Poison Girl
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Peu d'auteurs de la décennie 2010 auront autant fasciné que Nicolas Winding Refn. Celui qui en 2011, était l'instigateur de la nouvelle cinéphilie adolescente avide de violence profonde et stylisée avec Drive, a tout de suite refusé sa couronne. D'Only God Forgives (2013) reflet grimacant et âcre de son grand frère jusqu'à l'affranchissement de toute construction narrative avec la série Too old to die young (2019) en passant donc par the Neon Demon (2016), il ne cesse de déconstruire tout ce qu'il a pu démocratiser pour certains. Mais que fait il vraiment pousser entre les débris couleur néon ?
The neon Demon est une plongée dans un Los Angeles délirant où nous assistons à la montée de Jesse (magnétique Elle Fanning) dans le milieu de la mode jusqu'à ce que le système la pervertisse et la dévore (littéralement). Ainsi, un des plus grands esthètes du cinéma contemporain nous entraîne dans un monde, le sien. Celui de la mode, de l'image provocante, du vide. Tout d'abord, il se dépourvoit de tout désir pour les corps féminins qu'il filme : des corps parfaits, sans vie, malléables, manipulés sans vergogne devant l'oeil voyeuriste et posé de son réalisateur, tout en plan fixe, symétrique et millimètré. L'érotisme certain de l'oeuvre ne se dégage que de la mise en scène de Refn. Il connaît cette culture clip, pub, néon qu'il régurgite avec une certaine virtuosité (tout comme par exemple un certain Harmony Korine avec Spring Breakers). On se laisse entraîner au son planant et synthétique de Cliff Martinez dans ce monde peuplé de désir, de jalousie et d'une fascination inexplicable, inconsciente.
Et pourtant, à mi-chemin, le rutilant et redoutable serpent de Refn se mord la queue à mesure que Jesse se détruit. L'iconographie de l'oeuvre se change, se dénature, perd de sa froide superbe pour verser dans le gore, le racoleur (l'oeil, le torrent de sang se déversant des parties génitales d'une des protagonistes etc...). Le film échappe à notre compréhension et (le doute est permis) possiblement à celle de son auteur. Ainsi, à la conclusion du film, le spectateur ébahi et admiratif de cette Odyssée côtoiera celui désabusé et critique de ce qu'il considérera comme une belle coquille vide.
Pourtant, cette perte de sens et pour certains de qualité, peut coïncider avec la trajectoire de son héroïne. La perversion que la jeune fille subit se répercuterait dans l'oeuvre, dévorée et dénaturée à son tour. Alors que les deux chemins d'analyse se valent : À quel saint se vouer ? À un auteur, conscient de son sujet, du monde qu'il traite car il en vient et qui maîtrise son film jusqu'à la dernière image ? Ou un talentueux faiseur d'images qu'on a bien vite mis sur un pied d'estale à la suite d'un film et qui ne saurait développer un fond cohérent sans virer dans le ridicule ?
The Neon Demon, c'est tout ça : un objet de cinéma sulfureux où le génie et le mauvais goût dansent ensemble entre les corps et les synthés.
Créée
le 21 août 2020
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