français – son personnage ayant visiblement une véritable passion française (comme en témoigne aussi la décoration de sa chambre évoquant Georges Méliès) – est absolument charmante. En revanche, dès que les trois mamies Halliwell pointent leur nez ridé avec leurs pouvoirs tout cramés, la consternation s'empare du spectateur. C'est quoi le délire de Rob Zombie avec cette espèce de "Charmed gériatrique" ? Avec des bombasses, la série d'Aaron Spelling était déjà bien relou. Mais avec de vieilles actrices sur le retour (Dee Wallace – E.T. l'extraterrestre, Cujo – fait franchement de la peine), c'est juste insupportable. De toute façon, le casting est globalement à la traîne. Après avoir incarnée l'une des plus marquantes action girl des années 80's-90's, force est de constater que Maria Conchita Alonso (Predator 2, Running Man, Extrême préjudice) a sérieusement morflé. Certes, il y a bien le plaisir revoir cette bonne vieille trogne de Ken Foree (Zombie, L'Armée des morts) qui retrouve Rob Zombie après The Devil's Rejects et le remake de Halloween, mais son rôle est bien trop anecdotique pour suffire. Seul Bruce Davison (inoubliable Sénateur Kelly dans les X-Men de Bryan Singer) s'en sort honorablement en spécialiste soupçonneux ; un rôle qu'on croirait d'ailleurs écrit pour Malcolm McDowell tant il évoque fameux docteur Loomis (d'ailleurs incarné par ce dernier dans le Halloween de Rob Zombie).


Bref, Rob, tu fais chier. Arrête un peu la sniffette et écris nous la suite de The Devil's Rejets au lieu de nous pondre un autre machin pareil !

Shinémathèque
2
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le 24 avr. 2014

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